Fear and Loathing in Miami Vice
19H. Le temps dehors est extrêmement maussade, la nuit tombe plus vite que son ombre, la fatigue aussi. L'appel à la paresse débarque sans invitation.
Soudain, au coin de mon regard, un écran se met en route. Pas de neige monochrome épuisante, mais une faible lueur rose néon, tachetée de sang. En m'approchant du moniteur, je lis cette étrange invitation :
"L'heure a sonné."
Le filtre rose fluo éclate à ma figure. Un nouveau message apparaît, accompagné d'une musique jazzy. Hotline Miami. Ça sonne comme une agence de téléphone rose. Pas de numéro, seulement une touche Entrée à écraser de son index.
Dès lors, une spirale temporelle enveloppe mon corps et me transporte vingt ans en arrière. Me voici devant une borne arcade aux couleurs pimpantes. Pas de pièces à insérer, juste mon accord à plonger dans un univers parallèle. J'ai l'impression d'être Alice, pourchassant le lapin blanc et sa montre, en me glissant dans ton terrier chaud et humide.
Les bases de ce jeu semblent simplistes : une main pour bouger et viser, l'autre pour cogner, tirer et exécuter. Je gobe les premiers niveaux sans difficulté, j'alterne mes accoutrements d'animaux, du porc au tigre en passant par la girafe. J'aime aussi changer d'arme. A vrai dire, je préfère user de mes poings pour foutre à terrer les mafieux russes de seconde zone. Leur couper la tête à coups de basket lorsqu'ils sont au sol, c'est mon dada. Peu à peu, on m'offre la possibilité de varier les plaisirs. D'une position de missionnaire, je peux désormais essayer la double pénétration au fusil à pompe et le bukkake au couteau.
Pourtant, l'exigence devient peu à peu la règle. Il faut être rapide, efficace et imaginatif. Combiner un arrachage de mâchoire à la batte de base-ball, puis assommer un type en poussant violemment la porte pour finir par l'éclater au pied-de-biche, c'est synonyme de points supplémentaires, permettant ensuite de déverrouiller de nouvelles armes et des masques d'animaux. Les ennemis ne se laissent pas faire et ce sont d'excellents tireurs, ces fumiers.
Cette ambiance décalée me promène à travers l'imaginaire d'un Miami fin années 80, bourré de références aux films d'époque et aux clins d'oeil aux jeux d'aujourd'hui tels que Hitman, Driver, Manhunt. Les concepteurs ont même le culot d'assembler le design en 2D, qui envoie ad patres toutes ces grosses productions qui font de la surenchère en trois dimensions. Mieux, c'est une version Virtual Boy qui s'est échappée de l'espace-temps pour tomber entre nos mains en 2012.
Hotline Miami est la meilleure chose qu'il puisse arriver pour les dix ans de GTA : Vice City. Un retour aux sources, associé à une musique nu-disco dantesque, pour fêter dignement une fin du monde qui n'aura pas lieu ici, mais en 1989.
Oubliez les rails de coke, ouvrez les pages jaunes à la lettre H.