Depuis que The Binding of Isaac a posé les bases du rogue-lite indépendant, beaucoup de développeurs ont tenté d'y trouver une formule alternative tout aussi agréable à jouer. Dans la marée qui a inondé les différents stores depuis près d'une décennie, il est malheureusement dur de distinguer les propositions les moins redondantes.
Et, alors que le genre semblait avoir vécu son champ du cygne médiatique avec l'incroyable Dead Cells, voilà qu'un certain Hades surgit à l'occasion de sa sortie de l'early access Steam et provoque un émoi général, comme si son existence était un secret dont la garde était difficile. Et ça se comprend.
Hades est un rogue-like d'action où l'on traverse quatre donjons séparés en plusieurs salles pour arriver et vaincre (avec un peu de chance et un bon build) le boss qui donne son nom au jeu.
Derrière ce titre, on trouve Supergiant Games, déjà à l'origine des classiques Bastion et Transistor. Leur pattes graphique et narrative sont d'ailleurs bien présentes tout au long du jeu. Personnellement, sans pour autant nier la qualité de leurs jeux j'ai toujours eu un peu de mal avec ce style un poil prétentieux, qui est en revanche maîtrisé dans Hades.
Contrairement à la grande majorité des rogue-lites, le joueur a un contrôle direct sur le début de sa partie, pouvant choisir l'arme qu'il souhaite ainsi qu'un petit bonus associé. Exit donc le fameux reset instantané pour cause de malchance, d'autant plus que les améliorations glanées au gré des salles ne se révèlent jamais vaines. Les bouleversements drastiques de façons de jouer demeurent rares : il y a donc peu de chances de gâcher une run avec un ajout de trop. On pourrait déplorer l'absence de synergies folles comme on le voit chez le bébé de McMillen par exemple, mais au final, le jeu n'en a pas vraiment besoin pour son propos.
Quelle que soit l'arme choisie, l'action est frénétique, ne proposant des salles ni trop faciles, ni impossibles. Les ennemis, y compris les boss, disposent de patterns clairs et équilibrés qui rendent l'expérience d'autant plus agréable dans des salles dont la construction n'aurait tout simplement pas fonctionné ailleurs. Aucun souci non plus dans la courbe de progression, qui permet de bien progresser après à peine une dizaine d'essais. Malgré l'absence de route alternative dans une run, l'efficacité du gameplay couplée à la construction du jeu dans son ensemble nous empêche de ressentir la moindre once de monotonie. L’Élysée, le troisième monde, reste cependant en deçà des autres avec ses gimmicks trop prononcées et je prend personnellement moins de plaisir quand je dois y passer.
Ces qualités seules suffiraient à Hades pour s'imposer comme une proposition solide, mais son talent s'exprime bel et bien dans sa narration, qui prend en toile de fond une charismatique interprétation de la mythologie grecque. Parfaitement intégrée (de plusieurs façons) à la boucle de gameplay, elle sublime les nombreux personnages secondaires et leur offre de nombreuses sous-intrigues et références croisées. On se surprend constamment à voir que les nouveaux éléments n'arrêtent jamais d'arriver, même après une centaine de tentatives d'évasion. Bref, le jeu nous propose une durée de vie assez dingue, ce qui peut être décourageant si on veut aller au bout des différents arcs narratifs (surtout qu'il faudra activer malus après malus pour pouvoir farmer...) mais au final, cette exhaustivité a quelque chose de magique qui nous force irrémédiablement à enchaîner les parties. Notons enfin la très bonne traduction textuelle française du jeu
Dans tout ce qu'il accomplit, Hades parait tout bonnement irrésistible. Plus qu'un excellent rogue-lite, il représente une synthèse pertinente du jeu indé tel qu'il a explosé depuis Braid.