Un écran titre en russe, un synthé tout droit sorti des années 80 et des lumières flashy et fluos qui font palpiter votre rétine, vous venez d’allumer Hotline Miami et avez mis le doigt dans l’un des jeux les plus addictif de ces dernières années. Car Hotline Miami est un de ces jeux où on part pour une petite partie et dont on ressort trois heures plus tard un peu lessivé mais un peu obsédé aussi par cette transe de sang pixelisé, de néon fluo et de musique électro entêtante. Si vous suivez un peu l’actu jeux vidéo, il est probable que vous ayez déjà entendu parler de cette ovni. Mais pour les autres, petite séance de rattrapage dans un tourbillon hypnotique « so eighties ».
Plutôt difficile de résumer Hotline Miami mais pour essayer de faire simple, le jeu est un "shoot’em up" où on a une vue plongeante sur le personnage qu’on incarne. L’histoire du jeu est plutôt brumeuse et chacun peut y aller de son interprétation. Mais l'élément de base c'est que vous incarnez un type à priori lambda qui a la fâcheuse tendance à faire des carnages dès qu'il reçoit un coup de fil qui lui propose des tâches aussi simple qu'aller chercher un colis à telle adresse ou garder des enfants. C’est alors le point de départ d'une vingtaine de niveaux ultra-nerveux où vous devrez tuer tous les ennemis de la carte, aidé par une tripoté d’armes et de masques qu'on trouvent au fil des niveaux et qui apportent divers bonus ou malus. Le gameplay est extrêmement bien huilé et en quelques niveaux on prend ses marques au sein d’un jeu relativement exigeant, étant donné que la moindre touchette vous conduit à recommencer la pièce du début. Et c’est là que le piège se referme car la mort arrive très vite, tout autant que la résurrection qui intervient dans la seconde, ce qui permet de créer un flux ininterrompu de jeu. Autrement dis, pas le temps de se reposer et, combiné aux couleurs stimulantes et à la musique répétitive, tout est fait pour vous faire rentrer dans un état quasi-second, le nirvana du joueur, le flow.
Le flow qu’est ce que c’est ? Et bien selon Mihaly Csikszentmihalyi dans Flow : The Psychology of Optimal experience, c’est ce moment où, en jouant, le temps se distord, on perd la conscience de soi et le jeux devient réellement un prolongement de soi-même. On ne joue plus par le biais d’une interface mais on fait corps avec le jeu. Le flow est un état compliqué à créer chez le joueur car le game-designer doit créer une difficulté stimulante c’est à dire ni trop facile, ce qui impliquerait l’ennui, mais pas non plus dur au point d’en être frustrant. Cet aspect, Hotline Miami le gère grâce à son rythme qui ne faiblit jamais, ce qui créer chez le joueur une tension permanente qui ne laisse pas le temps à la frustration de pointer son nez. Durant le Flow, on accède à un sentiment de contrôle total et un stade d’hyper concentration qui constitue un peu l’orgasme vidéo-ludique. Si vous voulez en savoir plus, autant vous reporter à la thèse de Jenova Chen facilement trouvable sur internet.
Si mes histoires d’orgasmes ne vous ont pas encore au moins rendu curieux, le jeu a néanmoins d’autres atouts dans sa manche, comme un univers visuellement riche étant comme un concentré des années 80 se référençant par exemple à l’univers de Drive ou rappelant le délire Kung Fury plus récemment. Artistiquement, le jeux est une vraie réussite, empruntant au style très en vogue du "pixel art" mais qui est ici plus qu’un effet de manche à la mode. Déjà le jeu se déroule dans les années 80 et a une ambiance vintage que le pixel art renforce. Ensuite, il est plutôt très violent et ces graphismes combinés au travail de stylisation créent une quasi-abstraction visuelle qui à mesure où l’on progresse devient un dédale de néon sensoriel qui évite la boucherie graphique frontale. On peut aussi citer une histoire cryptique et glauque qui emprunte à Lynch (les hommes masqués auraient bien leur place dans la "red room") et qui par instance interroge le joueur sur la violence en lui rappelant qu'il tue, ce qu’il a tendance à oublier au fur et à mesure que le flow grimpe chez lui, ce qui crée un malaise assez intelligent. Pour finir, comment ne pas revenir sur une bande original qui, si vous aimez un peu l’électro est un délice de tous les instants et que vous pourrez écouter en boucle tout en ressortant votre synthétiseur qui prend la poussière au grenier. Le jeu est sorti à peu près sur tous les supports et pour pas cher, c’est un trip qui vous durera un petit moment et qui ne vous laissera pas indemne. Qui plus est, une suite est sortie, mais on verra ça plus tard. Allô ? Quoi un babysitting à faire ? J’arrive. Musique. Let’s Dance.