Plus le temps passe, et plus il devient difficile d’être tout à fait surpris par le jeu vidéo. Non pas que le jeu vidéo ai pu atteindre un hypothétique plafond de verre. Disons plutôt que les années passant et les jeux défilant il devient compliqué de ne pas voir revenir les mêmes errances ou les mêmes astuces de game-design. Alors bien sûr il y a toujours, dans le monde du jeu vidéo indépendant en tout cas, des tentatives, des essais et des coups de Poker.


Cela se traduit parfois par des essais d’ordre esthétique (ce qui n’est pas hors de propos, mais ça va se coupler souvent avec un modèle ludique paresseux), soit par des concepts un peu bancals. Non pas qu’il n’y ai jamais surprise mais bon, voilà, on tourne parfois un peu en rond aussi bien du côté indé que du côté triple A.


Inscryption est un jeu de Daniel Mullins Games, un petit studio fondé par… Daniel Mullins tiens. Un développeur qui s’est illustré par le passé dans le monde du jeu indépendant avec ,notamment, The Hex (2018) et Pony Island (2016). Deux succès timides qui ont pu avoir un impact médiatique réduit mais salvateur pour Monsieur Mullins, grâce à l’implication de divers gros noms du Youtube Game. Je conseille d’ailleurs volontiers les deux titres ci-dessus.


Inscryption se présente rapidement comme un rogue like deck builder standard , presque traditionnel, même bateau, déjà vu, oserais-je dire…..ennuyeux. En y incorporant des éléments d’escape game, comme le ferait la série de petits jeux The Room par exemple. Le tout s’accompagnant d’un semblant de narration et d’une ambiance oppressante qui semble ainsi cocher la case « originalité » nécessaire à la visibilité du titre.


Le truc c’est que Daniel Mullins est un développeur de génie ou du moins, talentueux. Il sait s’affranchir des codes et jouer avec le joueur et pas uniquement à travers la narration. Inscryption s’inscrit ainsi très facilement dans la continuité de Pony Island et de The Hex parce que, encore une fois, le nouveau jeu de Daniel Mullins rompt avec brio les codes classiques du jeu vidéo (ici du Deck builder). On est pris au dépourvu et ça fait du bien.


Quelque chose cloche, les cartes commencent par vous parler et très vite on se retrouve avec un jeu qui n’est absolument pas porté par sa rejouabilité et ses mécaniques supposées de Rogue-like mais par des éléments narratifs et de game-design nettement plus…. linéaires. Un jeu narratif en somme qui s’articule autour d’un faux rogue like. C’est alors que se met en place un jeu savamment travaillé , qui comme une pièce de théâtre délirante, se construit sous formes de trois actes bien distincts plein de références à l’univers du jeu de cartes et au jeu vidéo.


Jeu de cartes au sens large. Entre Slay the Spire ou Hearthstone mais aussi les jeux de cartes à collectionner comme Magic the Gathering, Pokemon trading card game ou Yu-Gi-Oh, tout y passe. Tout. Il y a à travers Inscryption cet étrange exploit de trouver un assez juste milieu entre des éléments narratifs, des éléments ludiques (travaillés) et de les mêler adroitement en les saupoudrant de références bien senties. Tout cela participe à une expérience assez unique je dois dire, par forcément exceptionnelle ou désarçonnante (il faut savoir raison garder...), mais assez unique, ce qui encore une fois s’avère manifestement rare dans le monde vidéo-ludique.


L’exploit de ce jeu est aussi d’accompagner ses trois différents actes par une restructuration progressive de son game-design sans toutefois s’éloigner des règles élémentaires du jeu. Le jeu reste un jeu de cartes du début à la fin, avec une base, une structure ludique identique du début à la fin. Mais les règles vont changer ou être modifiées… parfois à votre insu…. On va aussi voir apparaître de nouveaux éléments, de nouvelles synergies et de nouveaux adversaires.


On ne saura d’ailleurs que saluer le travail réalisé sur la Direction artistique, l’OST et le Character-Design des quelques personnages du jeu , fortement inspirés je dois dire. Le tout se mêle si bien avec cette intelligence narrative qui ne fait d’ailleurs pas toujours dans la dentelle (le traditionnel brisage de 4ème mur entre autre...). L’histoire proposé par Inscryption n’est malheureusement pas toujours trépidante et laisse parfois apparaître des creux, des clichés et des longueurs malvenues (le second acte particulièrement). Il y a aussi des choses qui ne fonctionnent pas ou qui fonctionnent mal, ou qui n'ont pas l'effet attendu (je n'en dirais pas plus). Les éléments ludiques sont tout aussi perfectibles, la raison première étant qu’il devient vite possible dans Inscryption de « casser » le jeu et de construire des decks complétement fumés qui annihileront fatalement le challenge du jeu.


Je ne saurais toutefois que conseiller chaleureusement Inscryption pour les raisons évoquées tantôt. Il a été une excellente surprise, rafraîchissante en ce début d’année, presque passionnante, parfois laborieuse, mais toujours bien pensée et plein de petites (et grosses) surprises. Ce n’est peut-être pas la proposition parfaite de jeu vidéo narratif, c’en est en tout cas une proposition solide et bienvenue.

Bohr
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Mes jeux faits en 2022

Créée

le 23 mars 2022

Critique lue 66 fois

Bohr

Écrit par

Critique lue 66 fois

D'autres avis sur Inscryption

Inscryption
Moizi
8

Renouvellement

J'adore les jeux de création de deck, j'avais adoré Baten Kaitos quand j'étais jeune, mais si on introduit une petite mécanique rogue like comme dans Slay the spire je ne suis pas contre. Le soucis...

le 12 févr. 2024

15 j'aime

3

Inscryption
Attichit
8

Faux rogue-lite, vrai chef-d'œuvre

Parler d'Inscryption sans en altérer le plaisir de la découverte est un exercice périlleux mais sachez tout d'abord qu'il s'agit d'un jeu qui vous procurera de nombreux chocs, à commencer...

le 8 janv. 2022

8 j'aime

3

Inscryption
LeDieuChat
9

Incroyable.

Inscryption multiplie les références à de nombreux jeux passant de Pokemon TCG à Undertale. L’ambiance visuelle et sonore géniales vous plongent dans un univers déroutant. Le jeu se réinvente...

le 22 oct. 2021

2 j'aime

Du même critique

Iconoclasts
Bohr
5

Faux ami

Iconoclasts est un jeu qui m'a laissé une étrange impression. La première est celle de faire face à un jeu qui n'a pas forcément été bien pensé, à tout niveaux, malgré le plaisir que j'en ai tiré. La...

Par

le 21 mai 2020

9 j'aime

1

Night in the Woods
Bohr
5

Un coup de pied au culte

Il partait bien Night in the Woods. Il faut dire que visuellement ça m'a plutôt attiré, le choix d'art-design avec ces animaux anthropomorphes. Le jeu est narratif, semble dans un premier temps porté...

Par

le 18 juin 2020

8 j'aime

2

Journey
Bohr
3

Voyage voyage....

Oui je mets 3 à Journey. Considéré comme l'un des meilleurs jeux indépendants de l'histoire, meilleure direction artistique, invitation au voyage, à la poésie et au lyrisme.... Journey est un jeu...

Par

le 11 juin 2020

7 j'aime