Lorsque j'ai vu les premiers trailers de Giana Sisters, je m'en suis méfié comme de la peste : des frangines à la con, de la plateforme pleine de briques à casser, des mobs tout moches dont on saute sur la tête... tout cela sentait décidément bien trop le sous Mario contrefait pour être honnête.
Et pourtant. Passée cette première impression, qu'y découvre-t-on ?
Une réalisation assez léchée pour commencer : les graphismes sans être transcendantaux sont plutôt propres, les atmosphères "lumière" et "obscurité" bien rendues, l'ambiance musicale correcte (elle aussi s'adapte aux deux dimensions).
Mais l'intérêt n'est pas vraiment là.
Giana Sisters propose d'incarner deux sœurs, chacune enfermée dans sa dimension parallèle. C'est donc un jeu de plateforme faisant partie de la sous-branche que je nomme faute de mieux des "switch-platformers", dans lequel le zapping entre les deux dimensions a des répercutions sur l'environnement qui nous entoure : ici les plateformes deviennent ou non matérielle, les ascenseurs changent de sens, etc. Le tout est relativement classique dans le style ("à la Outland"), mais possède quand même sa petite originalité en l'espèce du pouvoir de chaque sœur. La rouquine est pourvue d'un dash, tandis que la blonde peut planer. Le gameplay à ce niveau est assez bien fichu et inventif, puisque l'on peut changer d'univers de manière normale, ou encore en utilisant le pouvoir de chacune. La combinaison des deux pouvoirs s'avèrera cruciale pour moult passages, dont certains demanderont un bon doigté pour les apprivoiser. Le tout est instantané et fluide, facilitant une prise en main agréable.
Et c'est tant mieux puisque les épreuves seront nombreuses, les niveaux assez longs, et les passages secrets bien planqués. Un aspect exploration assez poussé, donc (surtout pour qui veut atteindre le 100%), couplé à un level design qui tient la route, et des boss assez costauds, mais qui utilisent pas trop mal le switch. Tout ça cumulé offre en conséquence une copieuse durée de vie au titre. Je considère que j'en ai fini avec le jeu en y totalisant 47h, en ayant tout fait sauf le mode Super Hardcore (= finir d'une traite le jeu entier sans mourir), parce qu'il ne faut pas déconner non plus. Le jeu est en effet rempli de défis pour chaque niveau : outre les difficultés Facile, Normal, Hardcore (= 0 checkpoint = finir un niveau sans mourir) et Super Hardcore, celui-ci propose pour chaque niveau (environ 25) une note à atteindre (5 étoiles si vous choppez tout en mourant moins de 5 fois), un Time Trials et un mode Scoring (chopper les gemmes rapidement pour augmenter un multiplicateur de score).
Et on en vient à l'abordage de tout ce qui coince.
Le plus gros défaut du jeu se trouve malheureusement également dans sa plus grande ambition : les défis. Il est absolument impossible de valider 2 défis en même temps. Vous avez cartonné sur un niveau en récupérant toutes les gemmes sans mourir et en un temps record ? Et bien il vous faudra jouer en mode Normal (notation), Hardcors (0 mort), Scoring et Time Trials pour pouvoir valider tout ça. Soit 4 runs là où 1 aurait pu suffire. On a beau apprécier le jeu, on ne peut empêcher de ressentir ce petit goût de durée de vie artificielle, voire carrément d'overdose si on y joue trop (j'ai fait une longue pause avant de m'y remettre).
Ajoutez à cela, toujours en contradiction avec le côté challenge du jeu, une option "Redémarrer le niveau" qui brille par son absence. Quand on sait que l'on se foire, qu'il est lourd de devoir faire pause, quitter le niveau, rechoisir le niveau, redémarrer, recharger pour enfin recommencer. Encore ce serait rapide mais non, puisque les menus sont, en plus d'être assez moches, poussifs et peu réactifs.
Par ailleurs, un mode multi très anecdotique est présent, mais vraiment dispensable. Il s'agit de 3 courses dans lesquelles les pouvoirs n'ont plus les mêmes effets et où de nouveaux pouvoirs "à la Mario Kart" apparaissent, mais sont tellement confus et inconnus du jeu de base que c'est vite le chaos à l'écran, le tout pour un fun proche du zéro absolu.
Enfin en vrac, je signale un premier chargement très long la 1e fois qu'on lance le jeu après démarrage du PC (alors qu'après ça reste honnête), et des décors et des musiques finalement peu variés, même si sympathiques. Oh, et aussi un chara-design assez grossier, ainsi qu'un scénario dont je cherche encore le sens aujourd'hui (mais QUI DIABLE EST DONC CETTE FILLE AUX CHEVEUX TURQUOISES ???).
Je conseille donc ce petit Giana. Il n'a pas vocation à remplacer Mario, mais tente tout de même d'apporter sa pierre au genre, même maladroitement. Au delà des quelques séances de râlage que le manque d'ergonomie m'aura déclenchées, je garde malgré tout un bon souvenir de la jouabilité qui m'aura procuré de bonnes sensations tout au long de ma partie.
PS : à noter que ce jeu est le 3e après une version Commodore 64 (1987) et DS (2009). Certaines musiques de GS-TD datent du 1e épisode, mais le changement de dimension, lui, est propre à cette version moderne.
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[Critique bonus : Rise of the Owlverlord]
[i]Rise of the Owlverlord[/i] est un stand-alone de [i]Giana Sisters: Twisted Dreams[/i]. Il est donc fortement conseillé d'avoir joué à ce dernier pour pouvoir apprécier ce titre. L'entrée étant absente de Sens Critique, je l'ajoute ici.
En gros, les bases sont identiques : 2 soeurs, 2 dimensions, 2 pouvoirs combinables, décors, musiques, bestiaire et mécaniques (presque) inchangés.
Alors quoi, seulement des niveaux en plus ?
Globalement, oui, mais il faut voir la tronche des-dits niveaux. Au nombre de 7 (6 + 1 boss), ceux-ci ont le bon goût de pousser les mécaniques du jeu dans des retranchements jamais atteints dans le jeu de base, et ça c'est top. On est en terrain ultra connu, mais en même temps on observe une sensation de fraîcheur insoupçonnée dans un level design boosté aux amphtéamines. Un coup vous serez poursuivi par une armée de bestioles nombreuse et rapide (et angoissante), un autre coup vous éviterez des pluies de boulets, vous naviguerez dans des niveaux très aériens, vous ferez du flipper comme jamais, vous devrez manipuler le niveau de l'eau des niveaux aquatiques bref, vous serez amenés à vous dépasser. C'est comme si les developeurs avaient fourni un éditeur de niveaux à des joueurs qui se seraient fait plaisir dessus, à la manière d'un Mario Maker par exemple.
Franchement, découvrir ces niveaux est plutôt rigolo, un peu effrayant aussi mais finalement, on arrive quand même à les maîtriser donc tout va pour le mieux. Leur faible nombre évitera les temps morts tout en permettant leur variété (un niveau = un concept, en gros).
Petite touche inattendue : contrairement au jeu de base sans histoire, ce DLC tente ici d'en raconter une petite via les temps de chargement. Bon ce n'est pas du Shakespeare bien sûr, mais chaque attente d'un niveau présente un petit tableau animé représentant une étape dans la progression vers le boss. La thématique de l'ambiance du niveau tente d'ailleurs d'illustrer ce chapitre via un agencement des décors adapté. J'ai trouvé ça assez malin, et du coup tellement mieux écrit que le jeu de base.
Après les défauts seront les mêmes que pour le jeu de bases : les défis non cumulables, l'absence de touche "Redémarrer le niveau", les menus poussifs et tout le bazar. Pas de mode multijoueurs ici, mais il ne manquera à personne.
En revanche, une nouveauté peu appréciable fait son apparition ici : la suppression du bouton LT (manette Xbox) pour switcher. Là où sur le jeu de base les deux gâchettes étaient utilisables pour changer de dimension, ici seul RT est utilisable : pourquoi ? Moi qui avait l'habitude d'utiliser les deux selon les circonstances, j'ai été perturbé plus d'une fois par ce changement incompréhensible. Défaut pas rédhibitoire, mais je le souligne tout de même.
Enfin, le boss de fin est doté d'une hitbox étrange. Plusieurs fois j'étais persuadé de le toucher, mais en fait non --> ?
Mon avis sera donc très attendu : si vous avez apprécié le jeu de base, vous ne pourrez que vous amuser sur ces niveaux "deluxe", rafraichissants sans être trop longs (12h pour tout faire sauf le mode Super Hardcore). Sinon eh bien, passez votre chemin, tout simplement.