(Critique sans spoilers)
Il est plutôt agréable d'écrire sur Final Fantasy V (FFV) : cet épisode canonique est souvent considéré comme mineur dans la série, c'est donc sans pression que je vous partage ces 40 heures de jeu dont les maîtres mots ont été efficacité et simplicité.
Un mot sur les différentes versions de FFV (spoiler : c'est un sacré bordel)
La version originale sur Super Nintendo est uniquement disponible en Japonais bien que des patchs de traduction existent. Cette version a été portée et traduite en anglais sur Playstation, version qui souffre malheureusement de temps de chargement trop longs. Elle a ensuite été portée sur Game Boy Advance en français, bénéficiant de graphismes affinés, de quick-save, d'un donjon supplémentaire et de musiques retravaillées (pour le meilleur et pour le pire). Il existe la version Old-steam(n'est plus disponible)/IOS/android, traduite en français, avec les musiques originales, le donjon-bonus, la fonction quick-save, la possibilité de reprendre le jeu juste avant un game-over, des portraits tirés des dessins de Yoshitaka Amano et -attention grand débat- des graphismes 2D en "HD". Et enfin nous avons la version Pixel Remaster disponible sur de très nombreuses plateformes, avec du beau sprite, des musiques retravaillées, la traduction, la police d'écriture atroce et l'absence de contenu supplémentaire. J'ai joué à la version Old-steam et j'ai apprécié le confort de jeu. Si les graphismes "HD" ne sont pas transcendants, ils ne trahissent, à mon avis, pas l’œuvre de base.
Un épisode mineur ?
La statut "mineur" de Final Fantasy V se comprend particulièrement lorsque l'on se remet dans le contexte de l'époque. L'épisode précédent, Final Fantasy IV, affichait une ambition nouvelle en proposant un vrai travail sur la narration et les personnages, tout en implémentant un système de combat devenu classique, l'ATB (Active Time Battle), rythmant les tours de jeu en fonction de la rapidité des personnages et des monstres. Final Fantasy V, quant à lui, se ressent comme un successeur au troisième opus tirant parti des améliorations du quatrième. Le jeu mettra en avant son système de jobs inspiré de FFIII et la narration apparaît comme un moyen plutôt qu'une fin. Enfin, Final Fantasy VI reprendra l'ambition narrative de FFIV et placera la barre très haut affirmant une identité propre par une écriture et une mise en scène jamais vues et par une symbiose poussée entre l'univers et le gameplay. L'avenir de la série donnera raison à cette orientation narrative qui cherche à faire émerger une vraie singularité à chaque nouvel épisode : tous les épisodes suivants se vivront comme des expériences narratives et ludiques à part entière partageant quelques référentiels communs. Final Fantasy V représente donc une des deux voies qu'aurait pu emprunter la série, une voie du "terrain connu" où la cosmogonie se met en deçà pour miser ses billes sur la familiarité, le rythme et l'efficacité du gameplay. Une voie, oserais-je le dire, qu'a emprunté et qu'emprunte encore la série Dragon Quest.
Jouer à FFV aujourd'hui
Lorsque l'on se lance dans l'aventure aujourd'hui, cette démarcation entre FFIV/FFV/FFVI se fait bien moins sentir. Le feeling "old school" de ces trois jeux est similaire et les différences mises en évidence dans le paragraphe précédent sont estompées : musicalement, c'est de l'excellent Nobuo Uematsu, graphiquement, c'est du bon gros sprite de l'age d'or de la 2D, mécaniquement, c'est du tour par tour bénéficiant de l'ATB. Ces jeux constituent une garantie d'avoir une expérience JRPG efficace et à l'ancienne. C'est cette idée qui m'a guidé lorsque j'ai lancé FFV en 2020. J'avais le souhait d'une aventure en toute simplicité, lassé des derniers jeux essayés se noyant dans un contenu répétitif (Assassin's Creed Odyssey), ou proposant des mécaniques complexes sous-exploitées (Alliance Alive).
Un plaisir de jeu qui n'a pas pris une ride
Autant vous dire que j'ai été servi. Final Fantasy V est un petit bijou brut qui va à l'essentiel :
- Le scénario est d'une grande simplicité mais rythme régulièrement l'aventure. Si l'enjeu est important (sauver le monde!), la mythologie de l'univers est très peu étendue et s'appuie surtout sur les acquis des anciens épisodes (les cristaux élémentaires qui assurent l'équilibre du monde). Heureusement, la narration est suffisamment présente pour donner du sens aux étapes du voyage.
- Les villes/donjons sont d'une taille réduite permettant de profiter sans se lasser des dialogues, combats et environnements. Même le donjon final ne tire pas en longueur. Pour moi, ce format est idéal.
- Les héros sont peu nombreux et donc vite attachants, malgré un certains manque de profondeur. Héros... et Héroïnes : parmi les 5 personnages centraux de l'aventures, 3 sont des femmes.
- Les combats ne sont jamais longs et nécessitent votre attention. A nouveau, c'est selon moi le meilleur des compromis pour ne pas se lasser : si vous n'avez pas la stratégie et/ou le niveau, l’affrontement se clôturera rapidement par un game-over. Si vous avez la bonne approche et le niveau, le combat pourra s'avérer tendu mais vous serez victorieux en une poignée de minutes.
- Un système de jeu facile à comprendre, complexe à maîtriser et plaisant à expérimenter. Le jeu s'appuie sur un système de job peaufiné à l'extrême : au fur et à mesure de l'aventure vous débloquez jusque 26 jobs différents. Vous améliorez ces jobs en augmentant leur niveau de maîtrise, passant par un système d'expérience qui leur est dédié. Une fois acquise, une compétence peut être associée à un autre job. Enfin, le job "free-lance" permet d'associer de nombreuses compétences d'autres jobs et vous offre le bonus statistique des autres jobs que vous avez maîtrisé au maximum. Le fait de gagner en variété de jobs au fur et à mesure de l'aventure permet d'expérimenter sans être noyé, l'apothéose venant en fin de jeu où la combinaison des compétences permet toutes les folies. Il vous suffira de trouver la bonne combine pour surfer avec condescendance sur un donjon de prime abord intimidant, ou pour occire un boss d'un niveau bien trop élevé pour vos héros.
- Plaisir de grinder : le grinding, c'est typiquement ce que je déteste dans un jeu. Pourtant FFV m'a piégé : avec la carotte de varier les jobs et les stratégies, je me suis surpris à chercher les ennemis les plus rentables et à enchaîner les combats pour améliorer mes personnages. Le grinding de FFV nécessite de se frotter à des monstres dangereux, et exige donc de répéter une stratégie qu'on rôde au maximum. J'ai donc grindé pendant des heures tout en regardant des conneries à la TV, et j'ai kiffé ma race.
La pertinence de FFV
Final Fantasy V est-il une madeleine de Proust, une expérience old-school, ou encore une proposition qui a encore toute sa pertinence aujourd'hui ? Pour moi, pas de doute, il réunit ces trois éléments, mais c'est sa pertinence qui surprend le plus. La création de jeux-vidéo a beau évoluer sans cesse, elle est faite de grands cycles. Aujourd'hui centrée sur des expériences extrêmement courtes ou à des aventures à l'étendue intimidante, il devient précieux de (re)trouver des sensations de jeux différentes. Final Fantasy V propose une aventure relativement longue (30 à 40 heures), ne joue jamais les bois-de-rallonge, et ne noie pas le joueur dans des complexités parfois futiles.
Enfin, il est impossible de terminer cette critique sans évoquer l'incroyable bande-son signée Nobuo Uematsu. Je vous garantis du plaisir en continu dans les oreilles durant l'entièreté du jeu. Parmi les pistes méconnues, en voici quelques unes qui ont vraiment attiré mon oreille :
https://open.spotify.com/track/77JQx4x8xYbNXdUoKeY3zi?si=25RPpf5WSYee_3yeuWsEwQ
https://open.spotify.com/track/6ygpi6mir0DGnAPYuj3dmE?si=ir5BuD2hRB2tpmbQyEJB5A
https://open.spotify.com/track/4DI3LyFNE9kfF3YwhFOWeh?si=oF7g6Q1UQ1G_gvQAFzE-BQ