Ni les hommes, ni leurs vies ne se mesurent alone

Initialement développé comme sujet de thèse, FAR: Lone Sails est le premier jeu vidéo commercial sur lequel a bossé une équipe de six jeunes suisses… et clairement, pour un « premier » jeu vidéo, les développeurs ont mis la barre haute.

En scrutant son gameplay, FAR: Lone Sails pourrait faire penser à un jeu d'aventure comme Inside (lui aussi développé sous Unity). C'est-à-dire une aventure est très linéaire dans laquelle nous allons tout simplement de gauche à droite et qui pose quelques obstacles, quelques énigmes d'une simplicité enfantine, sur notre chemin. L'originalité du titre est cependant de nous mettre aux commandes d'un véhicule atypique qui a facilement tendance à s'endommager ou à manquer de carburant (ça tombe bien, à l'instar de la DeLorean de Retour vers le futur 2, pratiquement tout ce qui nous passe sous la main peut servir de carburant). Un truc très intéressant concernant le contrôle du véhicule, et par extension le jeu en lui-même, c'est qu'il ne nous embête pas avec une dizaine de didacticiels différents : les mécaniques sont intuitives, et au pire, le titre ne se montre pas très méchant avec nous lors de ses premières minutes de jeu. En fait, dans sa gestion du véhicule, le titre pourrait un peu faire penser à un Lovers in a Dangerous Spacetime… mais en bien (je sais, c'est totalement gratuit comme remarque). En outre, les différentes améliorations pour notre véhicule de compagnie sont bien placées ; on n'en obtient pas une toutes les deux minutes et on ne démarre pas non plus le jeu avec un véhicule déjà blindé : autant l'indiquer de suite, les développeurs ont su très bien rythmer leur jeu. Il y a une véritable interdépendance qui se créée entre nous et le véhicule, comme si nous avions un animal de compagnie à nos côtés et que cet animal de compagnie avait tout aussi bien besoin de nous que nous avions besoin de lui.


Il faut dire aussi que dans FAR: Lone Sails, nous sommes seul. En effet, nous ne rencontrerons aucun PNJ durant les un peu plus de deux heures de jeu (ni ami, ni ennemi, ni personnage lambda ou neutre) : le titre débutant sur une sorte de recueillement autour d'une pierre tombale pour se finir autour des flemmes d'un brasier. Le nom du héros semble quant à lui être mentionné explicitement uniquement dans le dossier de presse : pour info, iel s'appelle Lone (effectivement, les développeurs ne sont pas allés chercher bien loin pour trouver un nom). L'univers fait très post-apocalyptique (et plus précisément post-effondrement), et outre quelques restes de textes inscrits sur des murs et autres anciens panneaux d'affichage, il n'y a absolument rien à lire durant l'intégralité de l'aventure. Si la narration se veut non textuelle, elle se veut aussi mutique. En effet, aucun dialogue ne parviendra jusqu'à nos oreilles durant l'intégralité de l'aventure. En fait, seule la radio m'a parue transmettre à un moment des voix, mais de manière inintelligible… peut-être le fruit de mon imagination qui sait ?

On pourrait arguer que cette « limitation » dans la narration soit surtout un moyen pour les développeurs de ne pas écrire quelque chose de trop complexe, de trop poussé… et c'est le cas. FAR: Lone Sails fait partie de cette catégorie de jeu à l'univers sibyllin, qui nous raconte quelque chose, non pas à travers du texte ou de la voix, mais à travers des images (on est face à de la narration environnementale quoi). Force est de constater cependant que dans le genre, des titres comme Inside ou The Witness, eux aussi relativement sibyllin, ont pourtant bien plus à raconter. J'ai, en effet, interprété le message derrière FAR: Lone Sails comme un message assez banal, en rapport avec le sentiment de perte (sentimental, environnemental et matériel).

Reste qu'en termes de direction artistique, l'œuvre dont il est question ici frappe très fort. Le titre possède une palette de couleur limitée sans pour autant avoir un univers qui paraît si irréaliste que ça. Aucun décors ne jure avec un autre, et j'avoue avoir pris de nombreuses captures d'écrans durant mon périple tant j'ai trouvé la composition de certains plans sublime.

Pour continuer dans la composition, sonore cette fois-ci, les développeurs ont su trouver le juste milieu entre l'utilisation des silences afin de bien appuyer la solitude lors de certains passages, et des musiques dans le but de marquer la progression du joueur, lors de l'arrivée d'un événement bien précis. Ces mêmes musiques ont été composées par Joel Schoch, compositeur pour lequel FAR: Lone Sails est l'un de ses premiers travaux, en plus d'être sa première composition dans le milieu du jeu vidéo.


Vous vous en doutez vu le genre de jeu duquel il s'agit et vu le côté indé que FAR: Lone Sails n'est pas une expérience bien longue. Comptez un peu plus de deux heures afin de terminer le titre, et ce, en prenant votre temps. Forcément, niveau rejouabilité, le jeu étant très dirigiste, ça pèche un peu de ce côté-là. Pour avoir fait le jeu deux fois à l'heure où j'écris ces lignes, je dois bien avouer que j'ai clairement moins pris mon pied lors de ma seconde session. À la limite, l'obtention des succès pourra toujours en motiver certains afin de refaire le jeu plusieurs fois.

Reste à voir l'intérêt d'une suite. FAR: Lone Sails étant le genre de « jeu-expérience » dont l'intérêt réside en partie sur le sentiment de découverte, sur la singularité du voyage. Je serais surpris d'apprendre que Changing Tides arrive à proposer une expérience aussi surprenante et intense que l'originale… à moins que les développeurs arrivent à twister les codes de leur jeu.

À voir. En attendant, FAR: Lone sails est une expérience que je vous recommande fortement.

Créée

le 1 mars 2023

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MacCAM

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