La série Minna No Golf de Sony connaît un succès à chaque fois surprenant lors de nouvelles sorties au Japon. Surprenant parce qu’il ne s’agit « que » d’un jeu de golf, mais au Japon il s’agit « DU » jeu de golf. Retour sur un épisode, le quatrième, pour tenter de comprendre au mieux ce succès.
Si Minna No Golf réussit à se vendre par dizaines de milliers sans trop se forcer, il faut savoir que sa notoriété est largement moins importante de l’autre côté du Pacifique. La série a d’ailleurs changé de nom pendant le trajet : aux États-Unis il s’agit d’Hot Shots, en Europe Everybody’s Golf. Le territoire natal du golf a d’ailleurs suivi les épisodes avec plus ou moins de régularité, le troisième étant inédit chez nous. Cet Everybody’s Golf a perdu son numéro de suite mais "gagne" une fort vilaine jaquette..
Le golf est un sport qui demande beaucoup de concentration, de réflexion, de force et de précision. Il évolue dans un milieu assez élitiste. Le défi de Everybody’s Golf est d’arriver à faire le juste milieu entre les compétences du joueur et une certaine accessibilité. Pour ce dernier, les personnages en S.D. (Super Deformed) très typés apportent un peu de légèreté sur les terrains. De même, cette volonté de séduire tout le monde se ressent dans de nombreux petits détails, comme les menus, très attrayants.
Mais le jeu n’oublie pas le fond, et Everybody’s Golf est assez exigent. Le moteur physique est crédible. Toute erreur dans le jeu est dû à un mauvais calcul. Il faut prendre en compte la direction du vent et les conditions climatiques, l’inclinaison du terrain et son altitude, les zones de chaque court (les différents gazons, le sable, etc.). Mais aussi les facilités de chaque personnage, l’équipement à choisir, les effets à donner à balle, etc ; ne pas tenir compte de tout ça, c’est enchaîner coups sur coups maladroits. Le but étant, rappelons le, de faire aussi bien que le nombre de coups requis pour tel terrain, et si possible moins. Pour autant, le jeu se permet quelques fantaisies dans son gameplay, comme ces coups spéciaux limités.
La marge de progression du joueur est donc tout simplement énorme, d’autant plus qu’il y a encore quelques astuces que seuls les meilleurs oseront tenter. De plus, certains parcours contiennent des petites subtilités ou des raccourcis un peu dangereux, mais qui réussis peuvent permettre de réaliser un bon score. Pour autant, les tout premiers pas peuvent être assez difficiles. Malgré son accessibilité revendiquée, il n’y a pas de tutoriel dans le jeu. Et la notice, tout en français et en couleurs, est parfois confuse pour le néophyte. Mais une fois le club bien en main et les grandes ficelles apprises, le plaisir commence.
C’est d’autant plus facile que le jeu est joli. Les décors ne sont pas photoréalistes, mais ils ont le mérite d’être rempli de petits détails : les parcours se suivent mais ne se ressemblent pas. Everybody’s Golf adopte un style un peu enfantin mais clair et propre. Il faut aussi souligner que la bande-son réussit sa mission pour un jeu de golf : être discrète sans être trop entraînante ou redondante, ce qui générait la concentration du joueur. D’un point de vue technique, EG en fait donc « pas trop » mais jamais « trop peu » et le tout se laisse regarder et écouter sans jamais déranger.
A la marge de progression du joueur, s’y ajoute celle du contenu du jeu, pour former un titre dont la durée de vie est spectaculaire. Il y a tout d’abord les modes de jeux, nombreux. Le joueur solitaire peut engranger de l’expérience lors du mode tournoi pour gravir les échelons et débloquer de nouveaux parcours. Dans le mode VS par contre, il doit affronter plusieurs personnages qui seront ensuite ajoutés à la liste des sélectionnables. Mais il est aussi possible de se détendre un peu dans le mode mini-jeu avec ses parcours de mini-golf ou son parcours de par 3 ou de s’échauffer et de se perfectionner dans le mode entraînement, qui permet de rejouer n’importe quel parcours, n’importe quel trou, n’importe quel coups, etc. Les (bons) résultats obtenus permettent de récolter de l’argent qui peut être échangé contre de multiples accessoires et autres objets. Le mode multi joueurs n’est pas pour autant délaissé, puisqu’il est possible d’y jouer jusqu’à quatre devant une télé et sur internet (à l’époque). Les possibilités sont vastes pour profiter d’Everybody’s Golf, entre des parties plus paisibles et d’autres plus tendues, selon les envies du jour.
Même en dehors de ces modes, le jeu est généreux. Il y a ainsi douze parcours en tout, chacun correspond à une esthétique particulière et ces parcours peuvent être débloqués en mode miroir ou en tee arrière (le point de départ est plus éloigné). Le choix de la saison influence fortement la façon de jouer. Il y a une vingtaine de personnages sélectionnables dont deux guest-stars de l’écurie PS2, tous avec deux tenues et plusieurs couleurs à débloquer. Pour ce qui est des clubs et des balles, EG ne fait pas dans le détail sans pour autant verser dans l’abondance : chaque nouvelle pièce d’équipement semble ainsi différente de celles précédentes. Et sans compter encore la multitude de petites choses à débloquer, comme des arrière-fonds pour les menus ou d’autres personnages. Arriver à tout débloquer ne se fait pas en une poignée de parties, et chaque heure de jeu, à condition de bien jouer, est récompensée par de nouveaux éléments qui enrichissent toujours plus l’expérience de jeu.
Everybody’s Golf est donc un jeu parfaitement ciselé sous tous les rapports. Crédible sans être trop réaliste, sa durée de vie impressionnante et une réalisation propre font d’Everybody’s Golf un excellent jeu de golf et permet de comprendre l’incroyable succès de la série au Japon. Certainement le maître-étalon du genre. La licence s'est aussi aventurée dans le tennis, c'est aussi une réussite.
Au passage, je recommande tout autant l’injustement méconnu Ace Golf sur Gamecube, un excellent clone de la série Minna no Golf.