Indika est probablement le jeu indépendant le plus étrange de ces derniers mois. Par son pitch d'abord, le périple d'une jeune nonne pour acheminer une lettre à travers une version légèrement fantasmagorique de la Russie du début du XXème siècle. Le monde traversé est relativement réaliste, si ce n'est le gigantisme de certains éléments qui vient troubler la perception du joueur : les animaux sont énormes et les bâtiments semblent s'accorcher au ciel. Indika y évolue telle Alice dans le pays des merveilles après avoir avalé le liquide rétrécissant. Son thème, aussi, est osé : la religion et son rapport à l'ordre établi. Indika n'est pas un nonne ordinaire : elle a été "contrainte" de choisir les ordres et est mêmes hantée par un démon. Développé par des Russes exilés au Kazakhstan, il ne faut pas être grand clerc pour voir dans ce jeu une critique des liens serrés entre l'église orthodoxe et le Kremlin.
Mais le plus étrange dans Indika reste sa structure : Une alternance de séquences très diverses : des passages qui relèvent de la promenade à peine interactive (walking simulator) succèdent à des énigmes pour traverser des environnements 3D, saupoudrés de corvées volontairement répétitives et même de niveaux de plate-formes en 2D pixel-art. Si le mélange est intéressant, le jeu n'excelle dans aucun de ces composants. On reste sur des niveaux assez basiques et l'ensemble est quasi-100% linéaire.
L'histoire aurait également gagné à voir ses finitions paufinées. Le thème frappe fort, le contraste entre le désespoir ambiant et quelques moments à l'humour piquant fonctionne admirablement, mais les transitions entre les scènes sont parfois trop abruptes.
Au niveau visuel par contre, le jeu impressionne. La modélisation des personnages et des environnements, les animations, le cadrage très cinématographique des scènes... sont vraiment de haut niveau. Le tout est même plutôt bien optimisé. Je n'ai pas fait de mesures techniques, mais avec les settings au maximum et en 4K, ça tourne très bien sur un RTX 3080. Quelques courts moments souffrent de saccades, mais c'est suffisamment rare pour ne pas déranger et facilement pardonnable pour un jeu en version 1.0.
Le département audio n'est pas en reste, avec un usage sporadique mais efficace de la musique et des acteurs crédibles pour la version anglaise. On note toutefois quelques problèmes de mixage avec les sons ambiants qui viennent parfois noyer les dialogues.
Au final, malgré son gameplay tout juste moyen et une durée de vie vraiment courte, je suis très content qu'un jeu comme Indika puisse exister. On a besoin de jeux qui abordent des thèmes forts et relèvent des défis risqués, quitte à ce qu'ils n'atteignent pas la perfection.