Je me suis toujours demandé comment, à l'aube des années 90, un tel jeu a pu voir le jour.
Il y a certes le talent et la motivation du producteur, Ryôji Amano, obligé de rendre sa copie au bout de trois mois seulement. Sans doute le bonhomme était-il à ce moment-là en état de grâce, et peut-être a-t-il joué sa vie sur ce titre au point de sacrifier famille, santé et intégrité mentale. Supposons... On l'imagine bien avaler quantité de bouquins de physique et se passionner à fond pour la petite balle jaune (il faisait des nuits blanches pour suivre Rolland Garros paraît-il...) Il y a eu à n'en pas douter de la passion et beaucoup de travail derrière tout ça.
Malgré tout, il y a dans ce Final Match Tennis quelque chose d'inexplicable, un truc assez irrationnel qui échappe aux lignes de codes et que je serais bien infoutu d'énoncer clairement, malgré des années de pratique.
Le problème, c'est que le génie ici ne saute pas aux yeux. Il se mérite. Il faudra passer des heures à s'entraîner, galérer dans le mode practice pour d'abord taper la balle correctement, apprendre à sentir le timing des différents coups, et accepter de se faire violer à maintes reprises par des Lendl téléguidés de niveau 5 avant de pouvoir réellement y comprendre quelque chose.
Alors oui, on pourrait disserter sur les qualités techniques d'un titre dont on a du mal à croire aujourd'hui qu'il tourne sur une console 8 bits, comme cette physique de balle incroyable, clef de voûte du gameplay, d'une fluidité et d'un réalisme qu'on ne reverra que dix ans plus tard dans un autre genre avec le Winning Eleven 4 de Konami. On pourrait aussi parler de l'I.A., supérieure à celles des productions ludo-tennistiques actuelles, de la jouabilité parfaitement équilibrée et la richesse des possibilités qu'elle offre au joueur, de la variété des styles tennistiques proposés (le génie de McEnroe à la volée, la puissance de Lendl en fond de court, le service-volée agressif de Boris Becker...) Mais enfin tout ça ne suffirait pas à rendre véritablement compte du plaisir qu'on éprouve manette en main, ce bonheur de placer un passing long de ligne ou d'ajuster une volée venant mourir derrière le filet, qui fait qu'on y revient sans cesse et avec toujours autant de plaisir.