Enslaved: Odyssey to the West – Un captivant voyage
Enslaved a quelque chose. On se résout assez vite à le penser une fois le jeu en main. Ne serait-ce que parce que ce vert, comme une couleur étrange, s'empare du titre et le dévore, au point qu'on y verrait presque la négation du moteur qui l'a mis au monde – l'Unreal Engine – et qui en temps normal nous offre un gris tristement industriel. Pourtant, dire qu'un jeu a quelque chose, c'est sous-entendre qu'il lui manque tellement. C'est en partie vrai, mais l'on parle ici de ces petites choses qui l'empêchent d'être excellent.
La motion capture fait des merveilles. A l'image de Heavenly Sword, les acteurs ayant participé à la production du jeu réalisent la capture et le doublage. Ils le font même parfois simultanément pour les besoins des cinématiques : on parle alors de « performance capture ». On retrouve ainsi derrière Monkey l'étonnant Andy Serkis, qui avait déjà incarné le Roi Bohan de Heavenly Sword, tandis que Trip, incarnée par une Lindsey Shaw plus méconnue, offre une parfaite contre-mesure à son partenaire. A cet égard, il est dommage que le doublage français fasse si peu honneur à l'excellent doublage américain, lequel transmet une humanité rare aux personnages. Les dialogues sont parfois fins et drôles, notamment dans le deuxième partie du titre, après la rencontre d'un certain Pigsy. Le duo formé par les deux caractères principaux constitue ainsi une indéniable spécificité du titre, et l'un des duos les plus intéressants qu'il m'ait été donné de voir. L'évolution du personnage de Monkey, en particulier, voit sa situation de simple garde du corps évoluer vers des élans de paternité, le tout nappé d'un stoïcisme pas banal qui ne l'amène que rarement à ironiser sur sa position.
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Le jeu garde au final un aspect assez « rudimentaire » : les combats au bâton, bien que s'ébauchant de mouvements supplémentaires au fil de l'aventure, restent très primitifs, ce qui sied parfaitement au personnage de Monkey. Le scénario valorise en outre un énième combat des hommes contre les machines, au demeurant très mystérieux, puisque l'on ignore tout de ce qui s'est passé. En ce sens, le jeu n'est pas particulièrement sophistiqué ou innovant, mais ça lui va plutôt bien. L'histoire se laisse jouer, d'autant que les difficultés sont rares (on conseillera aux habitués de jouer directement en difficile), et la diversité des cas de figures ou des changements de rythme participent à donner une certaine personnalité au titre.
En un sens il est curieux que le scénario n'ait pas cherché à justifier notre présence ou les évènements qui ont ravagé le monde tel qu'on le connait, et on se surprend facilement à envisager la floraison de cette nouvelle licence pour répondre aux nombreuses interrogations suscitées par cette première aventure. Les différents phases de gameplay confinent à faire du jeu un hybride assez léger entre plate-forme, action et stratégie, tout en restant accessible à tout type de joueur. En dépit de l'utilisation de codes assez datés (collecte, progression, aventure subie), Enslaved captive parce qu'il met en scène des personnages et des situations avec beaucoup de malice – le passage avec la voiture en est un très bon exemple – et valorise une mise en scène encore trop souvent inédite dans le domaine.
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