Ghostrunner est un titre qui a très vite su faire parler de lui. Venant du studio One more level, studio polonais qui s’est illustré ces dernières années par différentes petites productions. Avec Ghostrunner, on peut dire qu’ils ont vu gros : Un FPS slasher mélangé à du plateformer qui tient plus du AA que du petit titre indé. Un deuxième opus est d’ailleurs en route, il faut dire que Ghostrunner a su séduire et on comprend vite pourquoi.


Parce que c’est d’abord toute une promesse Ghostrunner, mais aussi tout un univers délicieusement cyberpunk qui saura mettre en avant un gameplay d’une frénésie parfaitement délectable. Le tout associé à un level-design convaincant, avec de bonnes phases de plateforming (qui manque quand même un poil de précision hein on va pas se mentir) et une ambiance , une DA très pertinente dans le cadre cyberpunk du jeu. J’aurais aimé voir un poil plus d’environnements, le cyberpunk demandant très vite de limiter les ambiances, copiant collant néons, égouts, immeubles et nuit noire mais c’est bien exigeant de me part et ça ne vient pas du tout ternir un tableau qui de prime abord se montre très attractif. On se prend ainsi au délire, on se prend au rythme, on apprécie le gameplay et on attend patiemment de voir en Ghostrunner un FPS Beat’em all ultra nerveux et jouissif.


Sauf que ça foire. Lamentablement. Et ce malgré les très bonnes qualités du titre.


Ça foire déjà du point de vue narratif. Ce n’est pas le plus embêtant en soit, ça reste même assez secondaire, mais ça révèle beaucoup de choses sur cette tendance schizophrénique de vouloir présenter le jeu vidéo comme un média narratif. Il est pour ainsi dire trivial de raconter une expérience scénaristique aussi complète que celle de Ghostrunner à travers un game-design demandant concentration et réflexe. Honnêtement, qui a lu les dialogues du jeu pendant les phases de plateforming ? Clairement, le jeu n’a pas franchement besoin de scénar, n’a pas besoin de densifier son univers. Mais vraiment pas besoin. Typiquement, il s’agit d’un jeu qui aurait mérité d’être totalement arcade avec un scénario prétexte qui tient sur un post-it. Alors oui il y a bien des jeux stylés un peu « exigeant » qui se la raconte mais ils se construisent précisément de manière à proposer un temps pour les enjeux narratifs et un temps pour le gameplay. Prenez Furi : des phases de jeux "hardcore" entrecoupées de phases narratives. Vous vous tapez pas les dialogues pendant des phases de jeux qui demandent du skill. Bha là si.


Mais le plus contraignant vient du gamedesign en lui même. Le jeu est punitif. Très punitif. Un coup de flingue et c’est dead. Une mauvaise chute et vous recommencez la séquence. Un mouvement de caméra trop brusque et vous y restez. Et ça c’est bien embêtant dans un jeu qui manque de précision, du fait de son gameplay dopé aux amphétamines. Le truc c’est que les développeurs de Ghostrunner ont eu la bonne idée d’intégrer dans le jeu des mobs champion de ball-trap, des mobs qui vous sautent dessus, d’autres qui vous explosent à la tronche ou des mobs qui vous foncent dans le tas sans prévenir, le tout avec des fenêtres de parry pas toujours évidentes pour ne pas dire bugués. Et très rapidement on se rend compte que , fatalement , le jeu perd de son intérêt frénétique. Quand je jouais à Doom (2016), je prenais des coups quand je défouraillais du démon. Mais je m’en foutais, parce que j’ai un putain de bouclier et une putain de barre de vie et une putain de tronçonneuse qui me permet de récupérer des putains de munitions et des putains de caisse de soins. Putain.


Pourquoi, mais pourquoi les dev de Ghostrunner ont pris le parti de proposer une formule de jeu qui tient davantage du shooter tout en donnant au joueur un matériau ludique plus proche du puzzle-plateformer ? Très souvent dans les phases de combat, il faudra composer avec la salle, avec les ennemis, voir même les tuer dans un ordre relativement précis. Tout cela avec des pouvoirs standards à la Dishonored (mais en moins bien).


Et pourquoi pas dans le fond, mais avec les problèmes que le titre se trimballe (des bugs entre autres) dans son gameplay bha c’est parfois la foire à la saucisse et il faudra parfois s’arrêter, regarder la salle avant d’y plonger, évaluer les risques en espérant que ça passe ou tout simplement mourir d’abord pour composer ensuite. Et là on s’approche ainsi dangereusement du Die and retry. Et c’est pas amusant quand le jeu n’est pas franchement pensé pour. D'autant que, comble d'un jeu avec un game-design pareil, Ghostrunner ne se montre pas, mais alors vraiment pas pédagogue. Vous prenez les mécaniques de jeu en pleine tronche sur le tas ou subitement après un instant puzzle chiant comme la pluie dans une simu cybernétique nippone.


La conséquence c’est un rythme qui en devient constamment haché, frustrant, limitant les sensations de parkhour, la progression, les possibilités de jeu. On se retrouve éloigné de tout ce qui rend légitime et jouissif un gameplay aussi rapide, intuitif et nerveux que celui de Ghostrunner. Sauf qu’il faut une marge d’erreur, précisément parce que les fenêtres de réaction deviennent terriblement courtes. Ça ne rend pas l’expérience globale pour autant inintéressante ni si difficile d’ailleurs (le jeu offre des checkpoints réguliers et ne pousse pas la difficulté trop loin). Mais ça réduit presque à néant le travail global réalisé sur l’enveloppe générale du jeu de bonne facture et l’expérience qu’il souhaite proposer à travers ses mécaniques ludiques. Vous allez trop souvent mourir pour pas grand-chose ou pour des imprécisions de gameplay. Vous pourrez malgré tout finir le jeu, apprendre de vos erreurs, améliorer vos réflexes et user des pouvoirs en votre possession (et en tirer plaisir!). Mais bon sang, que tout cela devient éreintant pour un jeu qui demande de l’effort sans être parvenu lui même à dresser une architecture ludique claire et précise… ça aurait pu être incroyable.




Bohr
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le 4 mai 2022

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