J’en reste le souffle coupé.


Dans chaque génération de jeu vidéo, une œuvre sort toujours du lot et est donc offerte comme exclusivité à l’achat de la console. L’on se souvient de The Last of Us qui a eu sa petite réputation, même si j’ai moins apprécié le jeu que les autres. Cette année est arrivée un jeu annoncé depuis longtemps. Si on se replace dans le contexte, cette nouvelle génération se veut puissante, impressionnante : exit les FPS répétitifs cernés d’interminables couloirs, place à de gigantesques mondes ouverts où on nous assaille de quêtes comme de paysages à explorer.


Ainsi donc, Horizon Zero Dawn pouvait s’annoncer comme un RPG « lambda ». Les apparences se sont heureusement avérées trompeuses : certes, il prêche parfois par son manque d’originalité (les séquences d’escalades rappellent forcément Assassin’s Creed tandis que la gestion des armes et potions à utiliser contre certains types d’ennemis se rapportent inévitablement à The Witcher), mais il parvient à exceller sur presque tous les points tant il maîtrise son domaine.


Ce qui frappe d’emblée, c’est la beauté esthétique et artistique de cette œuvre. Juste… waouw ! Horizon Zero Dawn incarne à merveille l’héritage de quarante-cinq ans de jeux vidéos. Au-delà de la prouesse graphique, ce jeu étale des panoramas fantasmagoriques : on voyage d’immenses plaines aux bois denses jusqu’à des montagnes immaculées de névé, passant par des jungles humides et des déserts encore riches de verdure. Chaque paysage s’emboîte avec cohérence, je n’ai ressenti aucune sensation, contrairement à d’autres jeux de rôle, de faire face à un monde créé artificiellement, parsemés de biomes tout préparés (ce qui est un peu ironique en connaissant le scénario). Certains panoramas se méprennent à des peintures tant la gestion des couleurs (de de l’orange au smaragdin, même le gris est éclatant) ainsi que le jeu de lumières assure de se pâmer devant l’effort fourni. Quiconque ose encore affirmer que les jeux vidéos ne sont que des divertissements sans âme se fourvoie.


Mais il ne s’agit pas d’une beauté vide à l’instar d’un FF13, loin s’en faut. C’est un monde riche qui offre une exploration sans précédent, un véritable voyage initiatique au travers de peuples et de culture variées. L’ennui n’effleure jamais le voyage (je me suis même surpris à modérer mon utilisation de voyages rapides !) parce que des zones exposent toujours des merveilles, parce que tout se déploie sans limite et sans se répéter. Quel bonheur de fouler les terres des Noras avant de frôler le territoire Banuk puis découvrir celui des Carjas, tout en croisant des Oserams. Ces graphismes somptueux desservent le jeu et garantissent l’immersion totale : plutôt qu’un élément séparé, ils peaufinent l’œuvre, forgent son identité.


D’aucuns craignaient que Horizon Zero Dawn s’apparente à un de ces RPG modernes où les dizaines d’heures de jeu signifient un remplissage forcé avec des quêtes superflues et une quête principale servant uniquement de prétexte. Là encore, la vérité s’est montrée bien plus généreuse, privilégiant la qualité à la quantité. On trouve bien sûr des creusets à fouiller et des camps de bandit à nettoyer, mais je ne suis jamais senti oppressé par le nombre de missions. Ma liberté de choix, de chemin, est demeurée la priorité tout le jeu durant, sans contrainte ni artifice. Cinquante bonnes heures m’ont été nécessaires pour achever l’histoire, une durée qui, en plus d’être raisonnable, atteint l’équilibre idéal.


De manière générale, les quêtes secondaires sont prenantes, surtout grâce à des personnages secondaires vivants et travaillés. Après avoir complété Mass Effect et The Witcher, j’avais quelques appréhensions quant aux personnages peuplant les RPG : se contenteraient-ils d’exister pour refiler des quêtes ou auraient-ils une identité propre ? À mon bonheur, la réponse fut la deuxième. Quelques personnages manquent un peu d’originalité, je pense par exemple à Rost qui ne s’extirpe jamais de son rôle de simple mentor alors qu’il y avait moyen, ou encore aux méchants sans personnalité juste motivés par leur victoire. Erend est sympathique et très humain entre ses défauts et ses qualités tandis qu’Avad offre une vision de dirigeant bien distincte de ce qu’on rencontre habituellement, doté d’un progressisme tout à fait bienvenu. Se distinguent également Talanah par sa bravoure ainsi que Petra par sa joie de vivre, sans oublier l’énigmatique Sylens. Et que dire sur l’héroïne ? Aloy est une protagoniste vraiment attachante, je n’ai eu aucun mal à m’attacher à elle. J’ai vécu l’aventure à travers ses yeux. Combattre, suer, grimper, morfler, pleurer… Elle contribue énormément à la qualité du jeu.


La quête principale, justement ! Allait-elle ressembler plus à celle de Skyrim qui sert juste de prétexte ou à celle de The Witcher qui réserve émotion et profondeur ? Horizon Zero Dawn a préféré le second choix comme je l’avais souhaité. Outre sa longueur généreuse (15 à 20 heures par rapport aux 50 heures totales), elle offre moult rebondissements ainsi qu’une variété d’affrontements épiques. Deux minuscules bémols : premièrement, un bon tiers de la quête principale nous noie d’hologrammes et d’enregistrements audio (ce qui était un peu obligé), deuxièmement, j’ai passé tellement de temps à tout explorer que j’avais déjà atteint le niveau maximum alors qu’il me restait sept ou huit quêtes. En revanche, scénaristiquement parlant, Horizon Zero Dawn se révèle d’une très bonne écriture :


La quête principale se centre sur les origines d’Aloy et la façon dont l’apocalypse est survenue. Les récits post-apocalyptiques et d’extinction de l’humanité ne manquent pas donc on aurait pu redouter quelques poncifs inhérents aux genres. Ils ont été habilement évités, d’une part grâce à une dispersion des informations (les projecteurs offrent par exemple une vision déchirant de la fin de la civilisation sans être liée à ses causes) et d’autre part grâce à un léger écartement de l’habituel scénario : les humains ont voulu créer des robots pour se simplifier la vie, les robots les ont massacrés en devenant intelligents. La multiplication de points de vue permet de s’attacher à ces personnages décédés depuis longtemps (comme Elisabeth Sobeck) et d’appréhender la problématique sous plusieurs angles. Quelle stupéfaction de découvrir que les robots ennemis ne sont pas ceux ayant engendrés l’apocalypse mais ceux qui ont recréé la vie, tandis qu’Aloy passe du statut de « sans mère » à « deux mères ». Volontairement ou non, j’ai aussi repéré, un point de vue marginal a été évoqué par rapport aux progrès technologiques. Le savoir est considéré comme source de l’apocalypse alors que l’ignorance est associée à la pureté et l’innocence. La réalité a prouvé que le mal naissait des deux, et à chaque fois des bonnes intentions.


Tout est donc rassemblé pour une expérience vidéoludique inoubliable. En sus du scénario et des graphismes qui combinent la forme et le fond, Horizon Zero Dawn ne néglige pas ce qui définit un jeu vidéo : le gameplay. Et je crois que j’ai rarement joué à un jeu où la difficulté a été aussi bien dosée. La partie est loin d’être une promenade de santé : les machines peuvent surgir par surprise et infliger des lourds dégâts, et les vaincre plus aisément requiert d’utiliser la bonne arme au bon moment. L’aspect « survie » est souligné par la possibilité de sauvegarde uniquement présente dans les feux de camp (quoique assez rapprochés) et la collecte de ressources impératives pour le soin et la fabrication d’objets, ce qui est en parfaite cohérence avec l’atmosphère en plus d’inciter le joueur à se plonger davantage dans ce merveilleux monde. Jamais je n’ai ressenti un sentiment de frustration : un peu d’ingéniosité et on évite de mourir en boucle sur les mêmes ennemis. Ni trop facile, ni trop difficile !


Les meilleurs ingrédients sont réunis et savamment assemblés pour un plat des plus savoureux. Horizon Zero Dawn constitue l’une de mes meilleures expériences en jeu vidéo après plus de quinze dans le milieu. Il atteint presque la quintessence, le jeu ultime… le chef d’œuvre.

Créée

le 29 oct. 2017

Critique lue 118 fois

Saidor

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