Indika
6.8
Indika

Jeu de Odd Meter et 11 bit studios (2024PC)

A trop vouloir faire le malin, Indika m’a laissé totalement en dehors du jeu. J’ai eu l’impression que le jeu refusait d’être immersif. Plusieurs éléments m’ont toujours maintenant extérieur à cette histoire qui, sur le papier, devrait me séduire. Indika est le fruit d’une équipe de développeurs russes exilés au Kazakhstan qui veut dénoncer le Patriarcat de Moscou à travers jeu politiquement critique dont une partie des bénéfices revient à une association d’aide aux enfants ukrainiens.

Le projet est prometteur : remonter le temps (fin du XIXème siècle ?) et montrer que la Russie Tsariste (pré communiste donc) est fortement marquée par la religion orthodoxe. Cette église dicterait au peuple russe les codes d’une conduite dont la colonne vertébrale serait une obéissance non questionnable. En femme d’église, Indika est donc largement soumise à ces codes et le jeu raconte sa « crise de foi philosophique » à travers un pèlerinage entre son couvent et une ville où a lieu une manifestation religieuse. Il y a aussi un deuxième voyage, intérieur celui-ci entre Indika et un narrateur bavard qui ne cesse de questionner les certitudes de la nonne. D’un point de vue littéraire, on se situe entre Dostoïevski (pour le côté désespéré), Tolstoï (pour les questions théologiques), les Lumières (pour l’aspect dialogue et questionnement de la raison) et André Breton (pour la distorsion du réel). Il y a aussi des références cinématographiques comme Yórgos Lánthimos et les productions A24

Bien évidemment, il y a une charge critique et politique contre le gouvernement russe actuellement en place. La critique reste toutefois prudente : on reste bien à distance d’une confrontation direct avec le régime de Poutine. Je ne suis personne pour juger cela car j’estime qu’il y a sûrement un danger réel à critiquer pareil régime, même si on est exilé.

Mais, malgré toutes ces bonnes intentions, je dois avouer que le jeu m’a plusieurs fois glissé des mains. Il y a un réel problème d’immersion : je n’ai pas du tout cru à cette histoire. Peut-être que c’est pur snobisme, mais j’aurais eu besoin de dialogues en langues originales. Ilya a quasiment un « cockney accent » et Indika parle comme n’importe quel personnage sur Netflix.

Cette Russie imaginée et hallucinée est toutefois intéressante. Certains décors sont vraiment réussis, surtout les scènes de villes. J’aurais aimé les explorer plus mais…

Plus qu’un problème de distance que j’ai avec la narration, j’ai aussi l’impression que les développeurs se moquaient constamment des joueurs (et donc moi). Le jeu n’assume pas sa colonne vertébrale qui est, purement et simplement, un walking sim. Au lieu de travailler sur ce genre (qui est loin d’être à une forme établie et définitive), Indika (le jeu) nous fait constamment un numéro de claquette : quelques énigmes (à la maniabilité horribles), des scènes de plateformer 2D (à la hitbox aussi foireuse que celle de Wizard of OZ sur SNES), des passages de jeux de courses en 3D isométriques, un passage de « rhythm plateformer » et j’en passe. Résultat, au lieu d’être constamment surpris, on est constamment déçu même si je reconnais ça et là des passages intéressants (les moments où Indika est tiraillé entre diable et prières et que cela change l’environnement, franchement pas mal du tout).

Ce mélange de genres baroque pour ne pas dire raté, ajoute au fait que l’on est constamment arraché à l’histoire du jeu, jusqu’à ne plus en avoir rien à faire. Les saillis du narrateur deviennent elle aussi agaçante, surtout quand cette voix supposée intérieure est une voix masculine (pour un personnage féminin) qui a parfois des aspects totalement lubriques. A cela s’ajoute une scène de viol qui n’apporte rien à l’histoire si ce n’est de vouloir rester « edgy ».

Peut-être qu’il y a parmi vous des gens qui ont beaucoup aimer que le système de point et l’arbre de talent ne servent à rien (whaoo, qu’est-ce que c’est subversif !), j’ai plutôt eu l’impression que l’on se moquait de moi, pas seulement en tant qu’amateur de « visual novels » mais aussi en tant que joueur. Pour rappel, le premier moment de gameplay = « Va chercher 5 fois de l’eau au puit. Je renverse l’eau parterre. Hahahahaha en fait ça sert à rien xD ». Bref cela m’échauffe, je dois me calmer.

Une scène m’a particulièrement marquée. Traversant une énorme usine d’esturgeon, on doit se frayer son chemin en circulant sur des plateformes circulaires tout en évitant des poissons. J’ai dû m’y reprendre plusieurs fois tant la maniabilité est mauvaise. Après cette scène oubliable, on arrive dans une deuxième pièce similaire. A ce moment-là, Indika s’exclame : « Oh no, not again ». Je pensais exactement là même chose qu’Indika : « oh no, not again. »


Antoine-Velvet
6
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le 22 août 2024

Critique lue 54 fois

Antoine Velvet

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