C'est avec un peu d’appréhension que je me suis lancé dans ce classique du point-and-click qu'est I have no mouth and I must scream, étant donné que je ne suis guère un habitué de ce genre vidéoludique. Je tiens d'ailleurs à préciser qu'en plus de cela, je ne suis guère quelqu'un de très patient. J'ai donc eu recours à la solution quasiment tout le long du jeu (oui je sais, sacrilège).
Déjà premier bon point, comme sa réputation le laissait entendre I have no mouth and I must scream est doté d'une histoire captivante. L'espèce humaine a été anéanti par A.M, une machine qui se trouve être dotée d'une intelligence artificielle particulièrement sadique. Mais il se trouve que A.M. a malgré tout épargné la vie de cinq humains qui sont continuellement torturés au sein des circuits de la machine depuis un siècle. Un jour, ces cinq individus (Gorrister, Benny, Ellen, Ted et Nimdok) vont se voir proposer un jeu par A.M. : chacun d'entre eux devra affronter ses souvenirs les plus terrifiants, et n'aura d'autre choix que de se retrouver confronté à son passé, le tout en déjouant les pièges de A.M.
Le jeu se divise donc en six segments : cinq où l'on joue chacun des personnages dans l'ordre que l'on souhaite et un dernier qui correspond à la fin du jeu (mais je n'en dirai pas plus). Chaque personnage se retrouve donc dans un monde différent des autres, avec un aspect science-fiction plus-ou-moins marqué, tout en étant parfois accompagné d'un aspect cyberpunk réussi. On passe ainsi le jeu à se balader, à la recherche d'objet qui vont nous permettre d'avancer en résolvant des énigmes, et en tapant la causette à des personnages parfois surprenants. Il est à noter que chaque personnage dispose d'un niveau d'état mental qui évoluera selon les actions effectuées par le joueur. Ainsi, une action "positive" redonnera de l'espoir au personnage que l'on incarne, tandis qu'une "mauvaise" action pourra le déprimer. Il est également possible pour certains personnages de mourir si l'on se trompe dans son choix lors de certains passages. Il est à ce titre important de sauvegarder régulièrement.
Bien que j'ai apprécié le jeu, quelque chose m'a légèrement gonflé : les énigmes. J'ai eu énormément de mal avec certaines d'entre elles. Comme je l'ai annoncé au début de ce texte, j'ai eu beaucoup recours à la solution et sans elle je n'aurai probablement pas eu la force d'aller au bout de l'aventure, malgré toutes les qualités du titre. D'ailleurs, pour être honnête je ne faisais plus que la regarder dans la dernière partie du jeu. Tandis que certaines énigmes se révèlent assez simples (ou du moins logiques), d'autres sont absolument lourdingues. On pourrait passer des heures à tourner en rond, jusqu'à ce que l'on découvre qu'il suffisait d'aller inspecter de nouveau le bouquin qu'on avait déjà inspecté auparavant, ou bien qu'il suffisait de reposer plusieurs fois la même question à tel personnage pour qu'il daigne enfin y répondre. On ne parlera pas des objets parfois minuscules (qui doivent faire 3 pixels à tout casser) cachés dans certains décors... Ce sont peut-être des trucs récurrents au sein des point-and-click, mais j'ai personnellement trouvé ça lourd. Par ailleurs, j'ai remarqué - et le fait que j'utilisais une solution m'a probablement aidé à m'en rendre compte rapidement - que si l'on effectuait pas une certaine action à un certain moment, on pouvait se retrouver littéralement bloqué à certains endroits du jeu, sans possibilité de s'en sortir, et sans que le jeu ne nous prévienne. Agaçant.
Ceci étant dit, I have no mouth and I must scream s'est quand même révélé être une expérience particulièrement intéressante. En effet, comment rester de marbre face à la noirceur de l'histoire qui nous est conté ? Cette dernière n'hésite pas à nous mettre face à des sujets particulièrement difficiles : on abordera notamment le deuil, le regret, mais aussi la folie, le viol et l'holocauste. Ainsi, l'ambiance dans laquelle on baigne tout du long du jeu est pessimiste et certains passages glauques ne manqueront pas d'en mettre plutôt mal-à-l'aise plus d'un. Les passages en question sont pour la plupart bien amenés, et réussissent souvent à impliquer émotionnellement le joueur, ce qui n'est pas de base une tâche aisée il faut bien le reconnaître. Le jeu tire une autre de ses grandes forces dans la qualité de son doublage original. Ce dernier se révèle être quasiment parfait, même si l'on pourra toujours pester contre les voix de quelques personnages ici-et-là (notamment celle de Nimdok avec son accent allemand un petit peu trop prononcé, à tel point qu'il en devient un peu cliché). Mais que dire de la voix d'Ellen, de Benny, ou même de ce chacal que l'on rencontre dans le désert ? On retiendra aussi forcément la voix de A.M, qui se trouve être doublé par Harlan Ellison, qui n'est autre que l'auteur de la nouvelle dont le jeu est adapté. Visuellement, force est de constater que pour un jeu sorti il y a plus de vingt ans, ça ne vieillit pas trop mal, les décors étant soignés et le level-design restant toujours réussi à l'heure actuelle. Les musiques conviennent bien à chaque passage du jeu, et accompagnent relativement bien chaque personnage dans son aventure.
Ainsi, malgré certaines énigmes qui m'ont vraiment agacé, je ne peux que vous recommander cette expérience qu'est I have no mouth and I must scream qui se révèle être un jeu à l'ambiance et au scénario maîtrisé. On comprend aisément pourquoi les qualités du titre lui auront permis de gagner son statut de jeu culte, ainsi amplement mérité.
À noter : mieux vaut maîtriser à un niveau correct la langue de Shakespeare avant de se lancer dans l'aventure, et ce pour deux raisons. Premièrement parce que je ne suis pas sûr que le doublage français ait la qualité du doublage original, et ensuite parce que la version française du jeu est censurée. En effet, le personnage de Nimdok (le scientifique nazi) a été purement et simplement supprimé du jeu.