Full Throttle nous plonge tête dans le guidon aux côtés de Ben, leader charismatique d'un gang de bikers velus appelé Les Putois, des amoureux de l’asphalte charpentés comme des armoires à glaces et qui ne sont pas si différents de ceux que l'ont peut croiser dans Sons of Anarchy. Sillonnant les longues routes de ce qui pourrait s'apparenter au grand Ouest Américain avec leurs montures. Il n'y a qu'un petit détail qui diffère par rapport à notre univers : les derniers véhicules à fonctionner à l'essence et à laisser des traces de pneus sur le bitume, ce sont les bécanes fabriquées d'une main de maître par Corley Motors (les Hovercrafts et autres véhicules insipides grignotant petit à petit le marché).
C'est après une chouette cinématique d'introduction mettant en exergue la réelle identité artistique de Full Throttle, dont des doublages VF de très bonne facture et une bande son saturée signé par les Gone Jackals, que nous nous retrouvons littéralement jetées dans l'aventure. Notre Bad Boy se réveille hagard dans la... benne à ordure qui jouxte un bar miteux au milieu du désert. Imaginez un genre de PMU avec la tête de cerf qui trône au dessus du piano et dans lequel des routiers viennent se rincer le gosier à l'abri du soleil de braise qui tape dehors.
Après avoir envoyé quelques coups de poings dans le couvercle imposant de cette benne dans laquelle il a été laissé pour mort, ce cher Ben (un brin groggy) parviens péniblement à s'en extirper... L'imposante bécane de notre héros se trouve curieusement seule devant la bâtisse, mais impossible pour lui de remettre les mains sur ses clés. Alors que ce dernier décide de pénétrer dans le troquet dans espoir d'y retrouver le reste de son gang, il n'y a qu'un barman à la tête patibulaire pour l'accueillir froidement. Face aux question insistante de Ben, il va joueur à celui qui n'a rien vu ni entendu. Notre héros pas franchement d'humeur va perdre patience tout comme le joueur qui, en glissant le curseur de la souris sur la main de Ben puis sur la tête du Barman, va donner naissance à l'une des nombreuses Punchlines décapantes qui viennent ponctuer le jeu :
Ben — Tu sais ce qui irait bien sur ton nez ?
Barman — Non... Quoi ?
Ben — (en agrippant le barman par l'anneau imposant qu'il porte dans le nez) Le bar!
Après cette scène mémorable, le tenancier va se montrer beaucoup plus coopératif, rendant les clés de la bécane à son propriétaire qui commence à retrouver peu à peu sa mémoire. Avant de s'être réveillé au milieu des déchets, il se souvient vaguement avoir repoussé l'offre louche d'un homme d'affaire sournois : Adrian Ripburger (le méchant doté du doublage français le plus classe du monde, merci Jean Claude Donda) ! C'est le point de départ d'une aventure mémorable au scénario ambitieux, ce qui n'est que peu étonnant dès lors qu'on sait qu'il à émerge de l'esprit de l'indétrônable Tim Schafer !
Si Full Throttle s'apparente à un point-&-click somme toute classique dans lequel il faudra résoudre des énigmes en utilisant/combinant/poussant/frappant divers objets (ou personnages), il est surtout l'un des plus subtil d'un point de vue de la réalisation. Offrant une telle ambiance visuelle et sonore qu'il fera indubitablement mouche chez l'amateur de Point-&-Click un tant soit peu biker dans l'âme ! Ses traits d'humour galvanisés au second degré savent aussi se faire beaucoup plus sérieux lorsque le sujet le nécessite. Les énigmes sont moins farfelues que dans un Monkey Island ou Day of the Tentacles, mais nous sommes toujours clairement ici en présence d'une production LucasArts de la belle époque, gage notable de qualité.
Nous aurons un véritable plaisir à suivre les pérégrinations de Ben, qui va devoir remonter sur la trace de son gang et se retrouvera bien malgré lui empêtré dans un complot qui le dépasse. Je préfère ne pas aller trop en avant dans l'histoire, vous laisser ainsi entier le plaisir jubilatoire de la découverte. De toute façon les superlatifs me manquent pour définir Full Throttle, je manque clairement d'objectivité à son sujet, car il a bercé mon enfance et grandement contribué à un amour naissant pour ces engins à 2 roues flirtants avec les lois de la physique.
Une chose est sûre, après cette virée sur le bitume de la Highway 9 à tabasser des Pourraves, Caverneux et autre Charognards, la séparation avec Ben sera probablement douloureuse. Un signe qui ne trompe pas : c'est souvent l'apanage des grands jeux.