Après une période prospère ( Far Cry 3 & 4), la licence s’est engouffrée progressivement dans un ronron quotidien, allant d’un spin-off sympathique et néanmoins pas indispensable Far Cry Primal jusqu’à un volet éclaté en deux parties, à savoir Far Cry 5 et Far Cry New Dawn, que personnellement j’ai détesté.
J’avais beaucoup d’attentes sur le cinquième opus, et j’ai été passablement déçu par le cinquième volet. Je ne m’amusais plus. Je ne me sentais pas impliqué dans l’histoire. Mais finalement, à côté de New Dawn, Far Cry 5 est un bon jeu. New Dawn, premier Far Cry à introduire la dynamique de light-Rpg, avec des ennemis qui ont une barre de vie. C’est que au fur et à mesure que les licences d’Ubisoft avancent dans le temps, elles finissent toutes par se ressembler. Le gameplay d’AC ressemble à celui de Far Cry. Le gameplay de Watch Dogs ressemble à celui d’Assassin Creed. Et je dois bien reconnaitre que mis à part Valhalla, qui était beaucoup trop long pour son propre bien et néanmoins très sympathique, Far Cry 4, le premier Watch Dogs et AC Syndicate et Rogue, je n’ai pas ou peu pris de plaisir à jouer à la bonne vieille recette du monde ouvert ubisoftien qui existe depuis 2009 avec AC 2.
Ça n’évolue plus, et néanmoins pendant une période personne n’a rien dit. AC a fini par se relancer avec une nouvelle trilogie qui s’est fortement inspirée du succès de The Witcher 3. Mettons du RPG light partout, ça fera ...un bon jeu ? C’est dans ce contexte que sort Far Cry 6, qui s’annonçait prometteur et plus intéressant que le 5. Retour aux sources dans une île paradisiaque, avec un dictateur Anton Castillo, interprété par Giancarlo Esposito, inoubliable Gus Fring dans Breaking Bad. En plus de cela, sa relation avec son fils Diego apprenti dictateur serait exploré dans le jeu et le personnage principale Dani Rojas, au choix homme ou femme, aurait une vraie personnalité développée et ne serait plus un avatar crée.
Ça s’annonçait bien. Et puis, on s’est vite rendu compte que quelque chose n’allait pas. N’allait plus. Ce Far Cry 6 a bidé. Il a été boudé par les joueurs et les critiques. Il a perdu de sa valeur quelques mois à peine après sa sortie, on pouvait déjà y jouer pour 40 euros. Avec les rumeurs courant comme quoi Far Cry 6 serait le dernier jeu estampillé de la licence orienté « solo » avant une orientation beaucoup plus multijoueur et « jeu service », je me devais une dernière fois de tester cette licence que j’ai porté dans mon coeur pendant quelques années.
Avec une moyenne à l’heure où j’écris ses lignes de 5,2 sur senscritique, je vais essayer de proposer une critique nuancée sur cet opus décrié. Est-ce vraiment le chant du cygne de la saga Far Cry ? Est-il si mauvais que ça ?
1. Scénario et contexte: woke me up, before you go go ?
Retour aux bases, avec un scénario proche de Far Cry 4. Vous êtes Dani Rojas, une Yaran (j’ai choisi la version féminine), orpheline et ancienne militaire, qui décide de fuir l’île de Yaran, dirigée par El Présidente Castillo, un dictateur en puissance qui fait de la ségrégation ( les vrais et les faux Yarans), torture ses opposants et a construit l’indépendance de son île en vendant du Viviro, un remède miracle contre le cancer.
Évidemment, tout ne va pas se passer comme prévu, Dani perd ses deux meilleurs potes, rencontre Castillo et son fils Diego qui est... plus nuancé que son père, et fini par atterrir dans Libertad, la résistance Yaran. Petit à petit au contact de Guérillero, elle va mener la lutte de front contre Castillo à travers toute l’île. En chemin, elle fédérera tout un ensemble de personnes qui l’aideront à prendre d’assaut la capitale Esperenza lors de la dernière mission du jeu.
Vous avez fait Far Cry 4, Far Cry 5 ? Vous êtes en terrain connu. Vous allez enchainer un ensemble de missions qui vous mèneront à éliminer les sous-lieutenants de Castillo, puis par la suite Castillo lui-même. Far Cry, mis à part Vaas et Pagan Min, a toujours mal exploité ses vilains. C’est encore une fois chose faite. Vous attendiez quelque chose de Giancarlo Esposito ? Il est peu présent, vous ne le verrez pour ainsi dire quasiment jamais en « physique ». Vous éliminez un sous lieutenant, vous voyez sa réaction. Finalement le jeu va montrer l’influence néfaste que le père a sur son fils, pour que tout ça finisse en eau de boudin dans le grand final.
Et que dire de ses sous-lieutenants ? Probablement les plus mauvais depuis longtemps. Maria Marquesa, sa mort est ridicule. El doctor, petite référence à Far Cry 3 et puis s’en va. McKay ? Risible au possible, sauf vers la fin où ça avait tendance à s’améliorer un peu. Je ne vais pas tous les citer, ils ne sont pas très intéressants.
Et que dire des personnages secondaires, dont je pense le traitement est« politique », que Ubisoft a fini par admettre suite aux critiques lors d’un tweet du directeur créatif du jeu, a probablement contribué au bashing du jeu. A la manière de ma critique sur The Last of Us 2, meilleur jeu de 2020 avec FF 7 remake, j’avais remarqué une volonté politique des développeurs de s’inscrire dans le courant de la culture « Woke ». Est-ce que ça nuisait à l’expérience de jeu ? Non. Est-ce ça me semblait parfois forcé ? Oui. Et bien ce Far Cry 6 ne déroge pas à la règle.
On veut te montrer des personnages non pas en tant que personnage mais en tant que personnage représentatif de telle ou telle communauté. Prenons Paolo qui est un homme transgenre, Jonron qui est une vegan et qui se sent obligée d’en faire une tirade lors d’une mission de chasse, Gilberto qui est un drag-queen... Et parfois l’écriture Ubisoftienne étant ce qu’elle est, c’est à dire faiblarde, commet des impairs alors qu’elle met en avant ses personnages dans un souci « d’inclusivité », je me rappelle d’une phrase balancée par la copine de Paolo lors d’une cutscene où Paolo décide de ne pas s’engager dans le conflit pour Yaran et de quitter l’île, « un vrai mec se défile pas ». Pas très subtil, vous en conviendrez.
D’une manière générale, Ubisoft a une vision complétement faussée des révolutionnaires, qui sont presque tous ultra tatoués, percés de toute part et avec un look ridicule. Je veux dire sérieusement, pensez vous réellement que les personnages avec lesquels vous travaillez dans ce jeu, dans la vie réelle, réussiraient à mener à bien leur révolution ?
Je pense que le fait que les notes soient aussi basses s’expliquent par le rejet d’une partie des joueurs, comme avec TLOU 2, de la politisation du jeu vidéo et de son inscription dans les courants « Woke ». Pour ma part, je resterai nuancé, oui on voit que c’est politique, c’est très mal écrit et mal fait la plupart du temps, et je retiens parfois des choses intéressantes dans l’écriture d’Ubisoft, il faut le souligner.
Par exemple, Anton Castillo, son background familial, est super intéressant et très peu exploité. Son père était El Présidente dans les années 1960. Il était métisse, d’un père espagnol et d’une mère africaine et justement il évoque le racisme qui existait à Yaran pendant ces années là. Son discours, sur le fait que son père était un « agneau » et sa mère une « lionne », qui aurait pu reprendre le pouvoir à la mort de son père, et qui en a été empêché parce qu’elle était une femme de couleur, ça oui, j’ai trouvé que c’était intéressant de l’aborder parce que non seulement ça répond à la volonté de « politisation » du jeu vidéo, et que ça s’intègre dans le scénario, pour le développement de personnage, ça explique pourquoi Anton est si amer contre son peuple.
2- Gameplay: peu de changements au final ?
Le jeu reprend les assets de Far Cry 5 et New Dawn, avec une dimension RPG light plus prononcée. C’est simple, il y a de l’équipement, il y a des armes avec des « niveaux » à trouver, ainsi que des matériaux qui te permettront de customiser tes armes comme tu le souhaites. Un nouveau véhicule, le char motorisé fait son apparition ainsi que les avions de chasse.
Est-ce que ce système nuit foncièrement au plaisir de jeu ? Non. Ça ne change pas grand chose pour ainsi dire. Pire, ça t’oblige à utiliser toujours les mêmes armes qui ont trois ou quatre étoiles. A noter que le jeu propose des armes personnalisées comme le lance disque « Hey Macarana » ou le suprêmo, une sorte de lance roquettes intégré dans le dos.
Il y a de nouvelles éliminations à la machette en coin ou à travers un obstacle et c’est à peu près tout. On retrouve sinon toutes les bonnes vieilles recettes du Far Cry qu’on connait ( et qu’on aime), mais aussi tout ses défauts, avec des missions principales pas toujours très inspirées, malheureusement. A noter que le feeling des gunfights est toujours aussi bon.
3- La technique sur Séries S
Le jeu tourne en 60 FPS et 1080 P sur Xbox Séries S, et il peut tourner jusqu’en 1440 P sur les TV conçues pour. C’est très appréciable, la direction artistique est magnifique, j’ai repris du plaisir à explorer l’île comme dans Far Cry 3, et avec le Quick resume + les temps de chargements réduits au maximum ( 7 secondes), c’est très appréciable d’explorer Yara dans ces conditions.
Le jeu est plutôt bien optimisé, et pourtant j’ai eu des bugs de son, j’ai eu quelques crashs du jeu, et des bugs risibles sur la physique. Il serait peut-être temps de changer le moteur du jeu, qui même s’il est toujours aussi appréciable, commence un peu à tousser, surtout pendant les cinématiques.
Concernant l’intelligence artificielle, on est clairement sur quelque chose de basique, elle est ultra agressive quand vous êtes dans le feu de l’action, mais pour l’infiltration, faudra pas trop compter dessus.
Conclusion
J’ai bien aimé ce Far Cry 6. C’était quand même tellement mieux que le 5 et que New Dawn. J’ai retrouvé un peu le plaisir que j’avais sur des titres comme Far Cry 3 et Far Cry 4, et rien que pour ça, j’en suis reconnaissant. On est sur un bon jeu popcorn à la ubisoft.
Est-ce qu’il est néanmoins décevant sur certains points ? Bien sûr. L’écriture n’est pas toujours au rendez-vous, et comme elle s’aventure de plus en plus sur le terrain « woke », elle ne vise pas toujours juste, malgré quelques bonnes idées ( l’évocation de la mère d’Anton Castillo pendant les années 1960). La structure du jeu n’évolue pas ou plus, elle reste figée dans ce qu’on connait déjà, y ajouter du light RPG ne sauvera pas la série de sa léthargie.
Quoiqu’il en soit, le jeu a sûrement été jugé un peu hâtivement et simplement par une partie des joueurs en fonction de son côté « inclusif », en plus du fait que la saga n’évolue plus, et il prend dans la gueule tout ce que d’autres opus comme Primal ou Far Cry 5 n’ont pas étrangement pris, bizarre d’être complaisant avec d’autres opus et pas (plus ?) avec celui là. Pour moi c’est un bon Far Cry, amusant, plutôt fun malgré des moments où tu vas te dire, punaise, quand est-ce que ça se termine, c’est toujours la même chose 9 ans après Far Cry 3.
Je retiens donc un jeu qui a fait ce que j’attendais de Far Cry depuis l’opus 4, l’opus 5 avait dévissé de cette route, l’opus 6 revient dans le sillon avec une ambiance latino ( et une bande son qui va avec) pas pour me déplaire, c’est assez réussi avec des déceptions, la ville principale d’Esperenza est belle mais tellement vide, ce Far Cry aurait pu aller plus loin. Ce ne sera pas encore l’épisode du renouveau. Est-ce le Hara-kiri de la licence ? Pour moi en tout cas, c’est un épisode convenable sur lequel on peut quitter la licence, et rien que pour ça je le conseille, attendez quand même les soldes sur le jeu, si vous pouvez le faire pour 30-40 euros, ça vaut le coup.