Je déteste les meubles Ikea. Leurs manuels d'installation seraient soi-disant accessibles, même pour un gosse de six ans qui passe ses aprés-midis aux Legos peut monter les commodes du fabricant suédois. Toujours est-il que je passe plus mon temps à trouver le bon morceau de bois à enfoncer dans le trou mal creusé plutôt qu'à choisir quel bouquin ou DVD je vais placer sur ma future bibliothèque.
Ce sentiment de désarroi, je l'ai vécu au moment où j'ai terminé Hard Reset. Développé par Flying Wild Hog, ce jeu nous plonge dans un monde dystopique, plus précisément dans la ville de Bezoar, où les augmentations fabriquées par Sarif Industries et le soma ont visiblement la cote. Rappliqué pour une simple mission de nettoyage façon FPS, le major Fletcher va découvrir ce qui se terre dans les laboratoires sordides du professeur Novak.
Dès lors, le joueur assiste à des cutscenes à l'aspect comics avant d'armer son fusil ultra-carré pour casser du bot. Chaque tué rapporte quelques points d'expérience pour acheter de nouvelles augmentations (améliorations des armes conventionnelles, armes futuristes et résistance physique), mais il faudra explorer les moindres recoins pour grapiller les plus grosses caisses. Les petits développeurs polonais ont ici pratiqué le bon vieil adage des joueurs expérimentés : tout ce qui tient debout en face ne doit plus l'être. Par conséquent, les décors partiellement destructibles et les appareils électroniques figurent aussi souvent que les barils rouges dans Half-Life² (probablement le même auteur des faits, cf. Concerned : la tragédie de Gordon Frohman), pour le plaisir de vider son chargeur sur tout ce qui bouge.
De l'aspect old-school retient-on également la difficulté fortement dosée : au-delà du mode Normal, où on se promène allègrement, les méchas dévorent les points de santé en quelques secondes. Aucune sauvegarde manuelle pour sauver ses fesses après une longue bataille dans les rues mal famées de Bezoar, il faudra passer encore une ou deux phases d'attaque avant de parvenir au prochain checkpoint. Ainsi vaut-il mieux débloquer le lance-roquettes dès que possible afin de lutter convenablement les ennemis car le fusil de base n'offre aucun avantage à être amélioré, même les plus petits robots résistent fièrement aux salves désespérées du joueur qui a détruit la moitié de la ville.
Cependant, Hard Reset est criblé de lacunes. Le scénario, tout d'abord, qui se targue d'un langage fielleux (NB : ne pas faire le jeu à boire avec le mot "fuck") et de dessins façon comics, sensé refléter une ambiance cyberpunk crasseuse. Les traits sont moches, voire incompréhensibles. Le major Fletcher apparaît comme rasé sur la couverture du jeu, tandis que dans les cutscenes, sa coupe est plus touffue. Les combats animés et les dialogues frisent le ridicule, le point d'orgue étant la rencontre avec le professeur Novak.
Par ailleurs, le design dans l'ensemble s'avère être paresseux : les robots et androïdes se ressemblent tous (l'ultime insulte est le boss final du DLC Exile, une bétonnière géante), les décors quasiment peu imaginatifs, l'armement déplorable (seul le smartgun sort du lot). Les limites du thème old-school se heurtent dès l'entame du jeu où l'on apprend que Fletcher ne peut tout simplement pas se baisser. Impossible donc de jouer les ahuris sur les bordures des bâtiments en pratiquant le saut accroupi ni en essayant le bunnyjump pour esquiver les gorilles mécanisés qui nous foncent dessus.
Bridé par de tels désagréments, le gameplay advient être très répétitif et ne suscite aucune curiosité à reparcourir les niveaux pour rechercher les secrets oubliés lors du parcours. Etrangement, l'aventure se termine en moins de huit heures, DLC inclus. Dès lors, on reste pantois devant la scène finale, où le major Fletcher monte à bord d'un hélicoptère pour échapper des griffes mécaniques des ennemis. Comme si, au milieu de leur aventure, les héros décident de faire un gros bras d'honneur au joueur et de se barrer aux îles Caraïbes avec Kane & Lynch.
De fait, Hard Reset apparait comme une histoire bâclée, au gameplay irritant par la pauvreté du résultat de nos efforts fournis. Même si les sensations de puissance sont relativement plaisants par moments (les deux premiers boss offrent un peu de jouissance), l'ensemble s'écroule lamentablement, comme si les développeurs avaient mal interprété leur manuel Ikea.