Firewatch
7.2
Firewatch

Jeu de Campo Santo, Chris Remo et Panic Inc. (2016PC)

Firewatch vous met dans la peau de Henry, tout fraîchement débarqué dans un parc national du Wyoming pour commencer son nouveau job : garde forestier. Il a pour objectif de passer tout l’été à surveiller les agissements suspects des promeneurs depuis sa tour, isolé et coupé du monde. Mais durant le jeu, il va se lier d’amitié avec sa supérieure hiérarchique, Delilah, postée dans une autre tour non loin de là, et avec qui il va passer le plus clair de son temps à discuter par radio et à suivre ses directives. Évidemment, Henry possède quelques casseroles peu reluisantes de son passé, notamment sur sa vie personnelle, et ce travail lui offre l’opportunité de se vider l’esprit. Mais des événements mystérieux viendront bouleverser ses longues journées.


Le titre de Campo Santo est un jeu d’aventure très narratif, avec des tendances open world, le tout en vue subjective. Il se construit suivant les journées passées dans le parc. Les premiers jours seront racontés presque en temps réel, puis le jeu fera plusieurs ellipses afin de faire avancer l’histoire vers les moments importants. Vous êtes libre de gambader joyeusement dans le parc finalement assez petit, sans forcément suivre les objectifs. Mais mis à part quelques éléments cachés ici et là, rien ne justifiera une exploration très poussée. Le gros point fort du titre est dans l’écriture.


Sean Vanaman est à l’origine du scénario du jeu, et le bonhomme était déjà derrière le script de la saison 1 de Walking Dead en jeu vidéo, ce qui explique une certaine justesse dans les dialogues et une propension à vouloir se diriger vers une certaine mélancolie dépressive (sans être plombante, rassurez-vous). En effet, tout passe par la relation entre Henry et Delilah. Henry est quelqu’un de plutôt honnête, mais assez craintif, parfois méfiant, mais très loyal. Delilah a un côté très sarcastique mais dans le bon sens, jamais dans le but d’enfoncer l’autre personne. C’est presque la véritable héroïne du jeu, car elle possède une vraie profondeur : elle n’est pas simplement une machine qui balance des longues tirades pleines d’ironie avec une touche d’amertume, elle est profondément humaine, profitant de son expérience de la vie pour s’amuser avec Henry et surtout le joueur.


Entre les piques balancées par la quarantenaire Delilah sur les bourdes de Henry face à son job et ses responsabilités, ou les petites plaisanteries en regardant un feu s’étendre au loin pour lui trouver un nom, le script permet d’avoir une vraie humanité entre ces personnages. Ils discutent de façon inopinée, très juste, comme si deux amis parlaient ensemble, en s’envoyant des vannes ou en écoutant ce que l’autre a sur le cœur. On sourit souvent, on rit bien volontiers devant la fine répartie de Delilah, et le dernier tiers du jeu utilisera toute cette relation de confiance pour la mettre à mal. Car c’est bien le propos du titre qui retiendra l’intérêt du joueur. C’est assez étonnant, même si on sent une vraie retenue chez les développeurs sur la fin. Comme s’ils n’avaient pas réussi à aller au bout de leurs idées, ils retombent trop facilement sur leurs pattes, tout en gardant l’importance des actions passées pour amener du poids sur les personnages et leurs sentiments.


Clairement, Firewatch est un titre qui se joue pour son histoire, pouvant se boucler en 3-4 heures. De ce côté là, l’écriture étant réussie, on est plutôt comblé, même si on sent une précipitation dans les dernières minutes qui donnent l’impression d’un bâclage ou d’un manque de temps. Rien de grave cependant. La progression suit une structure à la Metroid. Comprenez : un obstacle bloque la route, il faudra attendre l’outil qui libérera le chemin. Vu que l’aventure est très dirigiste, on ne se retrouve jamais perdu très longtemps. Le gameplay est quant à lui très sommaire : beaucoup d’actions contextuelles permettent de sauter par-dessus un rondin (oui oui) ou d’escalader des rochers alors qu’un bouton de saut ou une approche à la Dying Light (contrôle de tous les mouvements) aurait rendu les déplacements bien moins raides. Par contre, la possibilité d’interagir avec à peu près tous les éléments est vraiment appréciable et permet de voir tous les petits détails finement réalisés pour avoir un univers riche et vivant.


Graphiquement, on sent clairement l’apport d’Olly Moss (jetez un cil sur son blog, le bonhomme est très doué), notamment dans la gestion des couleurs et des lumières. Les ambiances lumineuses des différents moments de la journée permettent d’avoir de très jolis moments, et le style graphique qui penche vers du cartoon (textures « maison », design rond et couleurs vives) permet d’avoir de chouettes panoramas. C’est moins le cas sur des détails purement techniques, comme la modélisation de certains éléments un peu légers et de l’aliasing en pagaille. À noter que la version PLAYSTATION 4 est très faiblarde sur l’optimisation. Le jeu est loin d’être fluide et arrive même à faire apparaître des éléments comme des buissons à la volée, juste sous notre nez. Question immersion, ça vous coupe l’envie d’aller plus loin. Autant dire qu’on attend avec impatience un patch qui réglera ces gros soucis, même si ça n’empêche pas le bon déroulé de l’aventure.


On pourra peut-être hésiter face au prix du jeu et de la durée de vie (3-4 heures), mais s’il vous plaît, ne faites pas comme beaucoup de joueurs qui ont profité du système de remboursement de Steam pour se faire un jeu gratos. Soutenez un studio qui a tout donné pour réaliser ce titre, qu’il soit parfait ou non. Firewatch détonne par son discours mélancolique et surtout par ses deux personnages au centre du récit. C’est avant tout une histoire sur deux êtres humains dont la vie ne leur a pas fait de cadeaux et qui se retrouvent à transposer leurs craintes, leurs peurs en les alimentant mutuellement pour créer cette fausse-vraie aventure. La confiance, la solitude, le deuil, tous ces thèmes traités dans Firewatch le sont avec justesse et parviennent à nous toucher et même à nous émouvoir. Mais il manque de peu le coche du jeu culte, la faute à une réalisation technique pas au niveau des ambitions scénaristiques et des bonnes lourdeurs sur le gameplay qui enrayent parfois la bonne appréciation que l’on peut se faire du jeu. Ça reste une petite curiosité rafraîchissante et qui a le mérite de s’adresser à un public un peu plus mature que d’habitude. Ce qui n’est pas rien.

Cronos
7
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le 17 avr. 2016

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