Une tentative maladroite de donner suite à une franchise culte

Car si Daggerfall, Morrowind et Oblivion forment une trilogie respectable, Fallout 1 & 2 c'est juste un autre niveau de talent, deux chefs-d'œuvre caustiques et inoubliables. Alors quand les créateurs des premier tentent de singer les seconds, le résultat, même s'il est doté de qualités indéniables, fait un peu pâle figure.


Tout d'abord, c'est quand même pas très bien écrit. La volonté de "faire du Fallout" mène les développeurs à singer tous les fondamentaux du vénérable ancêtre, sans jamais trouver le ton juste. L'humour noir devient de l'humour crasseux, des références culturelles sont jetées pêle-mêle n'importe où et n'importe comment, et le ton décalé ne sert ici qu'à casser la crédibilité de l'univers. Je ne compte plus le nombre de fois où les justifications des personnages m'ont semblé complètement crétines, et les évènements se déroulant devant mes yeux, capillotractés : les pseudos-vampires, la République de Dave, le bannissement sorti de nulle part, Little Lamplight, ... Tout ça ne tient pas debout, et l'immersion en prend un sacré coup. En plus les personnages sont épais comme des feuilles de papier à cigarette, et du coup on ne se sent pas vraiment concernés pas leurs destinées. Et encore une fois, ça pique d'autant plus que Bethesda a fait le choix de s'inscrire dans la continuité d'une des franchises les mieux écrites de tous les temps !


Autre défaut qui a fait le voyage depuis Oblivion, l'interface utilisateur consolisée et pas vraiment ergonomique. La carte est atrocement riquiqui, les menus pas optimisés pour un clavier à plus de 100 touches, et les contrôles sont généralement bien plus adaptés à une manette (le crochetage en est un exemple flagrant !). Bon le feeling des armes est un peu pourri, mais on s'y fait, et de toute façon les combats de peuvent qu'être plus intéressants que ceux d'Oblivion ! Le système de réparation de l'équipement est plutôt bien équilibré, ainsi que les combats durant la première moitié du jeu. Car le système de level scaling qui défigurait Oblivion a été ici bien modéré, et tant qu'on a pas un niveau trop haut, les ennemis sont intéressants à combattre. Malheureusement quand on monte en niveau les ennemis deviennent de vrais sacs à PV, et certains ennemis ridiculement puissants viennent un peu casser le fun du jeu (le mutant overlord est complètement fumé, avec son arme surpuissante inesquivable et sa résistance aux dégats qui crève le plafond).


Les quêtes sont bien moins nombreuses que dans un Elder Scrolls, et bien plus linéaires également. Le journal de quêtes est raté et lorsqu'on a plusieurs quêtes en même temps (ce qui arrive forcément dans un jeu Bethesda !) on a trop de mal à suivre le fil de chacune d'entre elle. La quête principale est un poil courte, même si un des DLC lui offre une petite extension bienvenue, et du coup on peut se retrouver au bout de quelques dizaines d'heures de jeu avec l'impression d'être à court de quêtes ! Alors qu'en fait en fouillant dans les enregistrements audios on va retrouver des bouts de quête qu'on n'a pas fini. Le level design des donjons est toujours aussi inintéressant et confus, malgré la décision de Bethesda d'y consacrer une équipe exclusive. On se perd, on tourne en rond, et ça devient très rapidement crispant.


A noter que Fallout 3 fonctionne différemment des Elder Scrolls pour ce qui est du rapport entre exploration et quêtes. Dans Morrowind/Oblivion, il vaut mieux éviter d'explorer à l'aveugle pour ne pas briser des quêtes qui nous seront confiées dans nos futures heures de jeu. Donc on n'explore que les endroits où une quête nous mène. Dans Fallout 3, la plupart des destinations finales des quêtes sont bloquées si on en est pas à un stade précis de la quête en question, et du coup il est bien moins risqué d'explorer n'importe quel endroit n'importe quand. Il est même en réalité conseillé de le faire, car de nombreuses quêtes ont leur point d'origine dans des bâtiments éloignés des villes principales.


Mais à force de me voir égrainer tous ces défauts, vous vous dites "il est pas bien ce jeu alors ?". Eh bien détrompez-vous, car voici venir l'éloge de la qualité principale du jeu : son univers. Car le monde concocté par Bethesda propose des paysages monstrueusement chouettes et possède une ambiance de folie. La première heure de jeu est extrêmement rasoir et cloisonnée, et c'est en fait un piège des développeurs afin de décupler l'impact qu'aura sur vous la première vision de leur univers désolé, lorsque vous verrez la lumière du jour pour la première fois. Sans déconner, la sortie de l'Abri est vraiment un des moments les plus "waouh" que j'ai pu vivre dans un jeu vidéo. On se sent vraiment dans la peau du protagoniste, coincé depuis trop longtemps dans cet abri grisâtre, et qui voit à perte de vue et sous un soleil aveuglant s'étendre les plaines mortes entourant Washington. Ruines de béton et d'acier, arbres calcinés, animaux mutants, Bethesda décline avec brio tout ce qui fait la réussite d'un monde post-apocalyptique, et ça marche du feu de dieu !


L'univers est tellement réussi que j'ai joué mes 20 premières heures sans utiliser le voyage rapide, afin de mieux m'immerger dans ces paysages à couper le souffle. Vous devriez essayer de vous passer ainsi de voyage rapide pendant quelques heures, ça donne une tangibilité formidable au sol que vous foulez. Même si les quêtes ne sont pas du tout pensées pour, et que vous devrez forcement cesser ce pèlerinage au bout d'un certain temps, le sentiment d'immersion que cela procure vous suivra jusqu'à la fin du jeu.


Bon les limites techniques des consoles forcent un certain cloisonnement lorsqu'on arpente les rues de la capitale américaine, ce qui nuit un peu au côté monde ouvert. Ainsi, certains endroits de la ville, pourtant situés en extérieur, ne sont accessibles que via le métro, ce qui a quand même tendance à bien les soustraire de ce grand monde ouvert.


Finalement, Fallout 3 vaut-il qu'on tolère ses défauts irritants afin de profiter de son univers ? Oui, mille fois oui ! Aurait-il vraiment du s'appeler Fallout 3 plutôt que de devenir une nouvelle franchise ? Peut-être pas... Personnellement je pense que c'est une erreur d'avoir poursuivi cette franchise, car l'aura de ces jeux est telle qu'un troisième Fallout 3 allait forcément pâtir de la comparaison, et ses forces et ses défauts sont extrêmement éloignées de celles de ses ancêtres.


15/20

Jopopoe
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le 4 mars 2018

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