Fight Night Champion, l'anti EA
Un mois de retard pour une critique de jeu vidéo relève presque de l'anachronisme. Mais Fight Night Champion est un jeu remarquable à plus d'un titre, il mérite donc malgré tout d'être chroniqué. En plus d'être une simulation de boxe émérite, le nouveau EA se démarque de la politique de l'éditeur sur nombre de points. Mais commençons avant par le décryptage du jeu.
La série des Fight Night est reconnue pour son système de contrôle implanté dans la série en 2004. Nommé Total Touch Control, ce mode singe en fait les coups basiques de la boxe (jabs, crochets et uppercuts) grâce aux sticks analogiques de la manette. L'un sert aux déplacement (le gauche) alors que l'autre devra se plier aux quarts de tour et autres demi-tour afin de faire pleuvoir une déferlante de coups sur l'adversaire. A l'époque, nous n'étions pas trop habitué à gesticuler des pouces simultanément. Il fallait donc un petit temps d'adaptation pour dompter la chose et maitriser pleinement l'ensemble des subtilités. Fight Night signait aussi l'arrivée d'une vraie simulation de boxe, balayant par là même d'un revers de gant l'ancienne série de l'éditeur : Knockout Kings. Fight Night continua son bonhomme de chemin (bande-son généralissime, graphismes sublimes pour Round 3 et duels beaucoup plus dynamiques pour Round 4) au rythme de sorties irrégulières (nous y reviendrons plus bas) pour finalement parvenir en 2011 avec un véritable champion.
Comme pour ses ainés, Fight Night Champion est doté de graphismes sublimes et de modes de jeu nombreux. Évoluant par petites touches, la série propose pour ce volet un mode de contrôle plus souple. On dirige toujours son boxeur avec les deux sticks, mais une direction seulement suffira à déclencher n'importe quel coup. De même pour la garde qui se résume maintenant à un seul bouton. Terminé les gardes hautes, basses ou de côtés, le maintien d'une touche vous gardera de manger des pains. Rebaptisé Full Spectrum Punch Control la maniabilité se fait plus grand public, néanmoins sa maitrise reste, comme à son habitude, longue et éprouvante. Le contre devient une arme fatale et la prudence sera votre nouvelle ligne de conduite. En effet, dans Fight Night Champion, on a rapidement tendance à enchainer les coups sans le vouloir et donc à s'exposer à un retour dévastateur. Le gameplay plus souple rend les combats plus arcade, ce qui fâchera les puristes (qui boudent de toute façon depuis Round 4), mais aussi plus punchys, alertes et spectaculaires. Un compromis qui va dans le sens de l'ouverture, mais qui ne dessert au final que très légèrement l'aspect revêche et complexe que les puristes affectionnent tant.
Mais la cerise sur le gâteau est le nouveau mode histoire. EA intègre avec Fight Night Champion le facteur qui manquait aux simulations de boxe : le sensationnel. Hormis les fans du Noble Art, l'imagerie que retient le public de ce sport – avec certains combats de Ali ou de Tyson – se résume aux élans héroïques de Rocky. C'est bien à travers le cinéma que la boxe a gagné son statut de sport sensation. EA nous livre ici un concentré de ce qui fait le nectar de la boxe à Hollywood : un jeune plein d'avenir, un vieil entraineur, un manager véreux et ainsi de suite tout au long de l'ascension de André Bishop, votre avatar. Seul un album de famille pourrait centraliser plus de clichés, mais franchement, que c'est bon ! Et même si elle n'a rien d'inattendu, je ne vous dirai rien de l'intrigue, car je ne veux pas gâcher votre surprise de découvrir certaines situations qui vous obligeront à jouer différemment. Faire de ce mode histoire un tutoriel géant est l'idée de génie que je retiendrai de ce jeu. Après l'aventure de André Bishop, vous serez fin près à affronter tous types d'adversaire et apte à basculer d'un style de jeu à un autre ; cela car le mode histoire vous aura inculqué de façon douce, progressive et subliminale l'ensemble des particularités à comprendre. A ce niveau, vous pourrez vous lancer dans le mode Palmarès où la création de votre propre boxeur et sa montée en puissance seront vos nouveaux objectifs.
En plus d'être d'une grande qualité, la série Fight Night Champion se démarque de la politique d'édition outrancière de Electronic Arts. Depuis 1994, la société s'est enlisée dans une démarche de publication annuelle pour ses franchises sportives. Ainsi, 17 Fifa (sans compter les versions Euro et Coupe du Monde), NHL et NFL sont sortis. Détenteur des licences officielles pour ces sports – qui valent sans aucun doute des sommes indécentes – la politique économique d'EA est donc tout à fait compréhensible. Mais l'enchaînement éreintant des titres n'a pas toujours payé. NBA Live, une série qui a débuté en 1995, pourrait en témoigner ! Pour ce qui est de Fight Night, EA l'a joué plus tranquille et s'est restreint à 5 jeux depuis 2004. Une politique plus mesuré mais aussi et surtout plus attentive et précautionneuse. Chaque épisode était ainsi développé avec un soin tout particulier. Le manque de concurrence sur ce genre pèse aussi dans la balance (contrairement aux autres sports), l'éditeur est pour la boxe plutôt serein et ce n'est pas le Don King Boxing de 2k qui va venir stresser les créateurs de Fight Night.
Intelligent est le terme qui résume peut-être le mieux Fight Night Champion. Intelligent dans son orientation : un gameplay plus souple, un mode histoire attrayant et matérialisant le meilleur tutoriel de l'histoire du jeu vidéo sont autant de propriétés qui ouvrent la franchise au grand public sans pour autant oublier ou se foutre des puristes. Intelligent dans sa politique d'édition : Fight Night Champion se fait plus discret que les Fifa et autres NFL, mais sait bénéficier d'un développement minutieux pour resplendir au moment de la sortie. Après la mise en avant de belles pépites en 2008, l'éditeur adopte pour certaines licences une conduite exemplaire. On aurait pu croire que la tactique appliquée pour Fight Night ait trouvé un écho dans Skate (autant pour son gameplay simulation basé sur le « touché » que pour ses sorties plus espacées), mais les ventes étant au rendez-vous, les épisodes de la série se sont accélérées, perdant au passage de leur fraicheur et de leur qualité. Croisons les doigts pour que la licence Fight Night ne tombe pas dans la folle routine du succès.