Devenez l'éminence grise d'une nation sur plus de 400 ans

Je croyais savoir ce qu'est un wargame avec les Total War. Europa Universalis m'a retourné la tête. La perspective de choisir, dans une carte qui doit contenir un millier de provinces, un pays parmi plus de cent nations du monde, depuis le plus petit duché d'Europe Centrale jusqu'à la Moscovie en passant par l'empire Inca ou l'Ordre Teutonique, ça ne pouvait que me plaire. Et putain, ça me plait.
Imaginez: vous contrôlez tout, de 1399 à 1821, depuis la guerre de Cent Ans jusqu'à l'épopée napoléonienne. Mais tout! Société, moeurs, défense, commerce, diplomatie, tout! Votre pays est d'abord doté d'un monarque évidemment, qui peut être selon le régime un roi, un président, un grand maître, ou même le pape, que sais-je encore, et qui évidemment devra être remplacé quand il cassera sa pipe. A partir de là il y a tout un aspect gestion de politique intérieure: prendre en compte la situation initiale, les bonus/malus du régime politique et du monarque, pour donner de grandes orientations à sa nation grâce à un système de sliders: veut-on d'un pays dogmatique, basé sur le servage des paysans et sur l'aristocratie, destiné à conquérir la moitié de l'Europe et du Nouveau Monde avec la bénédiction du pape? Ou bien sera on une modeste république marchande, bourgeoise, innovante et sur la défensive, qui à force de singer la Curie finira par embrasser la Réforme ou les Lumières? Mais les questions de société évoluent lentement par nature, aussi peut-être vous amuserez-vous à modeler la politique intérieure de votre nation au fil des décennies voire des siècles, pour passer d'un extrême à l'autre?
Une fois cet objectif déterminé, c'est open bar: car il n'y a pas de but précis dans le jeu, ormis quelques missions qui n'ont aucun caractère obligatoire (du style: améliorez vos relations avec le Portugal, annexez un bout de l'Italie, ayez une meilleure flotte que Venise...). Engagez une poignée de conseillers pour améliorer tel ou tel aspect du pays (récolte d'impôt, tradition militaire, recherche, piété...) et vous voila partis. Les seuls fils conducteurs, qui aideront grandement à survivre, sont le souci du prestige et de la réputation. Le premier se gagne par des exploits, des gains dans des guerres, des grands travaux, etc. La deuxième s'améliore en ayant une attitude digne, en imposant des accords de paix en accord avec les casus belli de telle ou telle guerre remportée, en ayant des relations saines et confiantes avec ses voisins. Les voies vers le succès sont multiples, entre conquête militaire, échanges commerciaux ou colonialisme, suprématie navale ou influence indirecte sur tout un continent par la diplomatie. Il est tout à fait possible (dans les limites de la faisabilité historique) de jouer une partie totalement pacifique. La guerre n'est ici qu'un moyen, et un moyen très cadré qui plus est, grâce à un système ingénieux de casus belli, de trèves, d'alliances à la chaîne, de lassitude du peuple etc...
Le jeu évolue en permanence, propose sans cesse des évènements aléatoires qui nous plongent souvent dans de cruels dilemnes (parfois avec humour: par exemple l'héritier a échappé à la vigilance de sa nourrice et s'est retrouvé nu en public, faut-il le gronder ou laisser couler?). De plus, il y a un certain nombre d'évènements historiques reproduits (l'apparition du protestantisme qui donnera des suées aux joueurs des puissances catholiques, à moins que vous ne jouiez la carte de la tolérance humaniste), et d'évolutions: ainsi l'arbre des technologies est prévu pour empêcher une avance irréaliste, genre découvrir l'Amérique dès 1410. Au final, ce qui est brillant dans un tel jeu, c'est la nécessité des différents points de vue par le joueur. On est loin du cliché du jeu vidéo comme art de l'instantané, de l'obstination et du recommencement perpétuel jusqu'à la réussite du joueur. Dans EU, il faut tout prévoir à toutes les échelles: ce qu'on fait maintenant, ce que l'on fera dans 6 mois, ce que l'on fera dans 2 ans, dans 10 ans, dans 50 ans, dans 100 ans... Rarement un jeu aura permis une telle profondeur de réflexion. Et au final, on ne s'ennuie pas une seconde. Pas une seconde.

Biggus-Dickus
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le 4 janv. 2015

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