Fire Emblem: The Binding Blade
7.7
Fire Emblem: The Binding Blade

Jeu de Intelligent Systems et Nintendo (2002Game Boy Advance)

Commençons par un peu de contexte : The Binding Blade est le premier Fire Emblem développé après le départ de Kaga. Intelligent Systems avait donc la lourde tâche de renouveler la série tout en essayant de satisfaire les fans de la première heure. Plutôt que de faire une Gaiden en changeant toutes les mécaniques de jeu, IS a pris la sage décision de rétropédaler sur la plupart des nouveautés apportées par l’ère Snes. De Thracia, FE6 ne conserve donc que la mécanique de sauvetage, qui est devenue indissociable de l’ère GBA, le brouillard de guerre, qui est retravaillé pour être plus juste pour le joueur, et les chapitres annexes. On oublie la fatigue, la capture, les parchemins, les techniques, et les chapitres n’ont plus qu’un seul objectif : prendre le trône, comme à la vieille époque.

Qui dit nouveau départ dit aussi nouvelle console : c’est le début du fameux « âge d’or » de la série ; la trilogie GBA avec son aspect très coloré, ses animations ultras chiadées, et surtout son ergonomie exemplaire.

Ce premier épisode GBA a donc une importance capitale dans l’histoire de FE, puisqu’il introduit des tas de changements dans les fondations du gameplay de la série qui seront conservés, ainsi que quelques nouveautés.

Déjà, on peut choisir l’emplacement de départ de ses unités avant chaque chapitre, et merci pour ça. Ce changement est une véritable bouffée d’air frais et permet de ne pas se retrouver avec des chapitres totalement injustes comme à l’époque de Thracia. C’est incompréhensible qu’il ait fallu attendre le sixième épisode pour voir arriver ce changement, mais mieux vaut tard que jamais.

Ensuite, la RNG, qui au lieu d’être honnête comme dans les cinq premiers jeux, nous ment sans vergogne. On passe à un système de double roulement, ce qui signifie que les taux de précision supérieurs à 50% sont en fait plus élevés que ce qui est affiché à l’écran (par exemple, si le jeu affiche 80%, le vrai taux de précision sera en fait à 92% !) et inversement pour les taux inférieurs à 50%. C’est un système fait pour reproduire les pourcentages tels qu’ils sont perçus par l’esprit humain, mais il en résulte un grand avantage pour le joueur, puisque nos unités ont généralement des taux de précision supérieurs à 50%, et inversement pour les ennemis. Ça favorise aussi énormément le dodgetanking puisque certaines de nos unités peuvent assez vite devenir intouchables. La RNG des premiers jeux pouvait parfois (souvent) être frustrante, mais elle avait le mérite d’être honnête et de mettre le joueur et l’IA au même niveau. J’avoue que, pour le coup, je trouve ce changement un peu dommage.

Le système d’échange a été nerfé ; chaque unité ne peut désormais effectuer l’action d’échange qu’une seule fois dans un tour. Ça aussi, je trouve ça dommage et pas nécessairement pertinent, puisque ça rend juste les échanges moins fluides.

La mécanique de canto a également été nerfée, mais ça c’est une bonne chose. Les unités montées ne peuvent utiliser le reste de leur mouvement que dans les actions qui ne sont pas des combats (utiliser un objet ; sauver un allié ; visiter un village, etc.). Cette simple modification permet, à mon humble avis, un équilibrage parfait de la mécanique

Les conversations de soutien sont une mécanique phare de la série introduite dans cet épisode. La partie gameplay de la mécanique (les bonus de stats entre certaines unités qui se battent côte à côte) est maintenant bloquée derrière une partie narrative, les conversations, qui nous en apprennent plus sur les personnages. Cette mécanique de soutien, bien qu’iconique, est assez mal intégrée dans le jeu, que ce soit en termes de narration ou de gameplay.

La mécanique n’est jamais expliquée dans le jeu, et les soutiens mettent tellement de temps à se débloquer qu’un joueur non averti n’en profitera sans doute pas du tout. La seule façon de les débloquer, pour la grande majorité d’entre eux, est de passer plusieurs dizaines de tours sans bouger avec nos personnages côte à côte, ce qui crée un certain problème de rythme et s’accorde mal avec le reste du gameplay.

Côté narration, c’est en demi-teinte. Le gros point positif est bien sûr le fait de donner un temps d’écran correct à chaque personnage, ce qui permet de mieux les cerner et de s’attacher à eux. Pas mal de conversations sont d’ailleurs franchement intéressantes. Le problème, c’est que ces conversations sont les seuls instants où les personnages dévoilent un peu leur personnalité, et notamment Roy, qui est bien plus chiant dans le scénario qu’il ne l’est dans ses soutiens. Je pense que les personnages devraient avoir une plus grande importance dans le scénario et qu’on ne devrait pas avoir à lire les soutiens pour apprendre à les connaitre. Genealogy of the Holy War n’avait pas de soutiens, mais un système de conversation entre certains personnages au cours du jeu ; le thème des conversations portait parfois sur les événements en cours dans le scénario, chose quasi absente des soutiens de FE6, ce qui rend les personnages un peu moins crédibles et tangibles que ceux de FE4. Les personnages de FE4 avaient également tous un rôle à jouer dans le scénario, aussi mineur soit-il. Les personnages qui interviennent dans le scénario de FE6 se compte sur les doigts d’une main. Sans oublier que les soutiens se déroulent sur le champ de bataille, ce qui n’a aucun sens au vu de la grande majorité des conversations qui ne prennent pas du tout ce fait en compte. Une solution simple aurait été de nous faire débloquer les soutiens à partir de l’écran de préparation.


En parlant de scénario, je le trouve assez bof. Comme dit précédemment, peu de personnages interviennent, mais ce n’est pas une mauvaise chose en soi. Le scénario de Thracia 776 était similaire en ce sens, à la différence que les personnages étaient plus intéressants, et notamment Leif qui, contrairement à Roy, est un protagoniste qui commet des erreurs et évolue.

L’intrigue de FE6 est très classique et similaire à FE3 : On se focalise beaucoup sur l’histoire d’Elibe et la guerre passée entre les humains et les Manaketes, qui font leur grand retour. Le départ de Kaga se fait notablement sentir dans le peu de mise en scène et le fait qu’on nous raconte les événements plutôt que de nous les montrer.

Point de vue musique, c’est très solide. Certains sons sont anecdotiques, mais beaucoup sont marquants (Beyond the sky ; Beneath a new light ; Shaman in the dark ; In the name of Bern…)


Si FE6 est connu, c’est surtout pour son mode difficile : le premier mode difficile de la série, et l’un des plus renommés. En effet, FE6 est réputé pour être un jeu difficile, l’un des FE les plus difficiles selon certains. Indéniablement, The Binding Blade est plus dur que les jeux précédents, qui devaient une grande partie de leur difficulté à leur aspect cryptique et/ou leur mécaniques contraignant le joueur (Thracia…) plutôt que dans la difficulté réelle des chapitres. A vrai dire, revenir sur le mode difficile de FE6 après avoir passé l’année précédente à jouer aux cinq premiers épisodes de la série m’a demandé un certain temps d’adaptation tant les premiers chapitres de ce jeu sont brutaux, mais je vais y revenir.

Si FE6 est considéré difficile (même en mode normal pour les plus néophytes), c’est pour plusieurs raisons bien distinctes.

La première, c’est la précision généralement très faible de nos unités, qui est un sérieux problème en début de jeu. Ce manque de précision s’explique par les stats assez basses des armes (les haches notamment, ont vraiment une précision à chier), les stats de nos unités qui ne sont pas forcément géniales en début de jeu, et les ennemis qui sont bien plus menaçants que dans la plupart des autres FE. Il me semble même que c’est le premier jeu dans lequel les ennemis lambdas ont une stat de chance, ce qui a pour effet… d’augmenter leur esquive. Et c’est une grande partie de ce qui fait le charme de FE6 pour moi : chaque ennemi constitue une menace potentielle et doit être traité avec prudence. Ce ne sont pas juste des pions qu’on abat à la chaine, mais des vrais adversaires, avec des stats élevées et une grande variété d’équipement. Bien sûr, c’est surtout vrai pour le début du jeu, et beaucoup moins pour la fin où on peut se permettre de foncer dans le tas sans trop réfléchir tant certaines unités deviennent puissantes.

Ensuite, je suis presque certain que le mode difficile n’a pas été testé. Le début du jeu est notablement plus dur que le reste, et certains chapitres représentent des pics de difficulté assez anormaux (chapitres 4 et 7 notamment) qui peuvent vite dégouter les joueurs qui ne savent pas comment les aborder.

Troisièmement, les embuscades (renforts ennemis qui agissent dès leur tour d’arrivée) dont le jeu abuse éhontément. Tout le monde déteste cette mécanique, moi le premier ; c’est un désavantage et une injustice totale pour le joueur qui peut très vite se faire punir sans raison et abandonner de rage. C’est de la merde, et c’est ce que je considère le seul défaut majeur de FE6, quand bien même il ne me gêne plus vraiment car je connais le jeu par cœur.


Une critique régulièrement faite à FE6 concerne l’équilibrage des unités, comme quoi seule une poignée d’entre elles seraient capables de tenir la cadence tandis que les autres seraient inutilisables. Au risque de paraître anticonformiste, il s’agit là d’une critique que je ne comprends absolument pas. Oui, les unités sont très hétérogènes, certaines sont très bonnes, d’autres à chier. Mais c’est pareil pour tous les FE, The Binding Blade n’est en rien différent des autres de ce côté-là, donc je ne comprends pas trop pourquoi ça passe pour tous les autres mais pas pour lui. Chaque unité est utilisable et peut trouver son utilité, comme dans n’importe quel FE.


Pour finir, je trouve le map design très solide. J’apprécie la plupart des chapitres du jeu (préférence pour les chapitres 7,11A et 13) malgré quelque purges inévitables (tous les chapitres annexes + le 8 + le 18B et le 20A). J’apprécie tout particulièrement l’emphase sur les déplacements. Les cartes sont généralement très grandes et nous encouragent à aller vite pour échapper aux renforts ennemis et pour débloquer les chapitres annexes. Le jeu a donc un rythme assez effréné, qui s’accorde d’autant plus mal avec la façon dont se débloquent les soutiens.


The Binding Blade est un peu l’entre-deux entre tradition et modernité. Il initie l’ère GBA et ce que l’on pourrait appeler Fire Emblem moderne, mais conserve tout de même des aspects clés des anciens jeux, tels qu’un grand nombre d’unité propice à la mort permanente, une bonne fin qui se débloque sous certaines conditions, ou encore les embuscades (de merde).

En conclusion, j’adore FE6 et j’apprécie ses imperfections ; j’aime sa difficulté qui en rebute certains, et j’aimerais même qu’elle soit constante tout au long du jeu plutôt que concentrée sur les sept premiers chapitres. C’est un jeu incroyablement fun, et l’un de mes préférés de la série.

Tchebest
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le 21 janv. 2024

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