Bien avant le rockissime Guitar Hero, le studio Harmonix avait insufflé son amour de la musique et du jeu video dans Frequency et sa suite Amplitude. Sorti en 2001 uniquement sur PS2, le premier est un jeu musical à part puisqu’il implique le joueur dans la construction de la chanson.
L'action se déroule dans un tube divisé en lignes qui correspondent à un instrument musical : synthé, bass, voice, scratch, etc. Les notes arrivent d’en haut. Il faut les valider en appuyant sur la touche demandée au bon moment. Au départ, il n’y a qu’une ligne. C’est le joueur, au fur et à mesure qu’il progresse dans la chanson qui débloque les autres lignes et donc de nouveaux éléments musicaux. Le but est de réussir à finir celle-ci, sans rater trop de notes. Il n’est néanmoins pas obligé de réussir toutes les lignes pour cela. Le résultat musical pourra donc varier d’une partie à l’autre.
Dans chacune de ces lignes il faut actionner en rythme les notes défilant à l’écran sans ne jamais rompre la chaîne qui les relie. Celle-ci constitue une mesure de la chanson, celle-ci se construisant donc petit à petit. Si la chaîne est réussie, alors il faut passer à une autre ligne. Ce qui ne veut pas dire que le joueur ne reviendra plus cette ligne : de nouvelles chaînes font leur apparition selon la progression du joueur. Si celui ci tarde trop ou enchaîne les erreurs, sa jauge de vie se met à baisser. A zéro, c’est la fin des haricots. S'il arrive par contre à enchaîner plus de lignes, il n'aura plus à en refaire certaines dans les sections futures les reprenant.
Le joueur plus aguerri cherchera à engendrer des combos en réussissant à enchaîner des lignes sans temps mort. Ce n’est pas toujours facile mais c’est gratifiant. Obtenir un score élevé au sein de chaque section de quatre titres permet de débloquer des chansons bonus.
La musique électronique est prédominante dans la playlist mais celle-ci est très variée. Seul No Doubt peut être considérée comme une grosse pointure connue de tous. Il n’a pas dû être facile de démarcher des artistes de renommée, trop frileux à l’idée que le joueur fasse mumuse avec leurs oeuvres. Mais qu’elle importance puisque les titres proposés sont de qualité. Vu la grande diversité des genres proposés en plus de l’electro chacun devrait y trouver son petit bonheur même si en contrepartie il n’y a pas de réelle cohésion musicale.
Frequency ne dispose pas non plus d’un univers particulier qui permettrait de lui donner une certaine identité. Il emprunte beaucoup à Rez et au monde de l’électronique sans chercher à se créer d’identité visuelle forte, le tout est assez froid et impersonnel. Mais ce défaut n’est guère important, le joueur ayant l’oeil sur les notes à jouer à l’écran , hypnotisé par un flot sans répits et sans pitié.
Ce qui amène à l’un des points les plus regrettables du jeu, son manque d'accessibilité.
Dans sa représentation visuelle des lignes et des notes, il y a un manque de différenciation qui entraîne des confusions dans les moments les plus chargés. Quand l’erreur provient d’une lecture gâchée par ce manque, la frustration est forcément grande.
La prise en main est loin d'être évidente. Puisqu’il faut utiliser trois boutons, comment les répartir ? Si on utilise les gâchettes, il y a le risque de se mélanger les pinceaux avec R1 et R2. Il est impossible de jouer avec les boutons de façade une fois les premières chansons passées à cause de leur trop grand rapprochement. Comment jouer au jeu alors? Bonne question. Une combinaison hybride comme L1, triangle, R2 semble la plus adaptée à la prise en main. Elle n'est pas parfaite mais elle limite les dégâts avec un peu plus de confort, faute de mieux. Le mieux serait une manette avec les trois boutons nécessaires au jeu alignés, comme celle de la Mega Drive. Quelle ironie que la meilleure manette pour jouer à ce jeu ne soit pas le modèle de base.
Troisième obstacle, c’est sa difficulté. Si le premier mode de difficulté n’est pas trop ardu, il ne dispose néanmoins que d’une part des chansons du jeu, 16 sur 26. Il faudra jouer en expert pour toutes les débloquer, tout en n’oubliant pas que des chansons bonus se débloquent selon le nombre de points glanés. Mais le compteur d’énergie rétrécit, les séquences s'allongent, le tempo s'accélère et couplés à une mauvaise prise en main et le manque de repères visuels distincts, le joueur commence à fulminer, cracher et se rouler par terre de dépit. Seuls les plus entraînés, les plus acharnés, une poignée donc, arriveront au bout du jeu, ceux-là pourront se pavaner avec raison.
Pour souffler un peu, Frequency propose le mode Remix. Celui-ci permet en quelque sorte de réarranger les chansons voire d’en créer de nouvelles. C’est distrayant, sans contraintes même s‘il est difficile de faire mieux que les chansons de base. Ce mode ainsi que le principal peuvent se pratiquer avec des amis, jusqu’à quatre avec le Multitap.
Frequency part d'un bon principe, original, celui d'être en quelque sorte l'artisan de la chanson et le réussit d’une certaine façon au point d'en être hypnotique, quand le rythme s‘accélère et que le joueur arrive à jouer presque instinctivement. Toutefois il faudra connaître un minimum la piste pour espérer progresser. Mais il apparaît aussi comme mal poli sur d’autres points, qui apparaissent comme autant d’erreurs de jeunesse. Amplitude, son excellente suite sortie en 2003 viendra les corriger.