Je sais pas si vous avez remarqué mais il y a différents types de deuxième jeu. On a bien sûr le deuxième jeu qui reprend les bases du premier en ajoutant d’autres fonctionnalités et en améliorant ce qui peut être amélioré. Et puis on a le deuxième jeu qui s’oppose totalement au premier dans sa structure et qui teste plein de nouvelles mécaniques. Le plus connu dans ce cas c’est clairement Zelda II, mais figurez vous que Fire Emblem aussi a eu son « opus d’expérimentation » qui fait un peu figure de vilain petit canard de la série.
D’entrée de jeu, on a un petit texte qui défile et qui sert d’exposition. C’est justement ce qui manquait au scénario du premier jeu, donc ça fait plaisir de voir qu’ils ont corrigé ça. Le scénario, d’ailleurs, passe presque exclusivement par les dialogues entre les personnages, qu’ils soient importants comme Mycen ou de simples PNJs qui nous donnent des informations essentielles pour comprendre tout ce qui se passe. Cela rend la narration beaucoup plus digeste que dans FE1, d’autant que l’histoire en elle même est assez simple à comprendre, on est pas perdu comme dans FE1.
Graphiquement, Gaiden est dans la lignée du premier jeu. C’est certes un peu plus beau, avec des animations encore plus soignées, mais on est quand même loin de ce que la NES peut faire de mieux, surtout en 1992.
Par contre côté son c’est extrêmement impressionnant, bien meilleur que FE1 qui était déjà très correct à ce niveau là. C’est simple : chaque son est culte. Le thème des combats de Alm, celui de Celica, les thèmes de la carte du monde, des villages, et j’en passe.
Maintenant on s’attaque au gros morceau : le gameplay. Fire Emblem Gaiden est bien différent de FE1, et même du reste de la série en fait.
Première nouveauté : la carte du monde. On peut en effet se déplacer sur une carte qui nous permet d’accéder à des villages, des donjons, ou tout simplement affronter les ennemis devant nous pour avancer sur la carte, et donc dans le jeu. On constate donc que Gaiden essaie d’appuyer bien plus sur le « RPG » de « Tactical-RPG » que son prédécesseur. En résulte une expérience un peu moins linéaire que dans FE1, puisque les villages et donjons sont pour la plupart optionnels, et il en va de même pour les personnages. Vous pouvez très bien faire tout le jeu avec 5 personnages si le cœur vous en dit. Mais cette liberté accordée au joueur est assez superficielle, puisqu’il n’y a aucune raison de ne pas visiter les villages et que les donjons sont en fait plus ou moins nécessaires, puisqu’ils permettent de récupérer des objets extrêmement utile et de faire changer de classe vos personnages. En soi ce n’est pas un défaut, mais je trouve dommage que le jeu soit absolument infaisable si on décide de ne pas faire les donjons. Cela dit ça aurait posé des difficultés du point de vue de l’équilibrage, sachant que le jeu est assez mal équilibré de base…
Autre originalité : il y a deux personnages principaux, Alm et Celica. Tous deux ont une armée distincte et progressent d’un côté différent de la carte du monde.
Côté combat, on peut se dire que c’est similaire au premier jeu, mais que nenni. Tout ce qui a été conservé c’est les statistiques des personnages, les différents sorts des mages, qui ont globalement les mêmes fonctions, et la RNG, malheureusement…
Pour le reste c’est bien différent. Déjà les personnages n’ont qu’un seul emplacement d’objet, ce qui réduit presque à néant la gestion de l’inventaire. C’est plutôt agréable de ne pas avoir à se soucier de gérer tout son équipement, surtout que c’était très mal foutu dans FE1, mais ça rend Gaiden un peu trop simpliste à mon sens. Vous pouvez bien sûr échanger vos objets entre vos personnages, mais l’aspect gestion s’arrête là. D’ailleurs il n’y a ni magasins ni argent, vous trouvez vos objets en explorant et c’est tout.
Ensuite, et ça c’est extrêmement important, le map design est assez… unique disons. Les maps contrastent totalement avec celles de FE1. Elles sont souvent petites et plutôt vides. Vous vous battrez souvent dans de vastes plaines avec rien d’autres que des buissons et des ennemis entassés dans divers coins de la carte qui vous foncent dessus. Ou encore des forts remplis d’archers dans un désert qui empêche vos personnages de se déplacer, voire encore pire, une citadelle dans un désert avec des archers, des mages, un invocateur et un boss surpuissant, et vous qui devez tant bien que mal avancer dans ce bordel, avec la moitié de vos personnages qui restent à l’écart parce qu’ils sont bien trop faibles pour pouvoir approcher. Aussi, les maps de FE1 avaient souvent des objectifs secondaires, comme l’exploration de villages ou l’ouverture de coffre, sachant que des voleurs pouvaient ouvrir les coffres et piller les villages, donc ça agissait comme une sorte de compte à rebours et donnait plus de profondeur à chaque map. Dans Gaiden, rien. Je ne vais pas plus tourner autour du pot, le map design de Gaiden est considéré à juste titre comme l’un des pires de la série. Au mieux c’est passable, au pire c’est vraiment mauvais.
Mais vous savez ce qu’il y a de pire que des mauvaises maps ? La RNG, tout simplement. Comme dit plus haut, c’est la même que FE1, donc en d’autres termes c’est de la vraie RNG. Dans FE1 c’était déjà très frustrant de rater des coups avec 95 % de précision, mais finalement ça arrivait relativement peu vu que la précision des unités était généralement assez élevée. Dans Gaiden, ils ont eu la bonne idée de mettre énormément de terrains, que ce soit les buissons, les fortifications etc. Techniquement je n’aurai rien contre ça si les bonus des dits terrains n’étaient pas aussi élevés. Dès que vous vous battez dans des forts, ce qui arrive souvent, toutes les unités ont un bonus de 20 % en esquive, sachant que vos personnages ont souvent une précision de base assez faible. Prenez les lanciers par exemple, leur précision de base est de 80 et les archers c’est encore pire avec 70, alors que le point fort d’un archer c’est quand même censé être sa précision. Là c’est assez ridicule parce que même à bout portant, les archers sont pas foutus de toucher leur cible (parce que oui, les archers ont une portée de 1 à 5 dans ce jeu, autre changement par rapport à FE1).
Mais ça encore c’est l’effet de terrain le plus faible. Les buissons donnent 30 % d’esquive, et il y en a beaucoup. Mais le pire c’est les cases roses là, qui donnent 40 % et qui soignent un peu chaque tour. Là dessus on trouve souvent le type d’ennemis le plus chiant du jeu, AKA les invocateurs qui font apparaître des monstres en continu, et qui sont donc, à cause du terrain, impossible à buter. En bref, on passe son temps à rater ses coups dans ce jeu ce qui peut potentiellement vous rendre zinzin, vous êtes prévenus. Cela dit, ça s’applique aussi aux ennemis donc c’est un mal pour un bien. Mais des combats où personne n’est foutu de se toucher c’est juste ridicule et barbant, et en plus ça rend le jeu infiniment plus long que ce qu’il devrait être, c’est d’ailleurs pour cette seule raison que je recommande de jouer au jeu en accéléré.
Plus haut j’ai dit que l’équilibrage était mal foutu donc je me dois de détailler un peu. Le début du jeu est plutôt tranquille et donne une fausse impression de ce que va être la suite, car dès le chapitre 3 on observe un bond dans la difficulté qui va clairement vous prendre par surprise si vous ne vous êtes pas préparé. Et par se préparer, j’entends grinder. Et oui, vu qu’il y a des donjons, il y a aussi des monstres qui repopent sur lesquels vous pouvez grinder. Je déteste ça, mais je pense que c’est clairement obligatoire de grinder un minimum à chaque fin de chapitre, sinon vous allez vous faire botter les fesses. Le jeu est sans doute faisable sans, si on le connaît bien, mais pour une première partie, il n’y a pas photo. L’équilibrage entre les personnages est également mal fichu. Dans un jeu comme FE1 avec 50 personnages jouables, ce n’est pas grave que certains soient bien meilleurs que d’autres. Mais dans Gaiden on a que 31 personnages jouables, et sur les 31, il n’y en a qu’une poignée que vous allez réellement utiliser ; les autres sont plus situationnels. Par exemple les mages sont très utiles en début de jeu mais leurs statistiques peinent à décoller, d’autant qu’ils gagnent très peu d’expérience. Dans ma partie, je n’avais promu aucun mage. Il y a aussi des personnages qui sont complètement inutiles à moins d’abuser du grinding, comme Est et Jesse. À contrario, il y a des personnages qui sont excellent et que je considère limite indispensables pour finir le jeu. Cela signifie qu’il y a très peu de diversité puisqu’il n’y a que très peu de personnages véritablement fort. Chaque nouvelle partie se ressemblera puisqu’on est forcé de jouer les meilleurs personnages pour rendre le jeu tolérable, à moins de grinder comme un acharné pour rendre tout le monde à peu près bon, mais c’est juste une perte de temps.
Et ça m’amène à un autre point, qui est que le jeu n’est pas designé autour de la mort permanente. En effet, dans FE1 vous pouvez parfaitement découvrir le jeu et le finir sans trop de souci, même après avoir perdu la moitié des personnages. Dans Gaiden, n’essayez même pas de faire ça si vous découvrez le jeu. Si vous perdez certains personnages, le jeu devient vraiment 20 fois plus dur (Je pense à Lukas, Forsyth, Palla, Catria, Saber, Léon, Silque, Kliff) et dans certains cas je pense même qu’il devient infinissable, genre si vous perdez Genny tôt dans le jeu. Certains diront que ce n’est pas un défaut, et je suis plutôt d’accord, ce n’est clairement pas ça qui ruine le jeu. Je trouve juste que c’est dommage qu’on ne puisse pas jouer avec la mort permanente lors de notre première partie sous peine de se dégoûter complètement du jeu. Mais bon, ce n’est pas le seul jeu de la série qui a ce problème.
Mon dernier reproche c’est que le jeu est souvent très cryptique, ce qui le rend très désagréable à découvrir si on ne se renseigne pas. Par exemple, les soigneurs apprennent des sorts en montant de niveau, or, les soigneurs ne gagnent de l’expérience qu’en combattant. Un joueur non averti va se dire que, tout comme dans FE1, les soigneurs n’ont pas vraiment besoin de prendre de niveau, et il ne va même pas essayer de les faire combattre, d’autant que leur unique sort d’attaque est très faible et touche littéralement une fois sur deux. Sauf qu’il est essentiel d’entraîner ses soigneurs car les sorts qu’ils apprennent sont très utiles, voire indispensables. Autre exemple : à partir du chapitre 3 apparaissent des renforts sur la carte du monde, qui se déplacent et déclenchent des combats quand vous les percuter. Ces renforts ont un niveau plus élevé que les ennemis obligatoires ce qui les rends extrêmement effrayant. Au début je ne comprenais pas pourquoi ils arrivaient en masse, j’avais l’impression que le jeu me punissais sans que je sache pourquoi. En fait la solution est assez simple, il suffit d’alterner les combats entre Alm et Celica plutôt que de faire plusieurs combats à la suite avec une seule armée. C’est con, mais ça rend le jeu tellement plus agréable quand on a compris ça. D’ailleurs, c’est le même système dans Fire Emblem Echoes, le remake de Gaiden auquel j’ai beaucoup joué, mais je n’avais pourtant jamais compris cette mécanique, comme quoi. Après pour être honnête, les informations que j’ai donné étaient certainement présentes dans le livret du jeu, donc les joueurs de l’époque devaient être au courant.
Malgré tout, j’ai du mal à détester Fire Emblem Gaiden. Le jeu a plein de bonnes idées, dont certaines qui seront reprises par la suite dans la série. Et puis honnêtement, même si la RNG est horrible tout au long du jeu, il n’y a que quelques chapitres qui sont réellement insupportables, le reste est au moins tolérable. En fait mon vrai problème avec ce jeu c’est qu’on est très limité au niveau de la stratégie, alors que c’est un tactical. Concrètement on envoie juste nos meilleurs unités dans la bataille et il n’y a pas plus de réflexion que ça. La faute revient au map design trop simpliste, au fait que chaque personnage ne puisse tenir qu’un seul objet, et que les ennemis, eux, n’ont presque jamais d’objets sur eux.
Le jeu à du mérite, mais je ne peux vraiment pas le conseiller à quiconque. Gaiden est bien trop frustrant et laborieux à parcourir. De toute façon, qui joue à Gaiden en 2023 alors que Echoes est un remake très fidèle et meilleur sur tout les plans ?