Même s'il n'a pas encore recouvré toute sa popularité d'antan, le Japon règne à nouveau en maître sur de nombreux genres du médium interactif.
Tous? Non! Une facette du jeu vidéo continue de résister encore et toujours à la créativité des concepteurs nippons; une composante qui se veut également favorisée sur le PC, plateforme également quelque peu dédaignée de ses développeurs en comparaison de leurs confrères occidentaux.
Ce genre, c'est bien évidemment le FPS et s'il y a bien une malédiction que GhostWire Tokyo ne parvient pas à briser, c'est l'incapacité des Japonais à appréhender la saveur d'une expérience en vue subjective.
Le principe aurait pourtant pu être dépaysant dans l'univers souvent très formaté des FPS modernes : muni de techniques élémentaires, le héros devra démontrer la tronche (?) de multiples fantômes errant dans les rues d'une Tokyo dépeuplée. Dans la pratique, malheureusement, rien n'y fait : la gestuelle des mains est exceptionnelle dans son animation mais l'impact des coups est très peu convaincant; flingue, mitrailleuse, fusil à pompe, on se retrouve vite avec cette impression de déjà vu malgré l'enrobage bien distinct; les attaques chargées occasionnent bien plus de dégâts que les tirs (appelons les ainsi) traditionnels, ce qui ralentit encore plus le rythme des affrontements déjà pas bien fameux; les ennemis ont tous des designs convaincants, inspirés du folklore foisonnant des fantômes Japonais, mais s'avèrent également n'être que des archétypes très convenus du FPS, encore une fois en dépit de leur apparence inhabituelle : les petits chiants qui attaquent au corps à corps, les petits chiants qui attaquent dans les airs, les gros plus costauds que les autres et les gros costauds qui frappent en plus très fort; bref, au Royaume de GhostWire Tokyo les combats sentent un peu le réchauffé et s'acheminent rapidement comme une tâche rébarbative à accomplir au lieu de retranscrire par l'interactivité les prouesses martiales de Last Airbender.
Dans un FPS, quand l'action est redondante ça commence déjà très mal, mais l'ambiance peut également parvenir à susciter l'intérêt et parfois même compenser un système de combat peu inventif; hélas, trois fois hélas, c'est bien là que GhostWire Tokyo se plante encore plus, malgré le passif convaincant du studio en matière d'horreur : le jeu dédaigne toute tentative d'instaurer une atmosphère inquiétante et se veut résolument tourné vers l'action (pourtant pas bien convaincante) au lieu d'imposer au joueur un sentiment de survie et de malaise tandis qu'il arpente les rues désertes de la capitale Japonaise. C'est bien simple : on a l'impression de se retrouver dans un parc d'attractions des Yokai entre ses chats mignons et ses esprits collectibles qui n'attendent que d'être récoltés (on va vite y revenir...); même les séquences hallucinatoires, pourtant très inventives visuellement, ne se veulent jamais oppressantes ou dérangeantes et peuvent se parcourir quasiment d'une traite en courant, en attente de la prochaine escarmouche. De toute façon, la tension peine grandement à s'installer avec ce héros serpillière qui ne cesse de communiquer avec son Kakashi Sensei au lieu de laisser un peu le silence (et la peur) s'installer autour de lui; le scénario n'est déjà pas bien intéressant mais les cinématiques en vue à la troisième personne tranchent de surcroît avec l'immersion censée être véhiculée par la vue FPS, ce qui amène quelque peu à se questionner s'il s'agissait vraiment de l'intention première du studio lors des premières esquisses du projet.
Que reste-il alors à ce GhostWire Tokyo? Et bien le plaisir tout de même présent d'arpenter la capitale Japonaise en vue subjective, proposition qui ne trouve pas encore son équivalent dans le reste de l'industrie à l'heure où ses lignes sont écrites; le traversal est plaisant et met en évidence la verticalité de la grande cité avec une myriade de...collectibles à débloquer. Ah oui et il y a les portails / tours à débloquer pour enlever littéralement le brouillard sur la Map. Oh putain mais c'est pas vrai...Ce plaisir touristique a suffi à maintenir mon intérêt durant quelques heures, malgré la redondance de son gameplay et son atmosphère en demi-teinte pour ma part, mais la structure Ubisoftienne du monde ouvert a refroidi progressivement les quelques espoirs qui pouvaient subsister envers ce titre. Aussi étonnant que cela puisse paraître pour le pays qui a vu naître Breath Of The Wild et Elden Ring, deux titres mettant la misère à l'approche formatée de l'Open World traditionnel, GhostWire Tokyo réitère pourtant tous les écueils de cette formule occidentale, peut être justifiée par la présence de Bethesda en tant qu'éditeur, mais il est assez triste de constater que le titre est englué dans les mêmes poncifs, sans parvenir à nouveau à se dépêtrer des carences de ces modèles peu louables.
Bref, c'est donc le triple combo particulièrement rédhibitoire pour ma part : ni le gameplay ni l'ambiance ni l'intrigue ne parviennent à susciter mon intérêt et dans le cas présent, même cette découverte interactive de Tokyo me laisse indifférent dans sa structure déjà désuète depuis bien longtemps. Il est rare que j'adresse une telle note à un jeu vidéo, médium où je trouve souvent une forme d'amusement par rapport à ses concurrents plus linéaires, mais cela fait longtemps qu'un jeu ne m'avait pas rebuté à ce point, alors même que j'apprécie plutôt les deux Evil Within du même studio. La proposition d'une nouvelle franchise était louable mais malheureusement, avec ce titre, Tango Gameworks semble s'être quelque peu perdu en chemin, errant dans un monde qui lui est encore inconnu comme les fantômes désincarnés qui peuplent cette création maudite à plus d'un titre.