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Fire Emblem: Thracia 776
8.2
Fire Emblem: Thracia 776

Jeu de Intelligent Systems et Nintendo (1999Super Nintendo)

Thracia 776 est un jeu fascinant et unique. C’est le dernier Fire Emblem de Shouzou Kaga, l’homme derrière la série, et à ce titre, le jeu semble être une gigantesque boite à idées dans laquelle ont été rangées plusieurs mécaniques, pas toujours très pertinentes.

Thracia a la réputation d’être extrêmement cryptique et incompréhensible lors de la première partie ; c’est à moitié vrai. Le jeu est sorti avec un guide vidéo qui dévoile le synopsis ainsi que la plupart des nouvelles mécaniques du jeu (à l’exception notable du « pursuit critical coefficient », qui est pourtant assez important). Les joueurs japonais se lançaient donc dans le jeu en sachant globalement à quoi s’attendre, alors que tous les autres ont dû découvrir le jeu sans avoir connaissance de ce guide, et ont évidemment galéré. De nos jours, avec la multitude de guide disponible, ainsi que le guide vidéo original qui a été traduit, on ne peut plus vraiment dire que Thracia est un jeu obscur et incompréhensible, même si, je dois l’admettre, il mérite sa réputation, car la première partie est laborieuse même en se renseignant avant sur les mécaniques du jeu.

Le scénario de FE5 prend place entre les chapitres 6 et 8 de Genealogy of the Holy War, à une échelle bien réduite puisque l’action se concentre dans le nord de Thracia. On retrouve donc des personnages déjà connus de FE4, et en particulier Leif, qui prend la place de protagoniste que l’on va suivre dans sa reconquête de Leonster. Cela étant dit, le scénario n’est en rien comparable à celui de FE4. Sans être mauvais, il est beaucoup plus classique et semblable au premier Fire Emblem. Il y a quelques moments marquants, mais on était en droit d’attendre mieux pour la « suite » de FE4.

Je peux en dire autant pour les musiques d’ailleurs. Elles ne sont pas mauvaises, mais très peu sont vraiment marquantes. La comparaison avec FE4 fait un peu mal.

Les graphismes sont cependant plus réussis, encore heureux puisque ce jeu est l’un des derniers de la console. Les portraits sont vraiment sublimes, il suffit de comparer celui de Hannibal entre les deux jeux pour constater l’amélioration.

Venons-en au vif du sujet : le gameplay. Il y a beaucoup à dire tant ce jeu introduit d’éléments qui ne seront pour la plupart jamais repris par la suite.

La mécanique la plus importante est sans doute la capture. Capturer des ennemis est le principal moyen d’acquérir des armes et des objets, puisque les magasins vendent rarement des choses intéressantes et sont bien trop coûteux. Mais la capture ne se fait pas comme ça : il faut y mettre les moyens. L’unité qu’on utilise pour capturer doit avoir une constitution supérieure à celle que l’on veut capturer, et l’option de capture baisse nos stats, de sorte qu’on ne puisse pas capturer à tout va et qu’il y ait une prise de risque. La capture induit donc de la planification, de la prise de risque, et donne une nouvelle utilité à certaines unités (les unités montées, notamment, peuvent tout capturer indépendamment de leur stat de constitution).

A l’opposé de la capture, on a le sauvetage avec les fameuses commandes « sauver/déposer » qui, pour le coup, reviendra plusieurs fois au cours de la série. Comme son nom l’indique, une unité en « absorbe » une autre dont la constitution est inférieure pour la sauver, au prix d’une réduction de stats. Cette mécanique amène une profondeur inattendue, puisque l’on s’en sert surtout pour déplacer plus vite nos unités à faible mobilité.

L’autre mécanique bien connue de Thracia est la fatigue. Nos unités possèdent une stat de fatigue qui augmente au cours de leurs action lors des batailles. Lorsque la fatigue dépasse leur nombre de point de vie, elles deviennent inutilisables pendant un chapitre. J’adore cette mécanique ; elle encourage un roulement dans nos unités qui nous permet de toutes les essayer au moins un peu. Il se trouve que FE5 possède un grand nombre d’unités, ce qui s’accorde très bien avec ce système, et la plupart d’entre elles sont suffisamment attrayantes (que ce soit par leurs techniques, leurs armes, ou leurs stats) pour qu’on ait envie de les utiliser. Cela amène aussi une part de gestion et de réflexion ; certaines unités ne sont pas forcément utiles pour un chapitre, et il vaut mieux les laisser sur le banc pour réinitialiser leur fatigue. J’ai vu certaines personnes râler sur cette mécanique, mais elle n’est vraiment pas si contraignante que ça ; il existe un objet pour annuler la fatigue, et il suffit d’utiliser une dizaine d’unités plutôt que cinq ou six afin de ne pas se retrouver submerger par la fatigue. La fatigue n’est pas là pour nous mettre des bâtons dans les roues, je pense que la mécanique existe pour éviter qu’une seule unité fasse tous les chapitres en solo, ce qui serait possible au vu des possibilités de personnalisation que nous donne le jeu.

La personnalisation, justement, est un mélange entre FE3 et FE4. Les parchemins reprennent le principe des fragments de Starsphere de Mystery of the Emblem en modifiant les pourcentages d’évolution lors des montées de niveaux. Il existe aussi des manuels permettant d’apprendre des techniques, tout comme dans FE4, à l’exception qu’il s’agit là de consommable et qu’il n’est donc pas possible de donner la même technique à deux unités. Les parchemins s’accordent très bien à la mécanique de fatigue, puisqu’elle va nous encourager à les partager entre toutes nos unités. Les manuels de technique poussent la personnalisation à un degré supérieur et permet d’expérimenter en créant des builds différents à chaque partie. Pour ma part, j’aime donner la technique « Paragon », qui double le gain d’expérience, à Nanna, mais ce n’est sans doute pas l’utilisation la plus pertinente.

Dans les autres grandes nouveautés, on peut citer la stat de constitution. Elle sert à la capture, mais elle change aussi la formule de vitesse effective, puisque le poids de l’arme ne baisse pas la vitesse d’une unité si sa constitution est égale au poids ; nos unités sont donc globalement plus rapides, et cela bénéficie surtout aux utilisateurs de haches, qui avaient du mal à doubler jusqu’à présent. La constitution sert également à la nouvelle mécanique de vol : les voleurs peuvent voler n’importe quel objet tant que leur constitution est supérieure au poids de l’objet. C’est très utile et cela nous encourage à entrainer nos voleurs, puisque la constitution est une stat comme une autre dans FE5, et qu’elle peut augmenter lors des montées de niveaux. C’est la même chose pour le mouvement, qui a une faible chance d’augmenter lors d’une montée de niveau ; j’apprécie cet ajout qui rend chaque partie unique et peut nous donner envie d’utiliser des unités que l’on n’avait pas prévu de jouer.

Pour rester dans le mouvement, il y a aussi les « movement stars » ; une étoile signifie 5% de chance de rejouer à la fin de son tour, et le nombre d’étoiles peut aller jusqu’à cinq. J’avoue que je suis un peu perplexe sur cette mécanique, car elle amène une part d’aléatoire en permettant à une unité de rejouer sans raison particulière. Elle donne plus d’unicité à certaines unités, certes, mais elle ne sert pas à grand-chose la plupart du temps, et elle est plus injuste qu’autre chose les rares fois où elle s’applique sur les ennemis. Très étrange.

Le « pusrsuit critical coefficient » est la seule mécanique qui n’est pas expliqué dans le guide original, ce qui est très étonnant puisque le jeu devient beaucoup plus incompréhensible et hasardeux lorsqu’on ne sait pas qu’elle existe. Chaque unité à une stat de PCC allant de 0 à 5, qui correspond à un multiplicateur de chance de coup critique lors de la deuxième attaque dans un tour de combat. Par exemple, Fergus à un PCC de 5 ; si sa première attaque à 15% de chance d’être un coup critique, alors sa seconde attaque passera à 75%. Je trouve cette mécanique excellente puisqu’elle réduit drastiquement le facteur aléatoire des coups critiques, en nous permettant de les garantir très facilement. Cela donne une niche très appréciable à certaines unités qui se spécialisent dans les coups critiques (Orsin, Fergus, Halvan, Mareeta etc.). Thracia est donc le jeu dans lequel les coups critiques sont les plus fréquents, mais aussi celui dans lequel on a le plus de contrôle sur ces derniers.

Enfin, on a pour la première fois des chapitres dont l’objectif diffère de la capture de trône. Notamment les très appréciés chapitres de fuite, ainsi que les chapitres de défense. Un grand point positif qui ajoute pas mal de diversité dans les chapitres.

Les qualités de FE5 sont très nombreuses et remarquables, mais les quelques défauts pèsent tellement lourd sur l’expérience qu’ils réussissent à rendre le jeu beaucoup moins bon en un temps très réduit. On se rend vite compte d’une chose lors de notre première partie : Thracia est incroyablement mal designé.

En vrac : l’inventaire d’Eyvel qui disparaît après le chapitre 3 ; le jeu qui nous prive de l’une des meilleures unités si on n’arrive pas à sauver tous les villageois du chapitre 4 ; le boss du chapitre 8 qu’il faut capturer pour récupérer Dagdar alors que rien n’indique qu’il faut le faire etc.

Et ça c’est juste pour les premiers chapitres. Les derniers sont bien pires et deviennent vite des calvaires si on ne les aborde pas d’une façon bien précise (chapitre 22 et 23 notamment), le pire étant que Kaga est borné et s’obstine à ne pas nous permettre de choisir le placement de nos unités sur la carte avant le début d’un chapitre, ce qui est un changement qui devrait pourtant tomber sous le sens et qui aurait dû être appliqué dès le deuxième jeu de la série. Au lieu de ça, une bonne poignée de chapitres de fin de jeu deviennent insupportables parce que nos unités sont éparpillées un peu partout sur la carte sans qu’on ait contrôle dessus. On est donc obligé d’abuser de nos bâtons de téléport et de secours, et c’est en partie pour ça qu’ils sont si importants : parce que le jeu est mal foutu et devient cancérigène si on n’utilise pas les bâtons pour arnaquer certains chapitres (19,22,23,24 et 25 notamment). Je sais que Kaga avait tendance à se servir du gameplay pour raconter l’histoire, surtout à partir de la saga Jugdral. C’était acceptable dans FE4, mais dans Thracia, on atteint un stade où c’est juste idiot. A ce compte-là, autant faire comme dans FE1 et ne pas nous laisser gérer notre inventaire entre les chapitres ; ce ne serait pas moins logique que de nous empêcher de changer la position de nos unités sur la carte. Et ce n’est pas parce que le jeu devient bien plus tolérable lors de la deuxième partie que ça rend toutes ces idées de design moins aberrantes.

Là je n’ai parlé que du fait de ne pas pouvoir choisir la position de nos unités avant les chapitres, mais pas des chapitres en eux-mêmes. Certains sont vraiment mauvais, tous ceux en brouillard de guerre (nouveauté de FE5) sont très chiants, et d’autres sont tout simplement mal pensé. Le chapitre 18 est un bon exemple : toute la carte est conçue autour du recrutement de Xavier. Le problème étant que la méthode pour le recruter est approximative, lente, et la plupart du temps voué à l’échec. Les renforts ennemis intempestifs n’aident pas. Au final, il est plus sain de simplement tuer Xavier car il ne vaut pas la peine de se faire chier à passer ce chapitre pourri de la façon prévue. Heureusement, les chapitres vraiment mauvais se font rares ; la plupart sont bons. Mais quand ils sont mauvais, on le sent bien.

Le jeu est également parasité par des choix extrêmement douteux : le fait que les bâtons puissent rater (pourquoi ?), les altérations d’état qui durent jusqu’à la fin des chapitres cumulé à la portée infini des bâtons. Le pire étant bien sûr le nombre de portes à ouvrir. Un nombre aberrant de portes. Il est facile de se soft-lock, que ce soit en début ou en fin de jeu, parce qu’on n’a aucun moyen d’ouvrir une porte.

Et ça m’amène à un autre point qui me dérange un peu : Thracia est similaire à Gaiden en ce que la mort permanente est plus un défi que le joueur doit s’imposer plutôt que la façon normale de jouer. Ce qui est déroutant, c’est que FE5 a pourtant l’apparence d’un jeu qui s’accorde bien à la mort permanente, avec son grand nombre de personnages jouables et la mécanique de fatigue. Mais tout comme FE2, certaines unités sont tellement importantes qu’il est impossible de finir le jeu sans elles. Comment finir Thracia sans les voleurs, et surtout, sans les utilisateurs de bâtons ?

Thracia 776 est donc un épisode qui fourmille d’excellentes idées et possède toujours un gameplay exemplaire. Ses défauts sont cependant tellement exubérants qu’ils gâchent complètement certaines parties du jeu (surtout la fin) et peuvent même empêcher de le terminer. On apprend à passer au-dessus de ces défauts après la première partie grâce à l’expérience et à la connaissance qu’on accumule (et à l’utilisation intensive de bâtons), mais ça ne les efface pas pour autant. C’est tragique. S’il y a un jeu dans la série qui aurait besoin d’un remake, c’est celui-ci.

Que retenir des Fire Emblem de Kaga ? Ce sont tous des jeux très intéressants, chacun à leur manière. Chaque nouvel opus apporte son lot de changement et contraste totalement avec le précédent, tout en gardant la même base de gameplay. Les cinq jeux ont cependant tous en commun un design général qui peut être assez confus, de bonnes idées, de bonnes idées mal exploitées, ou tout simplement de mauvaises idées qui ne seront parfois jamais corrigées (ne pas pouvoir changer la position de nos unités sur la carte avant les combats…). Les utilisateurs de bâton sont énormément mis à contribution dans chaque jeu, et particulièrement grâce au bâton de téléport qui est excessivement important. Cette emphase mise sur les bâtons est intéressante, mais mal exécutée, et ce n’est pas surprenant que les bâtons aient été nerfés après le départ de Kaga, qui a un peu pété les plombs avec Thracia.

Après avoir joué à ces jeux, je peux dire que je comprends l’amour des joueurs pour Kaga et son travail (plus particulièrement FE4 et 5), mais dire que la série est devenu moins bonne depuis son départ est faux, car aussi bons que furent ses jeux, ils avaient tous des faiblesses difficilement pardonnables et des erreurs de designs grossières. Pour moi, le meilleur reste à venir.

Tchebest
8
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Créée

le 30 déc. 2023

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