Il arrive parfois qu'un truc inattendu vous tombe sur le coin du museau. Parfois ce sont des emmerdes tels un accident de voiture ou une grossesse, d'autres fois des joyeusetés comme une augmentation de salaire ou un week end organisé par sa moitié.

Puis il y a les fois où l'on ne sait pas trop.

Comme ce jour où je reçus un message Steam dans ma boite aux lettres : "Gilou vous a offert Neon White". Il faut savoir que c'est un super pote Gilou, donc ça démarrait plutôt bien. Mais le titre en revanche ne me parlait pas du tout. La vignette était moche, en tout cas. Me demandant vaguement s'il avait bu un verre de trop la nuit précédente, je lus donc le message d'accompagnement : "Ça pourrait te plaire ! C'est pas Trials, mais c'est du speedrunning !". Euh... OK, il est sympa Gilou, mais d'une Trials a quand même une autre gueule que ça, de deux je ne cours pas FORCEMENT après tout ce qui est speedrun, et enfin nom d'un chien j'avais un backlog déjà suffisamment fourni sans que tu en rajoutes une couche, mon gars !

Bon, un cadeau ça ne se refuse pas, j'ai donc lancé le jeu, un peu par politesse vous comprenez...

Et c'est après cette introduction beaucoup trop longue que j'entre enfin dans le vif du sujet.

Le jeu nous accueille avec une intro d'images fixes, nous présentant une sombre histoire de mort, de purgatoire, et de démons envahisseurs de paradis à dézinguer. Bon.

Je lance ma première partie.

Et là je nage toujours en plein inconnu. Je joue un certain Neon White, qui comme moi ne comprend rien à ce qu'il fait là. Ça semble se jouer comme un FPS classique, sauf qu'en fait les armes sont des... cartes. Et là, gros doute.

Sachant que je ne cours en général pas après les FPS qui font du frag pour faire du frag, mais plutôt après ceux qui me font voyager dans un chouette monde ou qui m'impliquent dans une chouette histoire. Là a priori, je n'avais ni l'un ni l'autre.

Sachant que je ne suis pas fan des jeux utilisant la mécanique des cartes (exemple de Baiten Kaitos qui ne m'a jamais fait rêver).

Mais qu'est-ce que je fichais là ?

Bon, continuons.

De base on commence un niveau avec une carte, la carte katana, qui octroie 30 coups d'épée. Jusque-là ça va.

Sachant qu'on trouve assez rapidement notre première vraie carte, la carte pistolet, qui octroie un chargeur de 10 balles. Jusque-là ça va aussi.

Mais quel est diable l'intérêt de présenter ça comme une carte, me direz-vous ? Mais la défausse pardi ! En fait chaque carte offre la possibilité de la sacrifier, en échange d'un pouvoir secondaire à coup unique. Ainsi le pistolet offre un double saut. La mitraillette une bombe. Le fusil à pompe un dash. Le bazooka un grappin. Etc. Alors oui, les pouvoirs secondaires n'ont rien à voir avec les armes associées, mais peu importe : c'est un jeu, ce sont des cartes, question suivante.

C'est donc à ce moment-là que j'ai levé un premier sourcil intrigué. La défausse, c'est une promesse qui se dévoile. Un nouvel horizon qui s'ouvre. Un aspect qui d'un coup me parlait bien plus que le FPS encarté : celui du platformer 3D. Un genre relativement peu exploité qu'il est toujours de bon ton d'explorer. Mais un genre également facilement casse gueule, donc attention à la marche. En effet, deux éléments sont nécessaires pour faire un bon jeu de plateforme (que ce soit 3D ou 2D, d'ailleurs) : un gameplay efficace, et un level design intelligent.

Pour le premier élément, force est de constater que la jouabilité ne souffre d'aucune fioriture : une seule vitesse de course (rapide), pas de frames d'accélération ni d’inertie lorsque l'on s'arrête, des sauts généreux et orientables, aucun input lag. Pas de doute, on a affaire ici à un jeu d'arcade, et à un bon ! Votre performance est récompensée par une médaille, allant du bronze au platine. La particularité ici est que chaque médaille débloque un petit contenu sur le niveau : la bronze fait apparaître le cadeau caché du niveau ; l'argent débloque votre meilleur fantôme tandis que l'or vous donne un indice sur un raccourci, histoire de performer encore plus. Un système sympathique et plutôt stimulant qui donne une progression dans la progression, en faisant découvrir chaque niveau d'une manière un peu différente (parcours normal, cadeau, recherche du raccourci).

Côté level design c'est également du sérieux : les niveaux sont simples, lisibles, plutôt courts dans l'ensemble : on va droit au but. Le scoring en question consistant à atteindre l'arrivée le plus vite possible tout en éliminant toutes les cibles, il va sans dire que c'était un point à ne pas rater. Parlons des cibles, justement. Certaines sont neutres, mais d'autres lootent des cartes. Le jeu sera toujours transparent sur ce point : un type de démon précis donnera toujours une carte précise. De quoi aiguiser la lisibilité, et donc l'anticipation. Enfin, non seulement le level design est limpide, mais en plus il est malin. Chaque niveau se voit doté d'un raccourci "officiel" dont je parle plus haut. D'apparence plutôt cheatée, l'indice s'avère rapidement pas si simple à exploiter : OK il y a un chemin là, mais quelle est sa logique ? Et une fois la logique trouvée, comment la mettre en application ? Et surtout, cette question perverse qui ne quittera jamais votre esprit : le raccourci "officiel" est-il vraiment le seul qui existe ?

C'est ainsi que s'est levé mon 2e sourcil, d’admiration cette fois-ci. J'ai en réalité découvert le jeu en deux temps : en premier lieu en parcourant les chemins normaux en me la jouant naïvement en FPS classique : volonté d'économiser les balles le plus possible, timidité dans le sacrifice des cartes car "ça peut servir plus tard"... Mais jouer ainsi, c'est passer à côté de la proposition. C'est en tentant les médailles de Platine, via l'optimisation de sa trajectoire et la découverte des différents raccourcis, que l'on se rend compte que chaque carte, que chaque ennemi est placé sciemment, et que chaque mouvement, chaque tir, chaque défausse fait l'objet d'une véritable alchimie, une mécanique d'horloger si précise qu'arriver à dompter le rythme de tous ces éléments vire à la danse, voire à la transe que seul un score satisfaisant parvient enfin à apaiser.

Vous avez dit speedrun ?

J'en arrive à ce moment improbable où je ne peux que me pâmer d'admiration devant toutes les qualités du jeu.

Cette jouabilité à la fois exigeante et fluide, nous faisant avaler les obstacles à la pelle.

Cet aspect stratégique jouant sur plusieurs tableaux (jongler entre les deux sortes de cartes que l'on peut avoir simultanément ; entre les différentes manières d'utiliser un pouvoir (ex : les bombes peuvent tuer des groupes, ou s'utiliser comme tremplin) ; entre les différentes manières d'éliminer une cible.

Cette courbe de progression qui sait accompagner sans enfoncer (les derniers niveaux paraissent géants comparés aux premiers, sans que l'on ne s'en rende vraiment compte).

Ce contenu pas si chiche (activités sur la map, cadeaux débloquant dialogues et niveaux bonus).

Un dernier petit paragraphe de chipotage avant de vous ficher la paix.

Sans être laide, j'ai personnellement peu été ébloui par la patte graphique des décors, qui sacrifie en beauté ce qu'elle gagne en clarté. Musicalement c'est pareil : ça donne une certaine ambiance sans casser trois oreilles à un canard. Le charadesign en revanche est plutôt qualitatif : un bon point.

De son côté, l'histoire est plutôt anecdotique mais malgré tout plutôt fun à suivre, ponctuée qu'elle est par ses personnages attachants. Disons que ça habille pas trop mal le fond arcade du jeu.

Enfin, bonne chance pour terminer les deux défis no kill du jeu. Tenir 1h30 sans faire la moindre erreur, c'est au-dessus de mes moyens en tout cas.

Donc voilà. Il est d'usage de dire que Mario est le roi du platformer 3D, et les faits ne peuvent que lui donner raison. Mais à ce petit jeu-là on ne peut nier que Neon White fait honneur à la discipline, et avec son propre style qui plus est : franchement bravo l'artiste !

Kaiser-Panda
9
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Créée

le 15 oct. 2022

Critique lue 170 fois

5 j'aime

Kaiser-Panda

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