Alors que Bungie a grandement contribué à faire rentrer Microsoft avec force sur le marché des consoles de salon en offrant à la Xbox Halo Combat Evolved, best-seller de la console chaque année depuis la sortie du titre, il était évident qu’une suite se devait d’arriver pour battre le fer covenant tant qu’il était encore chaud. C’est un nouveau marathon pour Bungie qui restera dans les annales comme l’un des développements les plus tendus des AAA de l’époque. Le studio doublait de taille et regorgeait d’ambitions sans la coordination nécessaire entre les différentes équipes pour travailler vite et bien alors que les délais les pressaient, Microsoft ayant déjà le développement de Halo 3 en tête pour appuyer le lancement de la 360.
C’est ainsi qu’Halo 2 débarque en 2004 en ayant généré une attente en occident assez colossale, grâce aux qualités du premier opus mais aussi de par les séquences de jeu en démo très impressionnantes qui ont su masquer par miracle les difficultés de développement. C’est une attente à laquelle il répondra présent en devenant tout simplement l’un des épisodes les plus populaires de la saga et le jeu le plus vendu de sa console malgré ses difficiles conditions de développement. Voyons si je partage cet incroyable enthousiasme, quasi miraculeux, en écoutant Mjolnir Mix, ajoutant la guitare électrique aux chants devenus traditionnels de la saga, parce que pourquoi pas ?
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★☆☆
Si le maniement est fondamentalement le même que son prédécesseur, et c’est tant mieux car ce dernier était une belle réussite à l’origine et demandait simplement à être poussé plus loin, quelques nouveautés bien sympathiques sont au menu. Déjà, on a un nouveau personnage jouable et incarner un covenant ouvre quelques subtilités de maniement supplémentaires plutôt intéressantes avec le camouflage, même si ça n’en fait pas un tout nouveau jeu dans le jeu pour autant. La possibilité de jouer à deux armes, mise en avant jusque sur la jaquette, au prix du lancer de grenade dans une telle configuration, permet d’apporter un petit plus de possibilités de jeu également, d’autant que le choix est très libre dans les combinaisons d’armes avec une prolifération d’armes de poing.
L’IA, notamment alliée, a été revue à la hausse même si on s’en rend nécessairement plus compte en solo et en difficulté élevée. De nouvelles armes sont également proposées, dont certaines existantes dans l’opus précédant mais non jouables comme la célèbre épée à énergie, toujours plus de richesse propre à cette suite. Le constat est le même pour les véhicules un peu plus nombreux, avec un peu plus de commandes possibles (boosts, tonneaux…), qui constituent à nouveau un moyen efficace de renouveler les situations de jeu, avec cette fois-ci la possibilité intéressante d’aborder un véhicule aux commandes de l’ennemi ou de se faire aborder quand on est à bord de notre véhicule. De la même manière, les ennemis sont plus variés et un même type d’ennemis est décliné en plus de versions différentes selon son armement.
Bon après, tous les ajouts ne sont pas des réussites, à l’image des boss. Absents de la saga jusqu’à cet épisode, ils peuvent être assez frustrants avec une même boucle de jeu répétée tellement longtemps qu’on se demande si on fait bien la bonne action alors que c’est la bonne, ou des mécaniques qui une fois comprises à force d’expérimentations permettent de se défaire de l’ennemi 10 secondes après le début du combat… La maîtrise est loin d’être absolue, sans doute liée aux problématiques du développement, et c’est pour ce genre de défaut que je reconnais le gameplay de Halo très efficace mais pas non plus extra-ordinaire.
La courbe de difficulté a vu ses extrêmes s’éloigner avec des aspects un plus modernes et simplifiés d’une part, comme la barre de vie qui maintenant se régénère automatiquement, et une vulnérabilité plus importante aux tirs adverses pour un même mode de difficulté entre le premier et ce second opus d’autre part. Ce rééquilibrage plus expéditif rend les combats plus nerveux mais les morts plus nombreuses et frustrantes par conséquent, un choix qui trouvera ses rétracteurs dont je ne ferais pas spécialement partie, ce n’est pas ma philosophie de jeu préférée pour cette saga mais je m’en accommode bien malgré tout.
Les espaces de jeu en extérieur sont moins ouverts qu’avant et ça me va parfaitement bien, ça rythme davantage la campagne et limite les risques de se perdre bêtement en se demandant tout simplement où est la suite de l’aventure. Le contenu global est plus conséquent mais aussi, et surtout, mieux réparti avec l’abandon du parti pris d’aller-retours dans ces environnements gigantesques qui avaient déjà tendance à recycler une même zone avec quelques variations de level-design à peine notables, là c’est bien plus maîtrisé et agréable.
Concernant la générosité du contenu, si l’aventure solo est toujours d’une dizaine d’heures, soit la norme, je dois bien évidemment mentionner le célèbre mode multijoueur du titre qui fut un succès phénoménal et qui a eu un énorme impact sur la démocratisation du multijoueur en ligne en cette fin de 6ème génération de consoles. Le matchmaking très bien équilibré avec le système de rangs, la possibilité de constituer des groupes d’amis de façon intuitive, la personnalisation esthétique très poussée de la skin, la liberté de jouer la faction traditionnellement ennemie… étaient encore assez avant-gardistes, même si je n’ai personnellement pas eu la chance de connaître ce phénomène à l’époque. Et si gameplay et contenu ont su répondre si bien aux attentes, il en est de même pour réalisation et esthétisme.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆
Profitant déjà d’une solide réalisation pour porter sa console, le premier Halo avait placé la barre haut pour cette suite qui se devait de s’inscrire parmi les plus ambitieuses productions de la machine, ce qui est bien le cas. Sur à peu près tous les aspects techniques possibles pour son genre et son époque, nombre d’effets de particules, degré et fréquence d’utilisation du moteur physique, décomposition des animations, niveau de détails des textures, stabilité de l’ensemble… la réalisation d’Halo 2 est du très haut niveau que l’on pouvait en attendre.
L’un des axes d’amélioration principaux de cet épisode sur son prédécesseur à mon sens est l’enchaînement de panoramas à couper le souffle dans des registres assez différents les uns des autres et c’est une très belle réussite. C’est d’autant plus impressionnant que ces décors comprennent également plus d’éléments destructibles, même si le premier opus faisait déjà quelques efforts sur la question. Il y a bien quelques recyclages d’environnements sur certains niveaux enchaînant des pièces construites à l’identique, mais c’est très secondaire et je ne vais pas cracher dans la soupe pour si peu.
La mise en scène des cinématiques a beaucoup évolué également, les angles de caméra permettant de renforcer les rapports d’échelle, le montage avec le plan d’un personnage franchissant une porte suivi par le plan d’un autre personnage venant d’en franchir une autre… A une époque où ce n’était absolument pas la norme, même pour les plus grosses productions de l’industrie, tout est plus cinématographique et au service d’une histoire plus ambitieuse qu’auparavant, ambitieuse ne voulant d’ailleurs pas dire nécessairement meilleure, mais ça on y reviendra en temps voulu.
Quelques nouveaux designs sont au programme avec notamment l’arrivée des brutes et d’une nouvelle arme emblématique avec le marteau antigravité, ce qui enrichit un peu plus l’univers visuel de la franchise, même si très clairement la plupart des bases esthétiques étaient posées dès le premier épisode avec le concept même de Halo, les designs des technologies covenants… Halo 2 en reprend une très large partie, à l’image de l’armure du Master Chief moins brillante et plus détaillée mais tout de même très similaire. Comme c’était tellement bien fait dès le premier épisode, je ne vais pas lui en vouloir, d’autant qu’on est encore sur la même génération de consoles. Il est ainsi très logique que la direction artistique de Halo 2 soit plus dans la continuité que dans la révolution.
L’OST, toujours composée par Martin O'Donnell et Michael Salvatori, est toute aussi efficace que sur le précédent épisode avec les chants appuyant les moments de mélancolie avec une très belle intensité alors que les thèmes plus énergiques fonctionneront très bien pour accompagner les combats. Je dois tout de même avouer que les choix instrumentaux ne seront pas toujours en accord avec mes goûts personnels, ceux-ci étant différents du premier opus de par les collaborations avec d’autres artistes attirés par le succès du premier jeu. Le mixage audio reste également perfectible, ce que j’ai toujours du mal à comprendre pour un AAA de ce calibre, entre le fusil à pompe à la puissance sonore inférieure à celle d’un pistolet à bille et la tourelle lourde du Warthog qui fait moins de bruit que le fusil mitrailleur d’un soldat à côté... ça nuit un peu aux sensations de jeu tout de même. Mais les principaux reproches que je formulerai à Halo 2 sont encore à venir malheureusement.
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★☆☆☆☆
Bien que le premier épisode n’a pas été pensé à l’origine pour avoir une suite directe, c’est le choix opéré par Halo 2 qui commence son récit par les conséquences immédiates de la fin de Halo 1 et après une introduction des plus originales, puisqu’elle nous fait vivre le procès d’un covenant par les siens. Si l’on commence par suivre manette en mains les aventures du Masterchief qui se veut toujours aussi peu bavard que badass face à une foule de méchants Aliens, les choses vont rapidement se complexifier. Déjà, l’une des grandes différences avec le récit premier c’est que la campagne alterne des chapitres aux commandes du Masterchief, et d’autres aux commandes du Covenant jugé.
Découvrir l’histoire depuis la perspective des covenants est une excellente idée pour diversifier les biais de narration et enrichir le propos. Eux qui étaient jusqu’ici des vilains Aliens à massacrer parmi d’autres, deviennent une faction à part entière pour laquelle il nous est possible de prendre parti, le manichéisme du récit en est grandement atténué sur le papier. Néanmoins, concrètement c’est un peu moins le cas tant les échanges entre covenants et humains seront rares, alliés de circonstance très brusquement et sans réelles exploitations de l’idée de base, l’Arbiter n’a pas une personnalité très développée ou différente de celle du Major...
Les deux campagnes semblent assez souvent déconnectées l’une de l’autre, même pour des effets de style comme lorsque le montage fait que les cérémonies concernant les 2 protagonistes semblent se répondre mutuellement dans l’introduction, un excellent effet qui n’est quasiment jamais reproduit dans le reste du jeu. Ce n’est pas non plus sur l’extension de son univers qu’il m’aura le plus convaincu. En effet, profitant de contexte de science-fiction en construction, des questions de fond comme l’obscurantisme religieux sont abordés mais ça reste assez basique. Quant à ce qu’apporte la nouvelle faction des brutes introduite par cet épisode, ce n’est pas assez développé pour réellement me passionner à ce niveau-là de la saga.
Le flood est également de retour avec encore un peu plus de développement scénaristique et de promesses avec cette fois-ci le leader de cette faction en la personne, si on peut dire, du fossoyeur, qui constitue un antagoniste des plus glauques, parfaitement en accord avec l’idée qu’on pouvait s’en faire, sauf qu’encore une fois ce n’est pas abouti. Quasiment rien n’est expliqué quant à ses motivations, presque aucun niveau de relecture n’est apporté aux passages concernant cette faction… et quand j’ai appris qu’une grande partie de ces apparitions a été mise au rebut lors de l’accélération du développement du jeu, ayant coupé bien des chapitres initialement envisagés et écrits, je n’en ai pas été étonné. L’univers s’enrichit avec cet épisode mais trop lentement et de manière trop dispersée à mon goût.
Ce que j’ai préféré dans ce scénario c’est en fait ce qu’on avait déjà dans le premier épisode avec Cortana qui est toujours présente et réussie pour sa complémentarité avec le Masterchief qui ne réfléchit pas autant qu’il combat. Ses sarcasmes feront toujours mouche et ajouteront en grande partie l’aspect divertissant du récit avec une bonne complicité entre les 2 personnages, plutôt pertinent pour un jeu visant autant le grand public. De la même manière, la multitude de répliques concises et cinglantes est peut-être plus développée et soutenue par un casting vocal en VO de grande qualité, ça reste une force qui était déjà bien présente dans le premier épisode.
La fin en queue de poisson, totalement assumée par le jeu qui se termine sur les répliques « tant de questions sans réponses, vous y répondrez tout de même ? » est là aussi due à un manque de temps pour développer tout ce qui était prévu et à la pression de Microsoft pour sortir Halo 2 avant que l’attention ne soit portée sur la prochaine génération de consoles qu’ils initieraient un an plus tard. C’est un choix commercial très compréhensible mais qui fait un peu tâche pour ce scénario incomplet qui en devient moins abouti à mes yeux que celui du premier Halo, mais ça ne suffira pas pour faire oublier les qualités précédentes.
CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆
Réussissant à enrichir un gameplay déjà très efficace avec une multitude de petits ajouts pertinents, à porter un cran au-dessus sa réalisation de haute volée aux airs cinématographiques bluffantes, à s’inscrire dans l’excellente continuité artistique de la saga tout y apportant sa pierre à l’édifice… Halo 2 serait un excellent jeu pour moi s’il avait mieux géré ses ajouts scénaristiques et n’avait pas subi une fin de développement précipitée l’ayant amputé d’au moins un tiers de son contenu d’après les développeurs eux-mêmes. Son important succès reste mérité et ça reste en soit l’un des meilleurs FPS de sa génération et l’un des meilleurs titres de sa console.