Critique publiée à l'origine sur Etoile et Champignon.fr
FF 6 est-il oui ou non le meilleur RPG japonais de tous les temps, au final peu importe, c’est une affaire de goût. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’y joue quelque chose d’unique pour le genre, l’accomplissement d’une modernité foudroyante dans le contexte de sa sortie. Contrairement à la série des Dragon Quest, plongée malicieuse dans les traditions et codes du genre, FF6 explose les structures établies en faisant de son récit non plus le simple prétexte à ces codes (la fameuse structure en « village / donjon »), mais bien l’enjeu principal qui subordonne tout le reste (décors, combats, personnages jouables, musiques).
Voilà ce qui rend FF 6 si marquant, si ambitieux et novateur pour son époque : il était le premier JRPG moins intéressé par sa mécanique ludique que par le destin de ses personnages, la gravité de ses enjeux, la fluidité de ses enchaînements narratifs. On visitera bien des villages et donjons, mais plus comme avant, plus comme ailleurs : ils ne sont plus cette cadence binaire et immuable qui rythme l’aventure comme un métronome ; dans FF6 ils deviennent des éléments de narration à part entière. Un donjon ne vaut plus pour le seul leveling et autre combat de boss ; il devient un décor hyper-scénarisé, lieu d’une péripétie ou d’une tension dramatique qui le grave en mémoire et lui donne tout son sens dans le flot du récit qui l’englobe.
De cette approche novatrice, FF6 tire une structure en grande séquences narratives, détournant sans cesse la syntaxe classique du RPG pour la mettre en scène à des fins scénaristiques : on citera par exemple les séquences mythiques de l’opéra, du train fantôme où du diner avec l’empereur (à choix multiples), rendues passionnantes par les drames qui s’y nouent et autres happenings surgissant jusque dans les combats (comme celui joué en chute libre le long d’une cascade). Cette passion pour la narration irrigue jusqu’aux personnages eux-même, qui valent moins comme archétypes de gameplay (classe « soigneur », « mage », « guerrier », etc…) que comme acteurs à part égale d’un récit choral. Point de véritable héros dans FF6 : chacun a son importance, son propre fil de récit entremêlé à celui des autres et à la plus grande histoire du conflit qui l’oppose à l’Empire (où brille tout particulièrement le « joker-esque » Kefka, l’un des méchants les plus mémorablement vicieux de la série).
Si son histoire est passionnante, capable d’évoquer en quelques lignes bien écrites le coût humain des guerres et dictatures sur fond de folklore fantasy, FF6 n’en oublie pas d’être un jeu. Suivant la tradition de la série – un nouveau système de combat par épisode -, FF6 propose des mécaniques peut-être un peu datées pour qui le découvrira sur supports récents (les combats sont aléatoires et fréquents, à l’ancienne), mais suffisamment riches pour conjurer toute lassitude : outre ses capacités spéciales, chaque personnage peut apprendre des magies en équipant une magicite – l’essence des Espers, créatures surnaturelles invocables en combat – ; ce principe apporte une touche de customisation stratégique bienvenue, permettant par exemple de faire d’un perso au corps à corps un soigneur ou mage occasionnel.
Pour finir en un mot comme en cents, Final Fantasy reste aujourd’hui ce grand jeu qu’il a toujours été depuis sa sortie initiale sur Super Nes, un classique du jeu de rôle japonais à la narration emportée par des séquences mémorables.
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