Hotline Miami premier du nom était une véritable surprise ; à la base un jeu sans prétention, il s'agissait en fait d'un jeu très équilibré. Le gameplay était bien étudié, le jeu poussait à enchaîner les niveaux sans se soucier des échecs. Le dead and retry était bien contrebalancé, on motivait le joueur à recommencer avec une musique appropriée (l'OST était excellente en tant que telle, mais elle collait aussi très bien à l'action avec un sound design de qualité), beaucoup d'effets graphiques qui faisaient plaisir à l'oeil et un compteur de score qu'on poussait à faire exploser avec de gros combos.
Mais en plus de son gameplay, le jeu était assez profond et traitait assez bien la mode intemporelle de tuer plein de mobs dans un jeu vidéo. Sans annoncer de quoi il en retournait, le jeu laissait au joueur tirer ses propres conclusions ; même si les développeurs lui faisaient quand même assez la morale dans la vraie fin du jeu.
Le tout était entouré d'une ambiance sympathique à la Drive, ce qui faisait que le jeu avait un certain charisme pour un si petit projet. Bien sûr il avait ses défauts, notamment des bugs assez nombreux (le jeu étant fait sous Game Maker, c'était donc un peu du gruyère) et des graphismes qui piquent les yeux. Mais bon, deux personnes étaient derrière, un peu d'indulgence et on arrive à profiter du produit final qui était réussi.
A mes yeux c'était un oneshot, pas la peine de faire un deuxième opus. Apparemment ce n'était pas l'avis de tout le monde, beaucoup ont réclamé une suite et voilà que Dennaton en a fait une. Et plus on y joue, plus on comprend que ce sera probablement la seule.
Hotline Miami 2 donne beaucoup de détails quant à ce qu'il s'est passé avant le premier épisode. Que ce soit le passé de Jacket (le héros du 1) dans l'armée, ou pourquoi Richter (le tueur au masque de rat) a obéi à tous les coups de fil qu'il a reçu.
On apprend aussi ce qu'il s'est passé après : des gens inspirés ont décidé de copier les actions de Jacket. Parmi eux, un groupe de tueurs amateurs appelés les Fans, et un inspecteur de police appelé Manny. Les Fans veulent juste tuer des bandits pour le plaisir et idolâtrent Jacket comme un héros, tandis que Manny n'est intéressé que par l'attention du public et s'imagine comme le rôle principal d'un film sur lequel toutes les caméras sont braquées.
En plus de ça, on a un personnage appelé Evan qui cherche à écrire un livre à propos des tueries de Jacket et cherche de nombreuses pistes pour comprendre ce qu'il s'est réellement passé. Il sert surtout de fil conducteur faisant le lien entre pratiquement tous les personnages du jeu.
Et finalement, un dernier personnage, The Son. Il s'agit du fils du chef de la mafia russe tué par Jacket à la fin du premier jeu. Il a juste repris les rennes de son clan, et venge son père en faisant la guerre à la mafia colombienne qui a profité de son absence pour s'étendre un peu plus. J'ai laissé quelques personnages de côté, surtout parce qu'ils n'ont pas vraiment d'intérêt (comme Martin l'acteur, ou Jake le mécano).
Maintenant voilà comment ça se termine :
- Manny s'enferme dans son appartement car il se chie dessus à l'idée de se faire attraper par la police ;
- Richter et sa mère partent à Hawaï pour mener une vie plus tranquille, loin des coups de téléphone ;
- Evan abandonne son livre (ou le termine, c'est selon le choix du joueur) ;
- les Fans attaquent le QG du Son, mais ce dernier fait un trip sous drogue, part dans une folie meurtrière et tue absolument tout le monde avant de faire une overdose et de se jeter du toit.
Juste après ça, un flash TV apprend au joueur que les présidents des US et de l'URSS se sont tous les deux faits assassiner (on est en 1991), ce qui provoque la troisième guerre mondiale et la fin du monde sous l'holocauste nucléaire. Parce que.
Maintenant voilà ce que j'ai compris :
- les Fans représentent ceux qui voulaient une suite à Hotline Miami. Ils se fichent pas mal des raisons, ils veulent simplement faire des tueries frénétiques un peu comme dans le 1 ;
- le passé de Jacket dans l'armée explique pourquoi son camarade Beard (le barbu aux lunettes) lui apparaissait entre chaque niveau dans le premier opus. C'étaient des hallucinations marquées par le fait que Beard lui ait sauvé la vie à Hawaï lors d'une mission suicide ;
- la troisième guerre mondiale est juste la manière des développeurs de dire que ça ne sert à rien d'espérer une suite à Hotline Miami 2.
Enfin bref, ça c'est (mon interprétation du moins) le scénario du jeu. C'est très symbolique et ça joue beaucoup, beaucoup avec la méta. À mon sens, peut-être un peu trop.
Le jeu est trop décousu : on commence avec l'histoire d'un acteur qui fait des tueries dans son film et finit par y prendre goût dans la vie réelle. On rencontre ensuite les Fans, puis Manny et Evan. Les Fans ne font qu'une suite de tueries non reliées entre elles, Manny fait quelques meurtres puis reste cloîtré chez lui, The Son tue des colombiens, et en même temps on revit tous les souvenirs de Beard et Jacket à Hawaï. Le tout ponctué par Evan l'écrivain qui affronte parfois une horde de gangsters (mais bien sûr...). Il y a un sacré problème de rythme, et comme tous les évènements ne se suivent pas temporellement, ça rend le tout encore plus compliqué à comprendre.
Mais là où c'est intéressant, c'est que chaque "mission" a ses caractéristiques. Les Fans ont chacun un style de combat, Manny a de meilleures compétences de combattant que les autres, Evan ne peut pas tuer, Beard ne peut pas changer d'arme et the Son a des exécutions bien lentes et osées qui l'handicapent. Et pour chacun, il y a un simple problème : le level design est presque le même à chaque fois. Et ça, c'est mal.
Tandis que le 1 était plein de couloirs/corridors et de petites salles (ce qui permettait un gameplay rapide rempli de combos), le 2 est gavé de grands halls et d'environnements ouverts. Malheureusement, Hotline Miami n'est pas fait pour ce genre de niveaux, et les missions deviennent donc assez médiocres. Au lieu de jouer habilement sur les réflexes du joueur, le jeu ne fait que le ralentir dans la majorité des niveaux. Trois missions sur quatre, il est impossible de jouer sans maintenir la touche Shift, ce qui est un très grossier défaut.
Mention spéciale aux histoires de Richter qui frôlent l'exploitation des limites mécaniques du jeu tant le design est terribad : encourager le joueur à profiter de barrières invisibles et de la limite de champ de vision des mobs, c'est un florilège de frustration.
Parfois, le jeu peut même se montrer injuste, notamment dans les niveaux de the Son : le niveau Catastrophe est un bon exemple. Décor épileptique au point de vraiment faire mal aux yeux, chiens de la même couleur que le sol donc quasiment invisibles à l'oeil nu... Il y a une limite entre proposer un challenge bien taillé et mettre des bâtons dans les roues du joueur : Hotline Miami 2 l'a bien franchie.
Il arrive même de voir des aberrations injustifiées au niveau du game design : dans un niveau où on doit s'échapper d'une prison, les mobs à mais nues sont plus dangereux que les mobs armés. On marche sur la tête.
Certains niveaux sont réussis, d'autres le sont moins. Malheureusement, ceux appartenant à la première catégorie se comptent sur les doigts d'une main. Si on ajoute à ça les mêmes bugs que dans le 1, ça fait un cocktail assez détonnant.
Le dernier reproche que j'ai à faire au jeu concerne son scénario : comme dit précédemment ça joue beaucoup sur la meta. Ce jeu est une suite à un opus à succès et adresse directement des messages aux joueurs en jouant sur les mécaniques de son prédécesseur. Vous l'aurez compris, Dennaton a essayé de faire un MGS2.
Si on fait une analogie, on voit que les deux jeux ont quelques points en commun : en apparence une copie du 1, le jeu joue bien vite de ce statut et découd ses propres mythes. Et au bout d'un moment dans l'histoire, tout pète les plombs et le joueur est dans le désarroi le plus total.
Mais la différence entre ces deux jeux, c'est que MGS2 accompagne le joueur tout au long du processus. Une fois que la transition se fait, le game design aide petit à petit le joueur à comprendre ce qu'il se passe. Quand vous vous battez au katana contre Solidus au sommet du Federal Hall, il a la politesse de vous expliquer pourquoi.
Hotline Miami 2 donne un gros coup de massue dans la nuque du joueur et le laisse seul sans demander son dû. On ne sait pas pourquoi the Son se met à prendre de la drogue et on ne sait pas pourquoi les deux présidents se font assassiner. D'un point de vue meta, on comprend ; mais vient un moment où on ne peut pas tout justifier au nom de la meta. Même le premier opus était moins brutal et plus équilibré. On ne peut pas expédier un jeu aussi vite sans un minimum d'explication.
À moins de s'appeler Bioware.
La différence entre MGS2 et Wrong Number est, simplement, le tact. Là où MGS2 fait preuve de tact et mindfuck le joueur tout en le gardant sur les rails, HM2 fout le feu au wagon et s'en va en sifflotant. C'était une belle tentative, mais c'était peut-être un peu trop difficile.
Il n'est pas impossible d'apprécier le jeu, il n'est pas mauvais au fond mais ne fait pas vraiment honneur à son grand frère. Dans une optique plus scénaristique et avec beaucoup de patience, on peut se faire plaisir en y jouant.
Au moins l'OST est de qualité et relève le niveau du jeu de quelques kilomètres, c'est déjà ça.
tl;dr = Ce jeu a la bouche pleine et essaie peut-être de trop faire. Pas mauvais, pas excellent, c'est un peu comme un paquebot qui prend l'eau après trois jours de voyage. Sinon la soundtrack arrache.