Lors du dernier E3, Nintendo a semblé se désintéresser du Gamepad de sa WiiU. Une carte pour Zelda, un klaxon pour Mario Kart et quelques secrets pour Mario. Volonté de Nintendo de réorienter sa communication autour de ses licences fortes ou démonstration que le Gamepad sera plus couteau suisse que couteau de boucher, pouvant à loisir se transformer en pad classique, en second écran, en périphérique obligatoire ou en console portable ?
A la manière de NintendoLand, Game&Wario place le Gamepad au centre de l’expérience, centre unique puisque toute wiimote est ici inutile. Pas de Gamepad, pas de jeu. En 16 mini jeux, Game&Wario entend décliner toutes les utilisations possibles de la tablette, à plusieurs comme en solo.
Hormis via sa DA loufoque, décalée et franchement drolatique et son système de jetons à gagner qui permet d’acheter jusqu’à 240 secrets, scénettes et loufoqueries diverses, Game&Wario ne brille pas par sa cohérence. Il joue même de cette singularité, imposant à chaque mini-jeu un nouvel univers, de nouveaux personnages (Wario est un personnage parmi d’autres) et des gameplays différents.
Dans l’expérience solo, on trouve 3 catégories de jeu bien distinctes dans leur façon d’utiliser le Gamepad :
- Les tactiles (Patchwork, Design)
- Les motion gaming (Arrow, Ski, Kung Fu, Ashley, Pirates, Bowling)
- Les asymétriques (Caméra, Gamer, Taxi)
La première catégorie, les tactiles, si elle n’offre pas forcément les moins bons jeux, se montre assez classique dans l’utilisation du Gamepad. L’écran TV devient inutile et le joueur est invité à sortir le stylet pour se concentrer sur l’écran tactile de la tablette. Patchwork propose de placer des formes alambiquées sur un canevas complexe pour créer un motif. Il faut observer, essayer et être rapide. Long (il y a 90 motifs classés par difficultés et un mode défi) mais quelque peu indigeste sur des sessions de plus de 5 minutes. Design, à l’opposé, est très court et propose au joueur 5 épreuves, aléatoires et notées, de dessin de formes (ligne, cercle, triangle…). On en fait vite le tour mais le côté aléatoire et, si on le souhaite, chronométré, ainsi que la possibilité de se mesurer à un second joueur augmentent un peu la durée de vie.
La seconde catégorie, les motion gaming, rappelle beaucoup certains jeux de NintendoLand. Arrow, qui met en scène Wario, se rapproche grandement de Takamaru Ninja Castle. L’écran du Gamepad, tenu à la verticale, sert d’arbalète pour viser sur des ennemis en mouvement. Précis, quand le Gamepad ne se dérègle pas, mais un peu chiche en contenu (4 niveaux seulement). Ski est identique ou presque au F-Zero de NintendoLand. Il s’agit d’une descente de ski qui utilise le gyroscope du Gamepad. Un peu rigide dans ses contrôles, le jeu oblige au par cœur et s’en sort avec les honneurs grâce à sa DA totalement barrée façon Space Channel 5. Très court, Kung Fu est l’un des plus réussis dans le genre. On tient le Gamepad à plat pour une vue du dessus de son personnage, un ninja, qu’on fait progresser en sautant sur des plateformes tantôt petites, tantôt destructibles et tantôt mouvantes. Ashley est un shoot horizontal plutôt raté et pas très précis dans l’utilisation du gyroscope. Pirates, un jeu de rythme et de danse, met en scène Wario pour la seconde fois et se démarque par sa DA rutilante et totalement psyché. On tient le Gamepad face à soi et Wario nous indique d’où vont tomber des flèches, au centre, à droite, à gauche ou en haut. On regarde l’écran du Gamepad qu’on place devant soi dans la direction indiqué pour bloquer la flèche, comme si on tenait un bouclier. Enfin, Bowling est très proche du mini-jeu de Wii Sports. On utilise le tactile pour lancer la boule vers l’écran de la TV et on oriente le Gamepad pour la déplacer. Un peu à côté de la plaque.
La troisième catégorie, les asymétriques, propose les jeux les plus originaux. Ils obligent le joueur à composer et à jongler avec les deux écrans en proposant soit des vues différentes soit des environnements différents. Caméra demande au joueur d’utiliser le Gamepad comme un appareil photo afin de photographier des personnages précis (5 par niveaux). L’écran TV propose la vue d’ensemble d’une scène ou d’une ville et le gamepad permet de zoomer sur cette vue large pour prendre sa photo. On devra donc continuellement jongler entre les deux écrans, celui de la TV pour repérer la cible et celui du Gamepad pour prendre la photo dans les meilleures conditions possibles (100 points pour une photo parfaite). Gamer est sans aucun doute la meilleure trouvaille de ce Game&Wario. Le joueur incarne 9volt, un kid fan de JV, dans une série de mini jeux façon Wario Ware. 9volt est dans sa chambre (environnement montré par l’écran de la TV) et veut jouer tard le soir à sa console portable, bien peinard dans son lit (l’écran du Gamepad). Le jeu invite le joueur à se focaliser sur l’écran du Gamepad au cours d’une série de mini jeux ultra simples et rapides (bouton et croix de direction) jusqu’à un boss. La difficulté vient de l’écran de la TV qu’il faut surveiller en permanence car la mère de 9volt peut entrer à tout moment. Repéré la partie est terminée. Dès que la mère entre dans la pièce, il faut presser les deux gâchettes pour faire semblant de dormir. Stressant, voire inquiétant, malin et complètement barré dans la DA des mini jeux, Gamer est une vraie perle. Taxi est le jeu plus complexe à appréhender. Le but est de sauver les habitants d’une invasion extraterrestre en éliminant ces derniers et en conduisant les pauvres victimes dans une zone précise. L’écran de TV montre le lieu en vue de dessus (façon micromachines) tandis que l’écran du Gamepad montre une vue à la première personne qui permet de viser pour éliminer les ennemis (ainsi que, accessoirement, de conduire). Il faut constamment jongler entre les deux écrans pour se repérer, se déplacer, tirer et éviter les tirs ennemis. Pas toujours ergonomique mais vraiment original.
Dans l’expérience multijoueurs, Game&Wario ressemble davantage à un jeu de société qu’à un JV. Artwork n’est ni plus ni moins qu’un Dessiné c’est gagné jouable à 5. Un joueur dessine sur le gamepad tandis que les autres doivent deviner sur l’écran TV ce que le dessin représente. Pas original pour un sou, mais indispensable et fendard. Dans Spy le joueur qui tient le Gamepad choisit un personnage et doit se fondre et se camoufler dans la foule d’une ville (représentée sur l’écran de la TV) pour voler 3 pommes. Une fois son larcin commis, les autres joueurs sont invités à choisir, à tour de rôle, sur l’écran du Gamepad, le personnage qu’ils pensent être le voleur, c’est-à-dire celui que le joueur au Gamepad incarnait. Islands a tout du jeu de société. Chaque joueur doit envoyer sur une structure posée sur l’eau (visible sur l’écran de la TV) 4 fronks (des petits personnages en forme de dés) au moyen d’une catapulte, accessible sur le Gamepad. Selon le niveau, la structure change mais possède toujours plusieurs cibles avec des points différents (de 10 à 100). Les structures peuvent s’écrouler sous le poids des fronks, se déplacer pour certaines et voir leur compteur de points changer ; les fronks d’un joueur peuvent éjecter dans la mer ceux d’un autre, façon pétanque ; des événements aléatoires peuvent survenir (une mouette qui vole un fronk au hasard). Une fois tous les fronks lancés, celui qui a le plus de points remportent la partie. Faisant appel au hasard, à la stratégie et à la réflexion, Islands ne manque pas sa cible.
Game&Wario a tout d’une boîte de chocolats : on en préfèrera certains à d’autres, on n’en abusera pas forcément, on pourra aussi bien les manger seul que les partager à plusieurs.
Autant expérience solo que multijoueurs, aussi accessible qu’exigeant si on vise les 240 trésors et le score, bardé de gameplays différents, Game&Wario offre un contenu si hétéroclite qu’il est difficile de savoir à qui il plaira. On pourra aimer un jeu et en détester un autre, en boucler un en 30 minutes comme passer des heures sur un autre. Sa DA, son charme et son humour particuliers le placent sur un segment moins familial qu’un NintendoLand. Le cul entre deux chaises mais des idées plein la tête.