Intimidant, moi ? Mais je suis votre ami...
Ah, Grim Fandango...Voilà un jeu qui constitue pour les amoureux du genre point n'click(jeux à énigmes) une alchimie haine/amour assez particulière.
Pourquoi haine ? Parce que suite à son échec commercial, Grim Fandango a contribué à mettre fin à l'âge d'or des point n'click, genre aujourd'hui pas mal délaissé.
Et pourtant, il a tout les atouts pour être un chef d’œuvre : Tim Schafer, échappé des équipes de Monkey Island, y met en scène le pays des morts, un habile mélange entre folklore mexicain et film noir, où un étrange trafic de places pour le paradis amènera Manuel Calavera et le joueur à traverser le monde pour retrouver Mercedes Colomar et découvrir un vaste réseau de corruption.
L'univers est aussi riche visuellement qu'au niveau du scénario, se dévoilant par petites touches tout en évitant l'écueil de dialogues informatifs longs et ennuyeux, oui celui d'être trop sérieux. L'humour distillé au travers des répliques et des réflexions de Manuel "Manny" rende le personnage instantanément sympathique. Du magouilleur égoïste, on le voit évoluer vers un altruisme et une prise de conscience sur les valeurs qui lui ont fait défaut de son vivant. Les énigmes sont bien foutues et les indices intelligemment disséminés permettent au soft une durée de vie respectable.
Côté esthétique, les studios lucasart ont su mixer le film noir et l'esthétique hispanique avec talent, malgré sa thématique de prime abord plutôt morbide, le jeu est coloré et même aujourd'hui, avec plus de dix ans au compteur, reste très beau.
Pour ce qui est du son, le moins qu'on puisse dire, c'est que les créateurs ont mis les bouchées doubles : la BO est digne des meilleurs films noirs et emprunte à des sonorités un peu plus western, mais aussi aux musiques de danse, comme le tango. Un travail d'orfèvre. Le jeu est intégralement doublé en français et excusez du peu par Mario Santini pour Manuel Calavera, voix de Dustin Hoffman mais aussi de LeChuck dans les Monkey island. Chaque comédien est excellent, parfait dans son rôle et vu la quantité de personnages, c'est d'autant plus remarquable.
J'en viens au défauts du jeu , ou plus exactement au défaut sans "s". Je fais partie des vieux cons qui n'aiment pas trop la 3D et à fortiori dans les jeux de point n'click. Et malgré toutes ses qualités, ce n'est pas Grim Fandango qui me réconciliera avec : la maniabilité de Manny est chaotique, il est difficile de repérer dans les décors les zones où l'ont peut se déplacer et lorsqu'il faut agir dans un temps limité, on a tout intérêt à être parfaitement dans l'axe si on ne veut pas se retrouver coincé contre un élément du décor. Si après quelques heures de pratique, on parvient à éviter le gros du problème, reste que tout ça manque cruellement d'ergonomie, encore plus avec l'utilisation exclusive du clavier plutôt que de la souris. Un très gros point noir qui gâche le plaisir pour peu qu'on ne soit pas d'un naturel patient.
Pour conclure, je reviendrai sur l'échec commercial de Grim Fandango : sorti alors que le genre était moribond, le jeu a été le coup de grâce car avec le soin apporté à sa réalisation, son maigre score de vente a malheureusement constitué un chant du cygne. Et vous le savez, les chants désespérés sont les plus beaux.