Plaisir sadique et plaisir masochiste sont deux composantes essentielles du survival horror. Une idée fixe : faire souffrir le joueur qui en retour doit aimer ça. La survie se nourrit de la peur du joueur et crée chez lui une zone d’inconfort. Le dosage est subtil, oscille entre le flippant, le dérangeant ou le stressant, un monstre ici, un bruit au loin, rien puis encore rien, un peu de calme trompeur, des munitions en quantité louche. Le joueur a peur d’avancer, voudrait rester dans la lumière mais se sent irrémédiablement attiré par cet escalier qui plonge dans les ténèbres.
Durant ses quelques 15-20h, ZombiU ne dévie pas de ses/ces principes (les siens et ceux du survival), malgré des défauts. Jusqu’au bout, il reste droit dans ses sales bottes : stressant, viscéral et sans concession. Les gars d’Ubi Montpellier connaissent parfaitement leurs classiques : du rigide, de l'anti-charismatique et du peu armé. ZombiU a tout du jeu générique (personnages, ennemis et décors lambdas) jusque dans son titre même (un jeu de zombies pour la WiiU). Ni beau, ni laid, juste un peu plus sarcastique et sardonique que la moyenne, avec un côté sale gosse qui lui va bien.
ZombiU mise sur l’ambiance et l’expérience. La scénarisation n’est jamais frontale (l’histoire se développe par des lettres et des journaux à trouver), ou à de rares exceptions, façon Bioshock. Le joueur doit survivre et peut très bien se passer de savoir ce que veut le prepper (terme qui signifie « se préparer » et vient du survivalisme), planqué quelque part et qui lui parle façon Big Brother, qui est John Dee ou bien si les Corbeaux sont des gens de confiance (les trois lignes scénaristiques du jeu).
On passera plus de temps à agripper sa tablette, à scanner son environnement, à compter ses balles et à jouer du radar qu’à se demander pourquoi le prepper nous envoie là ou quels étaient les ennemis de John Dee, il y a plusieurs siècles.
L’expérience « survie » prend tout son sens grâce à la tablette. Le monde semi-ouvert est assez vaste pour être surpris et parfaitement découpé en différentes zones (reliées par un système de bouches d’égout) pour qu’on ne s’y perde pas. On avancera prudemment, lampe torche éteinte, à l’affût du moindre bruit, un œil sur la tablette, l’autre sur l’écran, l’une servant à scanner ce que l’autre cache (munitions, bouffes, ennemis…). Le jeu entre les deux écrans est perpétuel, ininterrompu puisque regarder son inventaire c’est poser son sac à dos et risquer de s’exposer aux zombies, pas toujours très malins mais suffisamment vifs et profitant du surnombre.
La tablette impose un rythme, plutôt lent, loin des standards FPS action. Nos survivants ne sont, de toute façon, pas des héros, plutôt morts de trouille, criant, chouinant ou même un peu borderline question santé mentale. Pas le genre de types qui rassurent quand arrivent, ne serait-ce, que deux zombies. Quelques coups ou une morsure et c’est la fin. RIP expert comptable, scénariste ou cuisinier et bienvenue à toi responsable RH dont on ne souviendra même pas du nom. Un truc générique du style Peguy Jones.
La visée est un peu tremblante, le coup de batte jouissif mais mal assuré. Le jeu ne nous pousse jamais à rechercher l’affrontement et sait utiliser les scripts avec parcimonie et efficacité (on est loin d’un Resident). Les critiques sur la répétitivité de l’action à la batte sont recevables mais tiennent au genre et aux choix de game design. A partir du moment où les munitions sont rares, il faut être méthodique : repérer un zombie, l’attirer pour l’isoler et le finir à la batte (4 ou 5 coups souvent). Tirer c’est risquer de faire du bruit et de voir débarquer un groupe de zombie. Dommage de ne pas avoir à sa disposition davantage d’armes blanches (bâton, barre de fer, pierres…) mais les armes à feu, fusées, grenades et mines varient les plaisirs sans pour autant qu’on se sente dans la peau d’un Chris Redfield.
La réussite de ZombiU est d’avoir fait d’un jeu générique, revendiqué tel, une expérience unique grâce à l’utilisation du Gamepad. En assumant les limites du genre et en conservant une ligne directrice forte (ne pas faire retomber la pression et maintenir le joueur dans la zone d’inconfort jusqu’au bout), les gars d’Ubi Montpellier ont offert aux fans de survival une expérience qu’ils n’oublieront pas, contents, voire soulagés, d’y avoir survécu et pas forcément pressés d’y replonger, la peur au ventre (le mode Survie avec un unique personnage comblera les plus exigeants). Pas parfait mais forcément marquant.