Un jeu au poêle
Ah, Eastward ! Comme nous t’attendions ! Rejeton de Pixpil, petit studio chinois dont Eastward est le premier jeu et édité par Chucklefish ( souvenez vous, Starbound ! Risk of...
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le 18 sept. 2021
8 j'aime
Eastward propose des visuels absolument bluffant. Que ce soit son introduction animée (dont le chara design fluctue un peu avec les animations en pixel, mais bref), ses personnages en pixel très détaillés et tous uniques (pas un seul PNJ ne revient une fois dans le jeu, tous ont leur propre design) ou encore la liste longue comme le bras d'animations pour chaque personnage, c'est un travail absolument ahurissant.
Le jeu est un action-RPG qui puise à plusieurs inspirations, les principales étant Secret of Mana et Zelda, dans un univers unique, qui semble se dérouler sur les décombres du nôtre. Deux héros, John, un barbu mutique et Sam, une étrange jeune fille aux cheveux blancs, sont poussés par des événements à aller vers l'est dans un monde dont les codes nous sont étrangers.
Ceux qui ont fait ce jeu ont une très solide culture vidéoludique. Ainsi, les boss qui meurent au bout de trois mise en échec de leur pattern, ou le coeur qui se rajoute après une victoire importante ou la découverte de quatre fragments de coeur sont d'évidentes allusions à Zelda. L jeu comporte également des bornes d'arcade auxquelles nos héros peuvent jouer à Earthborn, une évidente allusion à Earthbound. Ce jeu dans le jeu est une sorte de Dragon quest (que je n'ai pas eu la patience de terminer). Je pourrais démêler une à une toutes les références aux RPG mais ce serait lassant. Il y a en tout cas de l'amour, beaucoup d'amour.
L'esthétique du jeu, cartoon mais dans un sens ni vraiment occidental, ni vraiment japonisant, est assez déroutante. J'aurais parié sur un jeu fait dans les pays de l'est, mais en réalité j'ai découvert qu'il s'agissait d'un jeune studio shanghaïen. Cela explique sans doute cette quête visant à collecter des histoires de fantômes à Barrageville.
Il y a cependant derrière la créativité généreuse de ce titre une série de réserves qui sont propres à tout premier jeu.
Déjà, d'un point de vue esthétique, il est dommage que la caméra soit un peu trop haute pour que l'on voit vraiment à quel point le pixel art est somptueux. Parfois, lors d'une scène, la caméra zoome et l'on voit ce qu'on perd.
Le plus gros problème se situe au niveau narratif. il y a beaucoup de personnages (non mais regardez la liste des NPC dans le wiki officiel), qui ont tous l'air d'avoir un passé sans que cela soit explicité, mais au final l'action n'est pas portée par des enjeux narratifs clairs et forts, c'est dommage. Les personnages ne font que réagir à des situations immédiates sans que le tableau général n'apparaisse vraiment, et la fin ne répond pas vraiment aux questions, qui sont pourtant très nombreuses : qu'advient-il de Vertecolline, que nous avons vue ravagée par le miasme (une sorte de gangrène noire qui ronge le monde ? Pourquoi Salomon apparaît-il tantôt sous les traits d'un enfant adepte de magie noire, puis d'un adulte violent, et enfin d'un scientifique mégalomane ? Pourquoi tout le monde appelle-t-il Sam "mère" ? Pourquoi la plupart des principaux protagonistes portent-ils des prénoms de l'Ancien Testament (Samuel, Daniel, Salomon, David) ? Que sont ces cuves comportant des répliques d'Alva que l'on voit à la fin ? Qui a créé et programmé (ou reprogrammé ?) Isabel ? Etc... etc...
Peut-être que c'est l'un de ces jeux où en première partie, on est dérouté mais où l'on finit par s'habituer à cet univers aux règles et aux directions narratives impossibles à prédire. Je ne peux m'empêcher d'y voir un foisonnement un peu maladroit, et l'épilogue sans véritable conclusion me semble davantage une paresse qu'autre chose. On a quand même l'impression de passer de segments à d'autres par des rustines narratives. Au sens où l'on n'a jamais l'impression d'avoir un vrai rythme : Vertecolline se termine très rapidement, à la différence de Barrageville, très rempli, puis la partie dans le train hollywoodien (j'ai oublié le nom français) est un peu longuette, et à partir d'Eternia, on se laisse porter sans vraiment tout comprendre. Un peu dommage, il aurait fallu du liant dans l'écriture et parfois tailler au contraire dans le blabla.
Bon, et par ailleurs la boucle de gameplay n'est pas très engageante, ce qui fait que j'ai dû parfois me forcer un peu pour avancer. Tantôt on explore et on discute, tantôt on résoud des énigmes et tantôt on combat, mais ce n'est pas très approfondi. Les énigmes reposent souvent sur le fait que John, qui peut taper/détruire, et Sam, qui peut bouger/activer à l'aide de ses pouvoirs, sont sur des espaces séparés et doivent coopérer pour avancer et éventuellement se réunir, mais beaucoup des énigmes reposent sur du sokoban basique ou du timing, et à force c'est un peu répétitif. (J'ai même réussi à résoudre une des énigmes de la tour grâce à un bug de réapparition, et j'avoue que ça m'allait très bien. Idem, si certains patterns de boss sont intéressants, c'est souvent assez enfantin, et peu de boss sont vraiment marquants (quoique très bien animés).
Enfin, gros respect à la traduction française, qui a fait passer beaucoup de noms/calembours pas simples à transcrire, je pense.
Ce n'est pas un jeu fait pour tout le monde, mais je suis tout de même content de l'avoir découvert. Je ne saurais dire quel public était visé. C'est une belle tentative, qui tire un peu dans tous les sens. Le grand malheur d'Eastward, c'est de se mesurer à Earthbound, et surtout de sortir après Undertale, qui en est le véritable descendant.
Créée
le 2 juil. 2023
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