CETTE CRITIQUE COMPORTE DES SPOILERS
Après le succès fulgurant du reboot de la série, la suite de God of War était très attendue c’est le moins que l’on puisse dire. 4 ans se sont écoulés depuis le premier opus, j’étais impatient de faire la suite, la passion et l’excitation on fait place à la surprise puis à la frustration pour me mener à l’ennui et finalement le dégoût. Je n’ai vraiment pas apprécié God of War Ragnarök, il n’est pas à la hauteur de son prédécesseur bien au contraire.
God of War 1.5
Si God of War avait surpris le public c’est d’abord par sa technique irréprochable et ses graphismes de pointe pour Ragnarök la surprise est toujours de mise, mais pas pour les mêmes raisons. En effet d’un point de vue technique, c’est tout simplement identique. Les animations sont les mêmes, le moteur graphique pareil, les modèles des personnages reste les mêmes d’un point de vue technique rien n’a changé, la quantité de ressource recyclée et réutilisée est effarante. La direction artistique n’a rien de grandiose. Certains environnements sont jolis, mais s’inscrivent dans la droite lignée de ce qui a été fait dans le premier (l’architecture du temple d’Alfheim). On ressent un véritable manque d’inspiration dans les nouveaux décors, les déserts vides d’Alfheim, les forêts génériques de Vanaheim, Muspelheim comme dans le premier vide et sans inspiration. Midgard réutilise le lac des 9 du premier, mais avec de la neige et Svartalfheim est aussi très générique, des montagnes des grottes le petit village manque d’imagination, juste des petites maisons en bois, Asgard consiste en une plaine un grand mur et la maison d’Odin. Il n’y a aucun panorama agréable à regarder dans le jeu si ce n’est la zone ou Surt se transforme en Ragnarök. La musique est beaucoup trop discrète. Certains thèmes très court et rafraîchissant avec des instruments et des styles variés peuvent se présenter lors de la découverte d’une zone où à la fin d’un combat. De manière générale c’est très insuffisant et la musique ne porte pas l’action comme elle le devrait.
Du côté du gameplay aussi très peu de neuf et malheureusement elles consistent pour la plupart en des défauts. On retrouve toujours un système de compétence avec trop peu de nouveauté et trop de recyclage. Hormis ça les animations des combos avec les deux armes sont parfaitement identiques et facilement la moitié des compétences proposées pour les deux armes principales sont les mêmes qu’avant. Une nouvelle arme apporte un tout petit peu de fraîcheur bien qu’elle ne change pas le gameplay fondamentalement, elle se débloque très tard dans le dernier tiers du jeu. Avec Ragnarök on repart de 0 plus d’équipement, les améliorations de la hache et des lames envolées, les compétences oubliées. Le jeu en vient même à nous troller avec les répliques de Sindri et Brok à base de « Qu’est-ce que tu as fait de tout l’équipement qu’on t’a fait » chaque fois qu’on passe à la forge dans les 5 premières heures du jeu.
L’aspect RPG est beaucoup trop présent et ne colle pas avec l’esprit du jeu, je prends du plaisir à faire des builds dans des RPG, mais pas dans God of War. Ce n’est pas ce qu’on attend du jeu. Les menus du jeu sont très moches et peu lisibles, ce qui rend le building encore moins plaisant, les menus du premier n’était pas incroyable sans être nul, mais ici c’est vraiment désagréable. Le recyclage est poussé très loin on en vient à débloquer des sorts identiques au premier 1, mais en fin de jeu avec exactement les mêmes animations et les mêmes effets, la sensation de progression est sévèrement impactée. Le système de combat est le même hormis l’introduction d’une interruption avec le bouclier et le nerf de la parade parfaite qui n’interrompt plus l’ennemi même les plus petits. C’est très gênant parce que la plupart des coups dans le jeu ne sont pas gardable, car le nombre de perce-gardes et de brises garde chez les ennemis rend le bouclier quasiment inutile au corps à corps, il ne sert qu’à bloquer certains projectiles.
L’aspect énigme/Puzzle qui n’était pas d’une grande profondeur dans le 1 devient ici de simple obstacle sur notre chemin de par leur simplicité. Cette mécanique est surutilisée, car on croise des obstacles beaucoup trop souvent. C’est très frustrant d’autant que le jeu est un long couloir du début jusqu’à la fin l’espace laissé au joueur est tellement faible et étroit qu’on a l’impression de jouer sur des rails. À cela s’ajoutent les répliques des PNJ qui nous accompagnent pour nous dire sans cesse quoi faire et où aller, nous donnant la solution à toutes les énigmes dès l’instant qu’on les voit. Ces mêmes PNJ peuvent même adopter un ton agressif parfois lorsqu’on s’éloigne du couloir de l’histoire pour prendre le couloir du loot placé dans le sens opposé du couloir de l’histoire : « qu’est-ce que tu fais Kratos ce n’est pas par-là ». Les développeurs ont créé une mécanique de backsit dans le jeu à travers les PNJ c’est tout simplement insupportable. D’autant plus que cela ne se limite pas en phase « d’exploration », c’est aussi le cas en combats. « ESQUIVE », « Vise la tête », « il faut que tu utilises ton bouclier » parfois de manière agressive et hautaine « tu as oublié comment esquiver ? » au moment où l’on vient de se faire toucher par un boss ou un ennemi, c’est absolument infâme.
La plupart du bestiaire dans le jeu à la capacité de dasher pour sortir de votre champ de vision, car cela délock la caméra ce qui rend les combats très souvent illisibles et donc très brouillons. D’autant plus que le nombre d’ennemis par combats est souvent élevé et on ne voit pas où et quand le danger arrive. La caméra reste très proche et la flèche rouge d’indication des dégâts et même les interventions des PNJ en backsit ne permettent pas de timer ses esquives ou ses parades à temps. Cela rend le gameplay très lourd et peu amusant, car on ne peut pas enchaîner fluidement parades, esquives et coups.
Ragnarök sonne la fin du gigantisme et des combats dantesques. Fini le dieu de la guerre qui attrape des marteaux de 100 tonnes et de 60 mètres de haut pour briser 15 mètres de glace, fini les dragons, terminer les grosses mandales qui fissure les montagnes et la bagarre à dos de dragon. Les combats sont lisses ne sont pas spectaculaire. Le combat contre Garm est le seul qui pourrait s’y apparenter, mais la mise en scène de ce passage est très pauvre. Pour finir sur une note un peu plus positive le jeu à grandement augmenté la diversité du bestiaire ce qui faisait défaut au premier jeu, ici on ne se bat pas que contre des draugr. Le retour de la brutalité dans les exécutions et le sang sont aussi appréciable, car plus en accord avec l’ADN de la série.
La déconstruction d’un univers et de ses personnages
SPOILER
Le scénario, la narration et les personnages de God of War étaient pour moi le meilleur atout du titre. Le sujet de l’héritage et de la transmission étaient traités dans cette relation complexe et parfois conflictuelle entre Atreus et Kratos qui nous ont amenés à découvrir Kratos sous un nouveau jour. Un guerrier fort brutal, mais sage de ses expériences et erreurs passées. Tout l’enjeu de l’épopée de Kratos est d’aider Atreus à devenir un homme, un dieu, bon, responsable et sage. L’évolution de ces personnages était passionnante à suivre et mêlée à cet univers nordique, le tout était prenant. J’aurais aimé que le jeu s’inscrive dans cette lignée pour nous proposer un contenu aussi riche et profond que le premier. En abordant des thèmes qui nous amènent une réflexion, une expérience. Malheureusement il n’en est rien.
Atreus est mis en avant bien plus que Kratos, car c’est ses objectifs changeants qui ponctuent le scénario y compris les objectifs de Kratos lorsqu’on le joue seul. Atreus qui à la fin du premier est fort d’une aventure qui l’a fait grandir, qui l’a assagie est ici complètement déconstruit. À croire que le premier jeu n’avait pas existé.
Atreus incarne dans Ragnarök l’adolescent idéaliste et capricieux qui ne sait pas ce qu’il ne veut ni ce qu’il fait. Il cherche à réaliser une prophétie qui implique une guerre et toutes les conséquences qui vont avec et qui lui sont dites et répété tout au long du jeu. Toute action menée en faveur de la prophétie n’a aucune conséquence sur la suite des évènements, pas plus que la quête du masque qui sera finalement détruit. Tout s’est passé selon la prophétie initiale sans que rien ne soit changé et la finalité qu’aurait dû être la mort de Kratos d’après cette même prophétie, n’advient même pas. Il n’y a donc aucune conséquence au choix des personnages et des actions de ces derniers dans cet univers. Le tout devient donc vide d’intérêt, car aucune action ne mène à rien et mettre la prophétie et le risque de la mort de Kratos au centre du jeu, pour finalement ignorer tout à la fin, sans aucune justification, rend le scénario tout simplement intéressant. Cette absence de conséquence est omni présente dans le jeu et le vide de ses enjeux.
Il en va de même pour les personnages qui changent d’avis pour une position diamétralement opposée à celle qu’il avait peu de temps avant, voir quelques secondes avant pour Surt. Kratos passe tout le jeu à dire qu’il ne veut pas partir en guerre, car il en connaît le prix et l’a déjà payé trop de fois pour finalement lancer la guerre. La mort de Brok est un motif ridicule et dissonant pour un personnage endurci comme Kratos qui a vu mourir ses camarades par dizaines, ni lui ni Atreus ne semblent convaincus de la légitimité de cette action. Leur dialogue semble triste et peu résolu comme s’ils étaient obligés de partir en guerre, alors que tous les motifs potentiels évoqués par Kratos et Atreus au cours du jeu ne sont plus d’actualité. Atreus est auprès de Kratos, tous les royaumes sont libérés de l’occupation d’Odin et l’équipe de Kratos détient le masque qu’Odin convoite et qu’il n’a pas réussi à récupérer. Kratos pense dès le début que l’idée d’Atreus est immature et irresponsable de lancer la guerre et il va pourtant l’aider à en faire tous les préparatifs du début jusqu’à la fin. Il va même tuer Heimdal sans aucune raison. Atreus est loin de lui, il n’a aucun moyen de l’atteindre, Kratos ne souhaite pas le tuer initialement et il le tue uniquement parceque’Heimdal fait une menace. On notera qu’Heimdal n’a jamais rien fait de mal de tout le jeu, hormis de mal parler à tout le monde et d’être extrêmement arrogant. Il en va de même pour Odin, mis à part à la toute fin, il n’y a aucune preuve tangible de la culpabilité ou des méfaits d’Odin. C’est d’ailleurs pertinemment mis en avant dans une quête avec Atreus et Thrud ou Atreus lui explique que son grand-père est mauvais et Thrud lui répond « les seules personnes de qui tu tiens ces informations sont son ancien conseiller qu’il a renvoyé et son ex-femme qui lui en veulent toutes les deux ». Il n’y a aucune autre preuve des méfaits d’Odin hormis les dires de Mimir et Freya.
On ne voit jamais Odin faire le mal directement, les gens ne l’aiment pas, mais il n’y a aucune véritable justification, hormis à la toute fin et le scénario ne justifie jamais les dires proférés contre Odin. Le scénario dans sa totalité est profondément absurde. L’histoire est mise en place par le biais d’une narration grossière et illogique pour tenter tant bien que mal de lier les différentes grandes étapes prévues par le scénario.
Tous les pirouettes narratives et scénaristiques et autres arcs secondaires sont surutilisés pour gonfler artificiellement la durée de vie d’un jeu qui semble avoir été pensé initialement pour être un DLC. Le contenu du jeu est si pauvre, l’histoire tellement amenée de force et de manière si incohérentes. Les obstacles tous les 100 mètres, tout est pensé pour ralentir le joueur et rajouter toujours un peu plus de durée de vie. Le jeu court après le temps et ça se ressent tout au long du jeu. Les escapades en Solo d’Atreus et Kratos à tour de rôle qui n’aboutissent finalement à rien en termes de conséquence scénaristique. Je pense à cette séquence de 2h30 dans le Bois de Pierre (Kamoulox) avec Atreus et Agrabodr complètement inutile simplement pour faire comprendre à Atreus que son père va mourir s’il réalise la prophétie (spoiler enfaîté non). On aurait pu boucler ça avec une cinématique, mais non ont fait 2h de couloir sur une vache et des combats contre des draugr pour gratter un maximum de durée de vie. Tout cela montre un manque cruel d’inspiration. La différence d’ambiance entre le tout début du jeu avec l’affrontement entre Thor et Kratos, et tout ce qui suit est si profonde, que je ne peux pas m’empêcher de penser, que Ragnarök était pensé comme une extension du premier.
Je ne peux ressentir que de la frustration en voyant des personnages comme Thor, qui ont une personnalité travaillée et touchante, avec un temps d’écran aussi faible. Je suis déçu d’avoir vu si peu Odin et de ne pas avoir vu l’étendue de sa malveillance. Je trouve dommage de n’avoir pas plus mis en avant ces deux personnages qui avaient quelque chose à raconter. Autant sur le plan individuel que dans leur relation en opposition avec la relation père fils de Kratos et Atreus. On ne le voit que trop brièvement et c’est vraiment regrettable parce qu’ici il y avait quelque chose à montrer de vraiment intéressant. A contrario on a des personnages que l’on voit beaucoup trop et qui n’apportent strictement rien du point de vue de la narration et encore moins en termes de personnalité : Agrabodr. On la voit facilement 3h pour n’être finalement présenté que comme le crush d’Atreus. Le personnage est complètement vide d’intérêt et est au cœur de la pire séquence du jeu. J’aurais préféré voir plus Odin et Thor qui eux avaient beaucoup plus de fond et une personnalité bien mieux travaillée.
Je pense que ce qui m’a fait le plus de peine et qui m’a le plus dégoûté du jeu c’est la déconstruction du personnage de Kratos. Un personnage fort avec une identité forte, magnifiquement doublé par Christopher Judge, la capacité à mêler sagesse et force, certaines de ses répliques dans le 1 m’ont donné des frissons.
Au cours de l’histoire, on nous montre un Kratos bien plus abattu par la mort de sa femme que dans le premier, malgré les 3 années passées. On apprend que toutes ses réflexions et même sa plus belle réplique dans le 1 lui viennent de sa femme qui visiblement était derrière toute ses idées et sa personnalité. On va jusqu’à dépeindre Kratos comme un pleurnichard dans son dernier rêve/souvenir ou il confesse à sa femme ne pas savoir quoi faire sans elle. La stature et la force de Kratos, son impassibilité, sa personnalité tout vole en éclat dans ces cinématiques réductrices. Ils vont jusqu’à le faire pleurer à la fin du jeu parce qu’il se voit adulé dans une prophétie de panneau de bois. Lui qui n’accorde aucune foi en quelconque prophétie. C’est d’autant plus ironique que le jeu se base sur la prophétie de la mort de Kratos qui n’advient pas malgré qu’elle ait été respectée à la lettre, donc prouve que les prophéties sont fausses. C’est une humiliation pure et simple. Le Dieu de la guerre pleure sans aucune raison. Il incite son fils à devenir sentimental et « ouvrir son cœur à la douleur des autres » alors qu’il avait tout fait dans le premier pour le rendre fort.
Si je voulais ce genre de discours j’aurais acheté life is strange et pas God of War.
Il va à contre-courant de tous les enseignements qu’il a donnés à Atreus dans le premier. Il devient lui-même compulsif et perds la maîtrise de ses émotions sans raison notamment contre Heimdal. On passe tout le premier jeu à tenter de ne pas faire de vague et à ne pas se mêler des affaires de ce monde pour finalement lancer une guerre contre Asgard parce que Brok est mort. C’est profondément illogique. Voir Kratos s’excuser d’avoir éduqué son fils correctement dans Hel, le voir se confesser d’avoir été trop dur devant son fils, pour ne pas avoir cédé à ses caprices plus vite. C’est insupportable du début jusqu’à la fin. Atreus s’excuse à peine de lui avoir menti et de faire des choses complètement insensées. Il est mis à partir de cette scène d’égal à égal avec Kratos dans leur relation, Atreus lui donne des ordres et le rassure. Les rôles sont inversés. Kratos est devenu l’enfant ou le vieux sénile et Atreus est devenu la voix de la raison qui part en guerre faire la révolution pour « libérer les peuples ».
Conclusion
Non content de ne pas avoir les épaules suffisamment larges pour porter l’héritage du premier, God of War Ragnarök le déconstruit pierre par pierre pour laisser place à un univers incohérent et inintéressant. 4 ans de développement pour un jeu recyclé sur plus de 60% de sa conception, et une volonté de prolonger la durée de vie au forceps coûte que coûte. Je suis convaincu que Ragnarök était prévu pour être un DLC du premier jeu. Malgré l’absence d’un scénario cohérent, d’une âme et d’un gameplay prenant, le jeu est largement plébiscité par des joueurs de moins en moins exigeants. La série est pour moi condamnée, car les chiffres de vente et les retours du jeu sont tellement positifs qu’ils continueront sans aucun doute sur leur lancée. Elden Ring mérite de loin sa place de meilleur jeu de l’année 2022. On glisse doucement sur la pente idéologique des pokémons qui font toujours moins de qualité pour toujours plus de chiffre d’affaires. Les joueurs ont ce qu’il réclame.