J'ai longtemps considéré F-Zero X avec scepticisme. L'original, paru en 1992 sur la Super Nintendo, reste l'un de mes jeux favoris. Contrepoint idéal à Super Mario Kart, F-Zero privilégie la précision et l’expérience. Je signais mes meilleurs temps à Mario Kart vers 1995, puis, lassé par son modèle de conduite approximatif, je me rabattais définitivement vers F-Zero pour la chasse aux records. Jusque vers 2004, je m'y reprenais régulièrement, pratiquant un peu pour retrouver mes réflexes, puis, partant à l'assaut du chronomètre. Et toujours, en y mettant un peu de réflexion et d'obstination, je trouvais quelques centièmes ici ou là.
Quand F-Zero X est arrivé, après un bref coup d'oeil, j'ai commencé par l'ignorer. Pour moi, F-Zero, c’était la conduite à l’état pur, et FZX introduisait des attaques contre les bolides adverses. Surement une concession à la popularité de Mario Kart! Et puis, finalement, je suis tombé dedans. Quelle claque, les amis!
Loin de dénaturer la pureté de l'oeuvre originale, F-Zero X la complète et l'enrichit. Preuve de son approche, son style minimaliste. La beauté graphique est sacrifiée sur l'autel du gameplay, un choix risqué et décisif de la part de ses concepteurs. Au lieu de bolides détaillés ou de décors complexes, nous avons droit à 30 véhicules différents sur la piste, tous actifs en temps réel (F-Zero se limitait à quatre ou cinq, apparaissant ou disparaissant suivant les actions du joueur pour donner l'impression d'une multitude), et 60 images par seconde pour une fluidité maximale.
Libérés des contraintes du Mode 7 de la Super Nintendo, les circuits de la version N64 représentent un sommet de l'architecture virtuelle. Combinaison de folie tri-dimensionnelle et de savoir-faire en level design, ils n'ont que faire de la gravité, vrillent, bouclent, se tortillent, se changent en cylindres ou en tuyaux, mais le font en suivant les règles secrètes du challenge, du rythme et de l'amusement des joueurs.
Un changement notoire par rapport au F-Zero SNES est l'utilisation des boosts. Limitées à un par tour sur SNES, les boosts dans F-Zero X sont en quantité infinie, mais chaque utilisation utilise une portion de la barre de vie, que l'on peut recharger sur des zones spéciales comme dans le premier opus. Cela signifie que la tactique optimale consiste à utiliser le plus de boosts possibles pour tout juste survivre jusqu'au tour suivant, au risque d'exploser à la moindre erreur. Comme sur SNES, donc, il faut chercher à acquérir autant de vitesse que possible, piloter avec finesse et précision, mais en plus, être prêt à payer très cher une prise de risque mal étudiée.
En ce qui concerne les attaques, elles s’avèrent être un outil plus stratégique que tactique. Attaquer vous ralentira, ce n'est donc pas une action faite à la légère. En revanche, comme chaque coupe dure six courses, et que l'on passe à la course suivante quelle que soit la position d’arrivée (sur SNES, il fallait finir dans les trois premiers), les attaques peuvent permettre d’éliminer un pilote qui s’échappe devant vous au championnat. Avec son système de point façon NASCAR qui favorise la régularité, parfois, une attaque bien placée est la seule façon de finir devant aux points. Contrairement à ma première impression, cet aspect du jeu apporte donc une richesse supplémentaire sans rien enlever au pilotage.
En plus de ces nouveautés importantes, F-Zero X se paye quelques autres additions. La bande son s'offre un nouveau style hard-metal, avec des morceaux qui collent comme un gant aux courses-poursuites à grande vitesse. Si peut-être écouter Dreamchaser* en se mangeant tous les murs du circuit n'est pas votre tasse de thé, sachez que la pratique sera récompensée: c'est la musique idéale pour conduire une voiture à toute vitesse sur le plafond d'un tunnel embouteille du périphérique parisien (je le sais: j'ai essayé avec ma Micra).
Avec le jeu SNES venait une petite BD sympa dans le manuel, introduisant les principaux protagonistes (Falcon, Dr. Stewart, Pico et Goroh) dans un style inspiré des comics de super-héros américains. Cette fois, on a droit à des illustrations du même style pour les 30 personnages (ouip, 26 nouveaux, rien que ça). Chacun a une brève description et un bolide assorti. Si les différences entre la conduite de chaque sont plutôt mineures, il y a des variations intéressantes dans l'ensemble, et tous offrent une chance de battre le jeu en difficulté maximale.
Même avec ca, F-Zero X est presque aussi minimaliste que F-Zero, mais il respire une atmosphère de vitesse, de violence, et de folie. C'est un jeu difficile. En dépit de mes efforts, je n'ai jamais pu atteindre le niveau d'expertise que j'avais sur F-Zero SNES, ou Maximum Velocity. Je suis capable de battre le jeu, mais en dehors d'un ou deux circuits, mes meilleurs temps sont très loin de ceux des champions. Le niveau d'acharnement et d'obstination pour devenir un dieu de F-Zero X est au-delà de mes capacités. Sans importance. Battre au fil l'ordinateur pour la première place en Master, après être parti trentième est un plaisir suffisant.
Avec toutes ses vidéos flashy, ses circuits baroques et nouveaux personnages de cirque, F-Zero GX échouera à reproduire sur Gamecube la même alchimie. Les nouveaux membres du cast sont un peu trop japoniais, et font tache dans la foule bigarrée de mutants criminels habitant les grilles de départ d'une vraie course de F-Zero.
Plus grave, GX optera pour des circuits "gadgets". Quelqu'un a une super-idée de décor pour un circuit, et on dessine le tracé autour, au lieu de faire le tracé d'abord et de l'habiller en suite. Si les circuits qui figurent dans AX (la version arcade) sont chouettes, beaucoup de circuits de GX sont anodins, ennuyeux, confus, trop longs.
A ce jour, F-Zero X reste donc un monument du jeu de course sur console. Dommage qu'il gise oubliée par ses créateurs, qui se contentent de ressusciter le Capitaine Falcon de temps à autre pour une apparition en guest-star de Super Smash Bros. On peut toujours rêver qu'un jour, Nintendo essaiera une suite dans l'esprit de X, avec la richesse graphique de GX.
En attendant, je vais aller voir si je sais encore jouer.
- Si la BO N64 est réussie, elle n'est rien comparée à l'album 'Guitar Arranged' reprenant tous les thèmes du jeu. Cette BO est une tuerie, et comme les toutes meilleures BO, s'ecoute tres bien en dehors de son support d'origine. https://www.youtube.com/watch?v=cMnp2c4wl7Y