C'est avec cet opus qu'Eidos marque une scission dans la série des Hitman. Un virage principalement amorcé au niveau du déroulement du jeu, l'infiltration restant l'élément n°1 du gameplay. Et si on commençait par parler de cette dernière ?


La discrétion est toujours au centre du jeu mais elle a significativement évolué par rapport aux précédents opus. Il faut souligner ce changement en le nuançant entre ce que ça apporte de bien et de mauvais. De manière générale, j'ai été assez déçu par cet aspect, non pas qu'il soit moins présent, c'est presque le contraire. Dans cet épisode, l'infiltration se résumera assez souvent à se cacher en usant d'un système de couverture flexible et complet ; on peut remplir la plupart des objectifs uniquement en se faufilant dans l'environnement sans se faire repérer. Trop d'infiltration tue l’infiltration. L'héritage de la série est bien évidemment encore là, le système tant envié des déguisements subsistant, mais ce dernier se veut peut-être trop réaliste. On se fera vite repérer par des gardes qui portent la même tenue que nous : le fait qu'on leur paraisse suspicieux est tangible vu que la tête chauve et le visage fermé de 47 ne leur disent rien, mais le but d'un camouflage n'est-il pas de passer inaperçu au milieu de personnes qui sont habillées comme nous ? Je trouve qu'Eidos sont allés un peu trop loin avec ce système très pointu. Il nous reste cependant l'option de s'habiller autrement ou avec des costumes uniques qui permettent une intrusion plus facile.
L'autre chose que je constate, c'est le manque de variété pour aboutir à la mort des cibles, et ceci est lié au level-design des niveaux moins ouvert que dans les précédents Hitman, où l'on avait un petit panel de possibilités pour tuer nos targets. Ici on aura droit le plus souvent à une ou deux méthodes d'assassinat discret, réalisées grâce à 2-3 actions dans le niveau, en plus de la mort brutale du bourrin. Dans les anciens opus, Diana nous faisait un briefing, on partait d'un point A et on devait se débrouiller tout seul pour parvenir à l'élimination de la cible. Absolution change la donne, les missions sont bien découpées et ce morcellement se fait au travers de plusieurs sous-missions et checkpoints à activer. Libre à chacun d'avoir sa préférence envers ce fractionnement ou non, moi ça ne m'a pas plus dérangé que ça. Ce qui m'a un peu irrité par contre, c'est la suppression totale de la gestion de l'inventaire, de l'achat d'armes et de la préparation des missions. Notre tueur à gages démarre toujours uniquement avec ses chères Silberballers et une corde de piano. Où est passé l'aspect personnalisation d'antan ?

Parlons rapidement de l'action. Bon point ici, ça a été enrichi et rendu plus souple qu'auparavant. Code 47 a un panel de mouvements plus étendu et se déplace très facilement, la couverture à la Gears rend plus crédibles les affrontements directs, en plus d'un mode réflexe qui permet de locker plusieurs cibles et de les tuer rapidement. Il se débrouille toujours très bien au corps-à-corps avec des mini-QTE pour maîtriser autrui. Mais quelque chose vient casser cette réussite : l'Instinct, sorte de pouvoir surhumain que possède 47, qui lui permet d'analyser l'environnement en mettant en évidence les objets ou endroits clés, ou de passer des lieux sans être détectés. Merci au public actuel qui a forcé Eidos à créer ce système dénaturant le credo de l’infiltration en rendant victime de l'assistanat une nouvelle saga du jeu vidéo.


En dehors de ça, le jeu rompt avec le passé au niveau de l'avancement de la trame.
Contrat n°1, cible X ; contrat n°2, cible Y, etc : voilà ce qu'étaient grosso modo les anciens Hitman. Peu de lien direct entre les missions, et très peu de scénarisation (sauf pour Blood Money). Absolution balaye cet assemblage en s'investiguant autour d'une intrigue globale qui sera suivie tout au long du jeu. Le jeu débute avec un contrat pour 47 donné par son organisation, l'Agence, et ce dernier est de tuer Diana, la correspondante de notre héros qui l'a accompagné depuis le début de la saga en 2000. Elle doit être éliminée pour trahison envers l'Agence, hors 47 a toujours eu un rapport plus personnel avec cette femme, et il s'avère en plus qu'elle protégeait une certaine Victoria, victime d'expérimentations et vouée à l'assassinat de cibles, rappelant le passé de 47. C'est de là que débute l'histoire, qui va se résumer tout simplement à retrouver Victoria pour la sauver des mauvaises mains dans lesquelles elle passera. En découle une mise en scène très poussée, avec des cutscenes entre chacune des 20 missions. La patte de l'éditeur, Square Enix ? Peut-être. En tout cas, c'est appréciable là où dans les anciens Hitman, une fois la cible 22 éliminée, on passait directement et froidement à la mission de la cible 23, et rarement avec un lien cohérent explicite. Les cinématiques jouissent parfois même de superbes plans empruntant directement à des ténors du monde du cinéma. Mais hélas, elles servent une histoire qui n'atteint pas le stade du tangible, et c'est en voyant toute cette accumulation de clichés scénaristiques qu'on peut se demander s'il n'est pas plus amusant de considérer la trame au second degré. Le côté plus humaniste donné à 47 ne surprend pas trop compte tenu de la teinte plus personnelle tout au long de l'histoire.


Côté technique, j'ai peu de choses à redire. On ne demande pas à un jeu d'infiltration d'être un maître de la technique, mais Hitman Absolution s'en sort plutôt bien. Les textures ne sont pas baveuses et le rendu global (sur PC en Ultra) est techniquement propre et très fluide. Très peu de bugs graphiques à constater, une gestion de la lumière appréciable et surtout celle de la foule, plutôt cohérente dans certaines missions aux environnements remplis de monde. En revanche, côté sonore, malgré des bruitages et des voix toujours travaillés, l'absence de Jesper Kyd au gouvernail des musiques se fait fortement ressentir ; il y a moins de thèmes marquants et réellement musicaux qu'avant, pour plus de sons d'ambiance (ce qui n'est pas négatif en soi). Pour finir, quid du contenu ? 20 missions, mais attention, un bon tiers de ces missions sont soit des séquences de cinématique transformée en phase jouable, qui se finissent en quelques minutes, ou alors des moments scriptés d'évasion ou de fuite, à mille lieux des vastes missions d'infiltration qu'il y a à côté. Tout ceci ne décrédite fort heureusement pas la durée de vie, qui dépend quant à elle fortement du mode de jeu (en difficulté max, il y a du challenge et on ne compte plus les heures de jeu). S'ajoute à la trame principale le mode Contrat qui offre aux joueurs la possibilité de choisir des niveaux et d'y mettre des cibles. Je l'ai peu testé mais il me semblait assez limité, à voir si sur PC les choix seront enrichis grâce au tweaking.

Il fallait faire une décision : continuer sur des codes bien établis dans la série ou changer d'orientation. Eidos a fait le choix numéro 2, et le jugement est sans appel : le jeu ne côtoie jamais le chef d'oeuvre ou l'infâme raté, il est à mi-chemin entre bon jeu et déception. Les affinités des joueurs sillonneront le plus souvent entre ces deux avis.
Hanouk
6
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le 1 sept. 2013

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