Critique écrite dans le cadre de mon article "ET TOI, À QUOI T’AS JOUÉ ? #2020" sur mon blog Journalist Scum.
Alors que j’avais déjà prévu de passer ma vie à explorer les environnements de Risk of Rain 2 jusqu’à la fin de cette maudite année, un autre jeu tout droit sorti des enfers est venu toquer à ma porte. Après presque 2 ans d’accès anticipé, Hades était enfin sorti à la surface, à la vue de tous, prêt à en découdre et à rafler toutes les récompenses. Surtout celle de mon coeur.
Le quatrième jeu de Supergiant Games relate la fuite de Zagreus, fils du dieu des Enfers, Hades. Le fiston est bien décidé à quitter le domaine familial et à récupérer sa liberté, là haut, dans les plaines verdoyantes d’une Grèce antique et auprès de sa famille éloignée, les dieux de l’Olympe et d’une autre personne chère à son coeur.
Mais dans cette crise d’adolescence, Papa ne compte pas lui faciliter la tâche. Salle par salle, le maître des lieux enverra ses meilleurs soldats et héros chthoniens pour contrer les idées aventureuses du fiston et botter son petit cul de fils indigne dans la rivière de sang du Styx qui le ramène inlassablement à la maison.
Dans sa fuite en avant, Zagreus peut néanmoins compter sur l’aide de ses cousins et oncles, les dieux de l’Olympe. Zeus, Athena, Poséidon, Arès… Chaque divinité offre à notre héros, des bienfaits qui vont modifier les compétences du fils prodige. Chaque dieu apporte ainsi sa spécialité à l’édifice de votre build de plus en plus puissant. Si Athéna prêtera son bouclier pour renvoyer les projectiles, Artémis augmentera vos chances de coup critiques alors que Déméter glacera vos ennemis jusqu’au sang jusqu’à les figer. Chaque bienfait réinvente et sublime sans cesse vos quatre mouvements (Attaque, Assaut, Lancer, Élan) que l’on enchaîne avec une aisance rare. Ces divinités pourront même intervenir sous la forme d’un ultime qui pourrait vous sauver d’une mauvaise passe.
Mais ces êtres divins perchés sur le mont Olympe ne sont pas les seuls à mettre la main à la pâte pour aider le jeune prince.
Disséminés dans les quatre biomes des Enfers (Tartare, Asphodèle, Champs-Élysées et Temple du Styx), des habitants apportent aussi leur aide que ce soit en octroyant des améliorations, des ressources ou en faisant office de marchand.
Vous l’aurez compris, Hades est un rogue-lite (décidément) où ce qui nous tue nous rend aussi plus forts. Chaque tentative d’évasion soldée par une mort atroce se verra néanmoins récompensée par des améliorations qui aideront le joueur à se surpasser et à aller toujours plus loin. Rien de bien nouveau donc, et pourtant Supergiant Games a bel et bien écrit une nouvelle page dans l’histoire du genre avec ce dans quoi ils ont toujours été estimés: la narration.
Mourir en boucle veut dire aussi recroiser inlassablement les mêmes personnages. Or contrairement à d’autres rogue-lite, où les interactions sont parfois limités avec les PNJ, ici, que nenni.
Chaque run devient unique et on se retrouve un peu moins attristé du sort funeste de Zagreus car chaque mort permet d’avancer un peu plus dans l’histoire de la vingtaine de personnages. Des amitiés naîtront et seront à entretenir afin de débloquer toujours plus d’interactions, mais aussi de récompenses pour vous aider dans votre quête.
Avec des milliers de lignes de dialogues, entièrement doublés, Hades déroule son histoire au compte-gouttes et transforme les centaines de tentatives d’évasion infructueuses comme des digressions nécessaires et uniques. Que ce soit pour apprécier l’histoire ou remplir le Codex qui se déguste lui aussi, au fur et à mesure. Chaque arme, bienfait, interaction ou même mort est prétexte à une ligne de dialogue inédite qui donne cette impression de ne quasiment jamais tourner en rond malgré le fait que le jeu ne comporte que quatre environnements.
L’immersion se retrouve d’autant plus appuyée par un cast vocal toujours aux petits oignons avec la famille Supergiant Games. On y retrouve évidemment le mythique de Logan Cunningham , du compositeur Darren Korb en Zagreus ou de la voix enchanteresse d’Ashley Barrett.
En parlant de la bande-son, Darren Korb signe encore une fois une magnifique bande-son entre instruments traditionnels et riff métal, qui donne la patate tout en laissant la part belle aux compositions douces.
Une attention qui se retrouve aussi dans une D.A sublime, que ce soit avec ce mélange de 3D/2D et la richesse des environnements, ou les artwork des personnages prêts à questionner votre sexualité (Dionysos me soulève quand il veut). Eh oui , bien sûr « You can pet the dog », Cerbère the Good boi de l’année rappelons-le.
Mais toute cette construction donne-t-elle au moins un bon résultat ? Hell yeah. Hades se retrouve aussi nerveux qu’un Dead Cells. On enchaîne dash, attaque de zone, combo, lancer, activation de pièges. Un inépuisable ballet, une symphonie d’acier et de mandales au rythme des pouvoirs divins que l’on répète par coeur, mais toujours avec le même plaisir. Avec 6 armes au gameplay bien différent et des aspects différents pour chacune d’elles, il faudra néanmoins réapprendre sa composition à chaque rotation. Un apprentissage qu’il se retrouve aussi dans les boss de fin de niveau, qui se réinvente au bout de plusieurs victoires, vous laissant le temps de quelques évasions de plus, en position de faiblesse face à ceux que vous considériez quelques instants plus tôt comme une simple partie de plaisir.
Des armes et des bienfaits que l’on prendra plaisir à améliorer pour monter en puissance au fil des parties. Mais contrairement à d’autres rogue-lites comme Isaac, un « build pété » ou bénie des dieux, peut tout à fait se faire démanteler aussi facilement qu’il avait nettoyé la salle 30 secondes plus tôt. Une série d’erreurs de rythme, un mauvais choix de parcours ou de bienfaits et c’est retour à la case départ pour Zagreus.
C’est donc plus qu’un énième rogue-lite que l’on déguste, mais véritablement une histoire camouflée sous un rogue-lite. Et lorsqu’au bout de plusieurs dizaines d’heures et d’une trentaine d’essais on parvient enfin à mettre un terme à cette lutte père-fils, et à réussir une évasion. Ce n’est que le début de cette longue aventure qu’est Hades. Les plus taquins diront même que ce n’était que le tutoriel. Il faudra encore s’échapper plusieurs fois pour espérer voir la sacro «vraie fin» et «augmenter la température» en changeant les conditions de la partie. Et on se surprend à retourner inlassablement affronter les sbires du dieu de l’enfer afin de farmer tel ressource, de progresser dans une quête secondaire ou une prophétie, ou juste d’aller pêcher entre deux bastons.
Avec Hades, Supergiant Games transcende le genre du rogue-lite et nous conte une épopée incroyable, un voyage initiatique pour le héros comme pour le joueur dont on a du mal à décrocher tant il reste de choses à découvrir et tant son univers donne envie de se surpasser. Premier dans mon coeur cette année, et pour longtemps. On se revoit en enfer.