Avant tout, cette « critique » est un complément à l'avis que j'ai écris sur la liste disponible ici : https://www.senscritique.com/liste/Eh_Player_t_as_joue_a_quoi_en_2018/1961907 . Je ne vais donc pas revenir forcément en détail sur certains points alors évoqués. Aussi, je vais essayer de rester vague pour pas trop spoiler, mais je serai obligé d'évoquer des éléments scénaristiques importants de la saga, y compris ce quatrième épisode. Enfin, autant prévenir, ce texte sera rempli à ras-bord de sel, merci de votre compréhension, et bonne lecture !


Alors pour ceux qui débarquent, God of War, qu'est-ce que c'est ? Eh bien c'est un jeu d'action bourrin totalement jouissif et nihiliste, dans lequel on incarne un homme enragé qui va aller défoncer la mouillasse des divinités locales. Enfin... C'était ça God of War. Au moins les épisodes principaux, je me prononcerai pas pour les jeux sortis sur PSP vu que je n'y ai point touché. Y avait une rage dans ces jeux, quelque chose qui allait au delà du personnage de Kratos. On peut dire ce qu'on veut, mais God of War c'était subversif avant. On a tendance à l'oublier mais on incarnait quand même un personnage dont la seule raison d'agir sont ses intérêts personnels, et non un quelconque bien commun. Je pense que les termes les plus adaptés pour parler de Kratos sont prononcés par Ash, l'androïde dans Alien, je cite : « Vous n'avez pas encore compris à qui vous avez à faire ? A un parfait organisme. Et sa perfection structurale n'a d'égal que son hostilité. [...] Un survivant qui n'est pas souillé par le remord ou les illusions de la moralité. » Kratos est un survivant, prêt à tout pour parvenir à ses fins, peu importe si ça implique de mettre à mort des citoyens innocents, cette action était même récompensée par des orbes de vie. Il y avait d'ailleurs un passage censuré dans le premier jeu, où l'on était censé commettre un sacrifice humain pour pouvoir avancer. Au final le bonhomme a été remplacé par un monstre sur demande de Sony, car trop choquant. Mais peu importe l'intention de base est là.


Au final, God of War c'était ni plus ni moins qu'un tragédie grecque brutale et sans concessions, dans la grande lignée des tragédies grecques les plus étudiées aujourd'hui. Un homme qui lutte face à son destin, contre une injustice commise par les Dieux à son égard, et qui va emprunter le chemin du sang pour se faire justice, se perdant ainsi dans une spirale de violence sans fin, vouée à se répéter encore et encore, entraînant le monde entier dans sa folie sanguinaire. Et c'est pour ça que la fin de God of War 3 est si magistrale. Cet homme maudit par les dieux, par son passé, par ses actes, prend conscience de la vanité de sa quête et décide de commettre le sacrifice ultime pour essayer de réparer ses erreurs.


Mais nous voilà rendu en 2018, et sort le quatrième épisode de l'épopée de Kratos, venant, de ce fait, annuler la fin poignante de God of War 3. Kratos est maintenant vieux, usé, et en plus de cela, il se retrouve avec un fils à gérer, et à éduquer. Et là déjà, ça semble douteux, mais bon à la limite, pourquoi pas ? C'est pas comme si le concept même de Kratos était que son existence était incompatible avec l'idée même de famille, c'est pas comme si ce principe était l'un des éléments clés du premier jeu. On peut se dire que étant donné que ce nouvel épisode ne s'appelle pas God of War 4, mais juste God of War, que c'est un pur reboot, et que ce n'est pas le même Kratos que dans les précédents épisodes. D'autant que ce nouvel opus se déroule dans un autre monde et que le gameplay a été totalement repensé autour d'affrontements à la hache, et d'exploration de zones. Sauf que non. C'est toujours censé être Kratos, le seul l'unique. Ce qui rend au passage ce mode photo assez perturbant étant donné qu'on à la possibilité de faire grimacer Kratos avec des tronches amusantes. Dit comme ça, ça parait un peu antinomique, ou contradictoire, mais au final, c'est un accessoire comme un autre de ce mode photo globalement très sympa.


Tout ça pour dire que ce God of War 2018 est 100% canon dans l'univers mythologique de la saga God of War. Et c'est là mon problème avec ce jeu. Et je dis vraiment MON problème car c'est vraiment le seul truc qui ne va pas avec moi. Car non, je suis désolé, si toi qui lis ces lignes, tu as adoré le jeu, c'est ton droit, c'est tout à fait compréhensible même, mais jamais cet épisode ne sera un God of War. Et pourtant, j'avais bon espoir au début, avec un fight dantesque contre l'Etranger, qui laissait entrevoir toute la rage de Kratos qui commençait à ressurgir. Mais non. Kratos aujourd'hui est un homme tourmenté, mais calmé. Ce n'est plus un symbole de colère et de violence, c'est devenu un père qui s'inquiète. Après tout, c'est pas comme si le design du personnage avait été conçu de base pour représenter au mieux une matérialisation de la colère vengeresse. Rien que là, on pourrait hurler à la trahison du personnage. Mais bon avec Atreus dans l'équation, tout un tas de nouvelles possibilités sont ouvertes, en conservant toute la notion de tragédie propre à la saga. Ce duo ouvre la porte à tout un tas de propos plus ou moins subversifs, nihilistes, dans la lignée de ce que pouvaient proposer les anciens jeux. Imaginons juste un instant, Kratos se serait confronté à une quelconque divinité, et se serait fait tuer car trop usé et fatigué, tout cela devant les yeux de son rejeton qui aurait repris le flambeau, en se lançant à la recherche de cette divinité assassine en quête de vengeance, entrant de ce fait dans une spirale de la violence et de la haine, qui se serait conclue par le Ragnarök et la fin des temps. Ça aurait été énorme, avec son lot probable d'affrontements épiques, et c'aurait été, me semble-t-il cohérent avec le reste de la saga, mais ça n'arrive simplement pas. Peut être dans la suite qui sait ? Mais en l'état, on en est loin, même dans l'esprit.


Alors dans ce cas, pourquoi pas ? Le jeu emprunte une direction différente, avec une pensée différente derrière, et un game design totalement différent, à base de loots à récupérer, d'armures à crafter et améliorer, et de collectibles tous plus inutiles les uns que les autres. Alors, God of War 2018 décide donc d'être un jeu d'aventure lambda de plus au royaume des jeux d'aventure lambda. Bon, ça me gonfle mais au final, si le jeu est clair dans ses intentions, finalement, tant pis, je fais le deuil des God of War de la PS2 et de la PS3, et puis on progresse. Sauf que, c'est sans compter sur un retournement de situation qui arrive au deux tiers du jeu, et qui, si le moment est ultra jouissif sur le coup, se révèle au final totalement vain, faisant l'effet d'un énorme retro-pédalage en plus du gros aveu d'échec. Le jeu n'arrive pas à se démarquer par lui même, il n'arrive pas à aller de l'avant dans sa propre démarche, même s'il essaie de donner l'illusion que si, en ne reprenant même pas le moindre morceau emblématique de la saga durant toute l'aventure. Bon, bah c'est sacrément con, mais eh, on est rendu aux deux tiers, et on s'amuse vraiment, il se passe des choses, des sensations de dingue, alors bon, on va pas se plaindre non plus. Mais si seulement. Si seulement le jeu allait au bout de ce qu'il laisse entrevoir... Parce que là, je commençait sérieusement à reconnaître mon God of War que j'adore, avec des situations plus ou moins critiques, des séquences où la rage enfouie tout ce temps semble commencer à refaire surface. Et puis en fait non. Ça fait juste l'effet d'un prout, bruyant mais vide. Au lieu de retrouver un esprit nihiliste propre à la saga, on part dans un truc consensuel et bien pensant, avec la promesse que peut-être, avec un peu de chance, la suite sera mieux, et reviendra à l'aspect tragique des anciens jeux. Promesse appuyée par une scène post-générique totalement Marvel-esque dans l'âme, nous teasant la présence dans le prochain jeu de ces Dieux qu'on aurait bien voulu défourailler dès maintenant, mais bon, on peut pas tout avoir non plus. On t'a déjà recyclé deux fois un adversaire pour le combat final, tu veux quoi de plus ?


Alors ça y ressemble peut-être pas comme ça, mais quand j'y jouais, je kiffais vraiment ce nouveau God of War, c'était beau, fun avec des personnages charismatiques et tout. Mais alors que les mois passent, et que j'y repense, je ne peux que m'énerver, c'est devenu systématique. Aujourd'hui, dès que je pense à God of War 4, j'ai aussitôt besoin de taper sur quelque chose. Alors que c'est un bon jeu en plus ! Parce que oui, God of War est un bon jeu, qui n'invente rien, mais applique globalement bien ce qu'il essaie d'accomplir, et il est largement possible de prendre plaisir à y jouer, à découvrir l'aventure. Mais bon sang, ce n'est pas God of War. Dans God of War, on aurait vu la décapitation, elle ne serait pas passée en hors champ, avec une tête qui pop juste au dessus de l'écran. Voilà, c'est ça mon problème avec le nouveau God of War. Mais alors que j'écris ces lignes, une nouvelle piste me vient quand je pense à toute la colère que suscite en moi la simple évocation du jeu. Et si c'était le but recherché par les développeurs que d'enrager le joueur pour les pousser à prendre conscience de l'état du jeu vidéo aujourd'hui que l'on subit gentiment en jouant tous aux même jeux clonés les uns sur les autres ? Hmmm j'y réfléchirai, mais ça expliquerait beaucoup de choses aberrantes.


Et je le dis et le redis, si toi qui lit ces lignes tu as aimé ce God of War 4, ce n'est pas un problème, c'est même normal, le jeu a été conçu pour ça, c'est juste que viscéralement, ce jeu m'est insupportable.

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le 27 sept. 2018

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Player-Fou

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