Ico fait sans aucun doute partie des jeux que l’on cite le plus souvent quand on cherche à donner des exemples de poésie et d’ambiance onirique dans le média vidéoludique ou des jeux extra-ordinaires mais incompris de la masse pour des ventes décevantes, c’est dans ce contexte que je l’ai découvert. Bien que la promesse poétique n’est pas ce que je cherche en priorité dans les jeux vidéo, notez que je ne dis pas y être insensible non plus, sa renommée et ma curiosité m’amènent alors à guider la petite Yorda à travers les ombres pour tenter de la sortir de ce maudit château, alors voyage incroyable ou pétard mouillé ? Je vous propose de découvrir mon avis avec la belle musique You Were There si ça vous intéresse, par contre attention au spoil c’est la musique de fin !
RÉALISATION / ESTHÉTISME : 8 / 10
Initialement prévu sur PS1, finalement sorti sur PS2, remasterisé sur PS3, manquerait plus qu’il soit porté sur PS4, c'est à la version PS3 remasterisée que j’ai finalement joué. Comme toute remastérisation de ce genre ou presque, c’est vrai sur certaines textures, moins sur d’autres. Le jeu est joli, ça peut être bien alliasé par ci par là, surtout quand on zoome évidemment, mais ça va encore, notamment quand on pense que c’est un titre commercialisé d’abord sur PS2. Ça aurait été cool d’avoir une remastérisation HD réelle plutôt que partielle sur PS3 mais on fera avec ce qu’on a et avec le regard sur un jeu de 2001, la réalisation m’a paru clairement solide.
Il faut bien se rendre compte que 2001 c’était encore le début de vie de la Playstation 2 et ce jeu faisait sans doute partie des plus beaux de la console à ce moment-là, c’est dommage qu’on l’ait eu en France avec 6 mois de retard. Les animations des personnages principaux sont très décomposées, il y a quelques petits bugs mais rien de méchant et c’était tout simplement inévitable et un bien faible prix à payer pour profiter d’une telle expressivité dans les mouvements et interactions de nos personnages qui étaient difficilement retranscrites en 3D par ce biais sur la génération précédente.
Par contre, un petit regret quitte à chipoter sur la technique, c’est qu’il n’y a pas d’éclairage dynamique avec la torche dans les endroits sombres, ou très peu, ça aurait pourtant pu être sympa et des jeux en fin de vie de la PS1 y parvenaient. Mais ce n’est qu’un détail assez futile et qui ne veut pas dire grand chose quand on voit le soin apporté aux effets d’eau par exemple, ça illustre surtout que le bilan technique global du titre est très satisfaisant. Je suis certain que les heureux possesseurs de la console et du jeu à l’époque ont pu en être fiers juste pour ça, et pourtant ce n’est pas tant par ses qualités techniques qu’Ico m’a impressionné que par ses qualités esthétiques.
Le gros point fort pour moi c'est l’immensité des environnements par rapport à notre personnage qui est saisissante avec des angles de caméra pré-déterminés très bien choisis complétés par un level-design permettant d’observer des aires de jeu passées ou futures avec cohérence grâce à une très belle distance d’affichage. Ce château et ses alentours forment un environnement impressionnant et immersif qui m’a beaucoup plus. Ces alentours offrent le minimum de variété dans les environnements sans trahir l’ambiance générale qui repose beaucoup et avec efficacité sur le sentiment d’immensité mentionnée plus tôt.
Il y a pas mal de détails que j’ai bien aimé aussi, la transition entre les cinématiques et les phases de jeu en temps réel qui se font de façon assez fluides, l’absence totale et permanente d’interface en jeu, les temps de chargement très courts, le retrait de la musique au profit de l’ambiance sonore… qui sont plein de petits éléments qui renforcent d’autant plus ce sentiment d’immersion. Si la remastérisation est loin d’être parfaite et si la réalisation comprend quelques petits défauts dû à sa date de sortie assez tôt dans la durée de vie de sa console, Ico a très bien vieilli grâce à l’immersion qu’il procure aussi bien grâce à ses forces techniques qu’esthétiques, sa plus grande force pour moi. C’est malheureusement nuancé par ses autres dimensions , à commencer par la dimension purement ludique.
GAMEPLAY / CONCEPT : 6 / 10
Le concept du jeu est celui d’une escorte permanente, au contrôle d’un personnage équipé d’une arme au corps-à-corps face à des ombres qui s’en prennent à une jeune fille sans défense du nom de Yorda qui ne cherchera même pas à fuir ou face à des énigmes pour faire progresser les deux personnages. Le maniement n’est pas toujours très ergonomique avec Yorda tenue par la main qui peut se bloquer dans un coin ou mal prendre un tournant, elle est un peu lente à monter les échelles, ne se positionne pas toujours hyper bien et fait perdre un peu de temps mais rien de réellement problématique.
Plus ennuyeux en revanche, les combats sont ultra mous avec très peu de coups possibles mais on peut heureusement les zapper la plupart du temps. Vous me répondrez peut-être que c’est pas là l’intérêt du jeu et que vous voyez pas la peine de le mentionner mais ces combats sont là et vu leur qualité je pense qu’il aurait mieux fallu en faire soit abstraction, soit de meilleurs. On ne met pas des combats s’ils ne servent à rien ludiquement et si c’est pour passer un message quant à l’univers on trouve une autre idée. C’est assez ambitieux et osé bien sûr comme démarche, mais je trouve que ça manque de maîtrise dans ce cas précis.
Quitte à intégrer les ombres à la poursuite de Yorda dans le scénario par le gameplay, j’aurais bien vu des course-poursuite où des énigmes à résoudre vers la fin avec une ombre némésis-like à nos trousses, on aurait eu le même discours peut-être un peu plus fort avec l’idée d’essayer encore et encore d’échapper aux ombres qui ne peuvent être vaincus, ce qui aurait pu faire un lien avec le message du jeu sans avoir des combats soporifiques et sans intérêt. C’est pas grave, les combats ne sont pas non plus une purge infâme qui a ruiné mon expérience de jeu mais ça reste un défaut.
Les énigmes sont quant à elles sympas à résoudre, d’autant qu’elles servent aussi des intérêts esthétiques (inciter le joueur à prendre son temps et à s’immerger) et scénaristiques (bien faire comprendre que progresser seul ne signifie rien comparé à progresser ensemble) même si les mécaniques se répètent un peu à la longue elles sont plutôt bien faites. J’aurais juste aimé qu’on puisse plus facilement switcher entre le bâton à enflammer et l’épée pour trancher, ça aurait évité 2 – 3 allers-retour sans intérêt.
C’est suffisant pour un jeu de seulement 6 heures, mais si le jeu avait été plus long il y aurait fallu d’autres mécaniques tout de même et ça reste assez basique dans l’ensemble, surtout comparé aux ambitions techniques et esthétiques évoquées plus tôt. En somme, le gameplay comprend pas mal de défauts, avec notamment les combats, ce n’est pas catastrophique pour moi mais c’est suffisant pour limiter le potentiel du titre qui aurait mérité de s’en soustraire davantage pour que ça ne fasse plus tant partie de l’expérience de jeu, ou alors d’être plus complet et abouti sans que ça n’entre en dissonance avec le reste. Je serai un peu plus positif pour finir sur le scénario, ou plutôt sur la narration.
SCENARIO / NARRATION : 7 / 10
Le point de départ de l’intrigue nous met aux commandes d’un jeune personnage discriminé par les siens par sa seule apparence, qui ne rêve que de prouver sa valeur au monde, un point de départ qui permet facilement de rentrer dans l’histoire avec lui en ayant de l’empathie à son égard. Sa quête en sera tout autant capable puisqu’il aura vite comme seule alliée une jeune fille visiblement tout gentille et innocente que l’on voudra protéger face à des créatures manifestement ténébreuses et menaçantes. Ça démarre donc bien mais encore faut-il que ça évolue et d’une façon a minimum élaborée.
Ico présente une narration originale où la moitié des dialogues est volontairement incompréhensible au premier run et au final une grande place est laissée à l’interprétation jusqu’à sa scène post-générique. Dès les premiers instants de jeu, je me suis demandé à quoi pouvait bien rimer tout ça, où ça va nous mener… et je me suis plutôt bien prêter au jeu. Le concept du deuxième run permet également un bon potentiel de rejouabilité pour contrer les 6 à 7 heures de durée de vie, pas bien grandes mais acceptables d’autant que le rythme n’en souffre pas.
Je peux être très client de ça mais en l’occurrence c’est un peu sous-exploité, le second run qui permet de découvrir tous les dialogues une fois la fin déjà vécue n’apporte pas grand-chose et le scénario s’avère tout à fait sympathique sans être exceptionnel. Ce n’est jamais qu’un conte pour enfant pas bien révolutionnaire avec un garçon courageux à la rescousse d’une fille en détresse face à une méchante sorcière, présentée comme ça c’est moins original, quant à la fin par contre je vous laisse la découvrir si ce n’est pas déjà fait.
Cette narration sert à mon sens surtout à mieux l’enrober et ça marche plutôt bien grâce à cet aspect énigmatique qui m’a bien accroché sans non plus m’avoir fait revoir d’un tout autre œil l’ensemble du jeu pour me dire que c’est un coup de génie. La mise en scène en temps réel marche très bien également, comme quand Yorda se casse la gueule quand on l’emmène en courant et pas en marchant, ça fait comprendre habilement qu’elle est épuisée et qui va se passer quelque-chose sans interrompre la séquence de jeu.
Par contre, je ne suis pas sûr de l’intérêt du spoil de la musique des crédits de fin sur l’écran titre de la version HD, c’est censée être une récompense, pas un amuse-gueule. D’autant que c’est presque le seul vrai thème du jeu vu que sinon, toujours par rapport à cette volonté omniprésente de favoriser l’immersion, on entend quasiment jamais de musiques en jouant. Sinon, le scénario est correct et plus intéressant grâce à sa narration, mais je pense qu’il y avait moyen de faire encore mieux à ce niveau-là sans même rendre le jeu plus bavard.
CONCLUSION : 7 / 10
Si ses combats sont profondément à côté de la plaque et si son scénario n’est pas aussi élaboré que j’aurais pu le vouloir, je me souviendrais tout de même d’Ico comme une belle aventure où règne immersion et dépaysement. Peut-être pas le chef d’œuvre vidéoludique ultime, en revanche un excellent premier jeu pour son créateur dont la suite de son travail, notamment Shadow of the Colossus, est très intéressante. Enfin, c’est un échec commercial immérité, ça c’est certain à mes yeux.