S'il y a bien un aspect que j'aime dans le jeu vidéo, c'est qu'il offre à ses joueurs une potentielle stabilité et un certain contrôle. Découvrir, échouer, recommencer, réussir. La tâche n'est pas toujours aisée pour tous, et n'est pas soumise à l'invariabilité d'un processus si bien conçu qu'il se risquerait à devenir mécanique. Nous sommes après tout autorisés à abandonner.
Il n'y a dans mon affection pour les jeux vidéos, que peu de hasard : les jeux que j'aime le plus sont ceux que je connais le mieux. J'ai donc omis un dernier élément. Après la réussite, il est bien possible que vienne le savoir. Réussir n'est pas savoir. Quiconque a déjà joué, que ce soit d'un instrument, d'un jeu de société, d'un jeu vidéo, d'un sport pourra vous le confirmer : la réussite ne garanti pas le savoir, il peut même la précéder. Ce jour de réussite, les conditions ont pu vous être favorables, une forme encore inconnue, un "déblocage", un coup de chance, l'accumulation de l'expérience, un enseignement supplémentaire... Les raisons sont nombreuses et quelques-unes parmi elles échappent bien souvent à notre attention.
Les rogue-lite sont un de ces exemples qui tendent à illustrer mon propos. Une surprise peut vous conduire à la réussite comme à l'échec, mais vous ne saviez pas avant cette rencontre. Cependant, tout joueur sérieux le concèdera : le savoir et la réussite sont capricieux, instables sans la répétition. Le hasard n'occupe encore une fois que peu de place, les jeux que j'aime le plus sont ceux dont la répétition est la plus agréable. Pourtant, lorsque l'on parle de répétition, un doute s'invite à l'échange. Répéter une action ne procure pas pour tous le même plaisir. A en recueillir les avis, j'échoue, en jouant à Hadès à trouver la répétition jouissive.
Il faut d'abord reconnaître les réussites. Hadès est un jeu qui répond magnifiquement bien dans les contrôles qu'il propose. L'avatar se meut promptement, efficacement et je n'ai jamais connu la défaite par défaillance du jeu en lui-même. Hadès propose aussi une idée claire : donner à notre personnage un peu d'air frais en le faisant s'échapper des enfers. Pour cela, quelques dieux de l'Olympe vous encouragent de leurs bienfaits : vitesse de déplacement, dégâts, résistances, malus à appliquer aux ennemis etc. Les combats, grand cœur du jeu, sont fluides et relativement aisés à lire une fois passées les premières rencontres avec vos adversaires. Hadès est également sympa avec ses joueurs : l'échec ne supprime pas toute votre progression puisque certains de vos bonus obtenus par des ressources sont conservés. Le joueur trouvera donc fatalement pour peu qu'il s'en donne le temps et les moyens le chemin de la sortie. A tout cela, Hadès offre des dialogues vraisemblables que je trouve la plupart du tempscorrects.
Seulement, vient la répétition qui éprouve tout système de jeu. Et il faut le dire, Hadès, de ce côté n'a pas été gâté. La réussite comme l'échec donne grosso modo le même résultat : votre personnage meurt, est pris par le Styx et retourne dans son royaume. Qu'est-ce qui distingue réellement la victoire de la défaite ? En réalité, pas grand chose si ce n'est votre fierté. Il y a bien tout de même un petit biscuit à se mettre sous la dent : a chaque tentative d'échappatoire les autres personnages présents dans le royaume des morts auront quelques lignes de dialogues à vous soumettre. Si vous réussissez vos évasions, "l'histoire" avancera. Cela dit, même en cas de défaite, vos relations avec les autres habitants pourront évoluer, il suffit d'apporter la bonne ressource. Avec le recul, l'idée semble bonne et offre une sensation de progression au joueur qui ne fera que mourir à répétition. Seulement... Comme dit plus tôt ces relations ne se modifient qu'au fur et à mesure de vos de fugues. Un schéma trouve alors sa place : s'évader/échouer ou réussir/parler aux personnages. A répétition, ad nauseam...
Les dialogues allant plus vers le "salut ça va quoi de neuf ?" (vous pouvez y glisser quelques révélations, disputes, romances, interrogations) que vers la tirade, votre temps sera principalement dédié au combat. Une fois n'est pas coutume, votre grand-mère qui craint de vous voir maigrichon et vous ressert alors que vous dîtes depuis 10 secondes "MERCI MAMIE" a certainement participé au développement du jeu pour vous servir des plats certes réussis, mais dont la variabilité se cantonne à un planning qui se répète de semaine en semaine. Hadès vous offre le luxe de -tenez-vous bien- 9 dieux et de 6 armes pour la totalité du jeu. Considérez que chaque dieu a sa spécificité (Poséidon vous permet de pousser/dégager vos ennemis pour les faire se cogner contre le décor, infligeant des dégâts en plus ; Artemis augmente vos chances de coups critiques ; Athéna de renvoyer ou de s'immuniser des attaques) et que chaque arme sied particulièrement bien à quelques-uns d'entre eux et vous comprendrez que certaines armes deviennent surpuissantes ou vraiment médiocres selon les dieux que vous obtiendrez et choisirez pour toute tentative d'évasion. Pour être cependant plus exact, les armes possèdent toutes 4 formes différentes -une de base accessible dès que vous obtenez l'arme en question- dont trois que vous devrez "révéler".
Autant vous le dire tout de suite, Hadès est un jeu à combinaisons qui devient vite laborieux si vous n'êtes pas en possession des bons bonus, ce qui est déjà un problème. L'autre qui vient s'ajouter, est un cruel manque de créativité. Toutes vos rebellions pour quitter les enfers suivront le même ordre : niveau 1, 2, 3 et 4. Là encore, la diversité des ennemis est assez faible, vous affronterez les mêmes boss pour chaque niveau. Oui oui, un seul est dédié par niveau, et pour amener de la variation quant aux arènes et attaques, il vous faudra ajouter des handicaps. Se déroulant en enfer, Hadès a peut être voulu nous y faire goûter, ne serait-ce qu'un peu en ajoutant des prophéties à accomplir, des pactes à rompre, des défis à relever (pour le dernier comprenez par augmentation de la difficulté par des malus), des éléments de décors à acheter. Toutes ces actions passent par la même obligation : encore et toujours combattre les mêmes ennemis pour récupérer des ressources et créer de nouvelles lignes de dialogues.
Il serait injuste de qualifier Hadès de mauvais jeu. Ses mécaniques de combats sont solides, le jeu ne manque pas de soin dans ce qu'il offre au joueur (je trouve par exemple les voix et le design des personnages réussis, du moins leur image, car les modèles en avatar ne sont pas à mon goût) et les musiques accompagnent bien ce qui se déroule à l'écran. Mais Hadès souffre à mon sens d'un manque d'ambition qui l'ampute de ses qualités. La répétition est un bon exercice quand la variété des situations le permet, mais Hadès accuse le peu de contenu intéressant et ne me provoque aucune envie de répéter des actions pour améliorer ce que je sais déjà de lui.