Avec de telles prémisses, on attendrait bien mieux.
Je suis un grand fan de "Blade runner", tant le film que le roman de Dick qui est à l'origine. Du coup, lorsqu'on me parle d'un pointer-cliquer basé dans un univers dystopique où il pleut, où on se balade dans des rues sinistrées tandis que de grandes corporations (ici la mafia du Boryokudan) sont à l'oeuvre, et que l'on discours sur l'identité de l'individu, le rôle des souvenirs, j'ai tendance à placer mes attentes assez haut.
Or c'est visiblement trop haut pour "Gemini Rue".
Les graphismes des décors sont assez vilains. D'accord il pleut, il y a des poubelles, des SDF junkies et même une décharge avec des corps de yakuza, mais l'environnement urbain n'est guère crédible : songez que dans le même immeuble habitent, parfois à un étage près, pas moins de quatre personnes ayant un lien plus ou moins fort avec la quête principale. On n'accepte que les locataires ayant fricoté avec la mafia ou quoi ? Le fait de faire des allers et retours entre toujours les mêmes décors de couloirs d'immeuble aux portes interchangeables ne m'a guère emballé, d'autant que les énigmes étaient assez mal dosées, malgré quelques bonnes idées. La saga "Blackwell" a su bien mieux tirer part de l'idée de recherches internet. Dommage, d'ailleurs, qu'il n'y ait rien en lien avec le hacking ou la protection des données : ce serait allé à la perfection avec l'univers cyberpunk que l'on nous vend.
De même pour la partie dans le centre 7, où est enfermé Delta 6 : les règles du centre nous sont données d'entrée, sans mystère, et le fait de devoir tester beaucoup de portes qui restent fermées constitue un début de partie particulièrement frustrant. Et puis le postulat ne colle pas trop : les prisonniers ont vu leurs souvenirs antérieurs effacés, mais semblent conscients qu'on leur a volé leur identité, et en savent bien plus long qu'il n'est possible s'ils sont effectivement conditionnés : ce centre d'aliénation de l'individu est ma foi fort mal géré, d'autant que les détenus (qui semblent cependant pouvoir se déplacer à leur gré entre les niveaux) sont chargés de tâches comme la maintenance des bouches d'aération (pas du tout utile pour tenter de s'évader, tiens).
"Gemini Rue" vendait du rêve mais se révèle assez fastidieux à l'usage. Même la partie graphique a quelque chose d'assez vilain, et je ne compte pas les nombreux glitches, genre je passe devant le réceptionniste et son sprite reste au premier plan, ou le bug que j'ai eu avec le passage où Delta 6 est ligoté à une roue : le sprite s'est déplacé comme un fantôme jusqu'à la roue du haut, ce qui faisait un bordel pas possible.