Ne garder que les défauts de Hitman, et les accentuer à mort.
Etant un grand fan de la série Hitman, je ne pouvais qu'aimer le nouveau jeu développé par IO Interactive. Oui, mais non. Car commençons direct, Kane & Lynch : Dead Men est un jeu médiocre.
On incarne Kane, un mafioso bourrin qui a trahi ses familles (mafieuse et personnelle) et qui se retrouve condamné à mort après un meurtre massif. Il réussit à s'évader grâce à Lynch, un psychopathe schizophrène envoyé par l'organisation. Il décide de parcourir le monde afin de se racheter.
Kane & Lynch bénéficie d'un pitch et d'une ambiance très soignés. L'ensemble du jeu est inspiré des films hollywoodiens tels que Heat de Michael Mann. Comme avec agent 47, IO Interactive a su mettre en scène deux personnages principaux charismatiques, que ça soit au niveau de leur look atypique, leur personnalité marqué, ou de leur lourd passé.
Les scènes de fight s'annonçaient épiques, avec des décors destructibles et une gestion d'IA de foules. Sur papier, ce jeu avait tout pour plaire aux amateurs des shooters bourrins. Mais en réalité, il se noie sous un océan de défauts, de bâclages et de bugs.
Tout d'abord, graphiquement le jeu est indigne de 2007 (année de sortie de Crysis ou Assassin's Creed). Les décors sont variés mais sont désespérément vides et sans âme. Les textures sont lisses et peu détaillées, on ne trouve aucun déchet par terre, aucune tache sur les murs, tout est froid et se contente du strict minimum. La destruction de certaines parties du décor est sympa, mais reste basique. Seule la modélisation des visages est réussie, en particulier celle des 2 héros.
On déplore aussi l'absence des shaders qui donne au jeu un aspect trop propre, trop "3D".
Les animations ne sont pas non plus fameuses, certains personnages n'ouvrent même pas la bouche pour parler, l'escalade ou le saut font sourire, la mort des ennemis est sacadée, et lorsqu'on change d'arme, l'arme apparaît dans la main de Kane comme par magie.
Mais si on pouvait pardonner les graphismes, c'est plus difficile de le faire avec le gameplay : la grande majorité du temps, on doit tirer sur des brochettes d'ennemis et c'est problématique car les gun fights sont terriblement mous comparés à d'autres TPS comme Max Payne. On ne peut prendre qu'une seule arme sur soi en plus du pistolet, le personnage est lourd et on ne peut ni sauter, ni recharger quand on le souhaite. Le système de couverture est très mal conçu, on doit s'approcher d'un mur et attendre que le personnage se mette automatiquement à couvert, mais ça reste très aléatoire et peu pratique. La visée est peu précise, les balles s'éparpillent dans tous les sens même si on essaye de bien viser (de toute façon, les ennemis doivent encaisser 2 balles dans la tête pour être tués). On peut donner des ordres à nos coéquipiers, mais ce feature reste au final très secondaire tout le long du jeu.
L'IA des ennemis est incroyablement mauvaise. Sincèrement, j'ai l'impression que c'est la pire IA que j'ai pu rencontrer dans un jeu vidéo jusque là. Ils courent devant nous sans rien faire, ils restent debout comme des piquets en plein milieu des tirs, ils ne réagissent pas lorsqu'un pote se fait tuer à 2 mètres de lui...
L'aventure est très linéaire, IO Interactive se permet même de nous imposer des murs invisibles grotesques en plein milieu d'une rue. Je comprend qu'il faut clôturer un minimum le terrain de jeu, mais le coup du mur invisible c'est bien trop cheap. En 2000 avec Hitman : Codename 47, ça pouvait se pardonner (et encore...). En 2007, beaucoup moins.
Pour varier, le jeu propose des situations très classiques comme du rail-shooting laborieux et ennuyant. Vers la fin du jeu, on a même droit à une petite séquence d'infiltration. Avec Hitman, on pensait que IO maîtrisait son sujet, bah non, là même l'infiltration est complètement loupée. Mais comment font-ils ?
La mise en scène n'est pas non plus toujours soignée. IO n'a jamais vraiment maîtrisé les cinématiques in game et on le sent bien. Dans Kane & Lynch, souvent ils essayent de cacher les scènes d'explosion ou de cascade avec un mouvement de caméra foireux, un flash blanc ou un fade noir.
Malgré un début prometteur, l'ensemble du scénario est trop classique.On sent pourtant l'effort accordé au background des 2 personnages. Mais souvent l'écriture est trop basique, avec des phrases telles que "je trouve toujours ce plan con, faut dire que c'est vraiment un plan à la con" ou "je ne suis pas un traitre et je ne les ai pas abandonné, je suis parti, c'est tout". (yep, ça vole haut).
Personnellement, j'ai eu du mal à rentrer dans la peau de Kane, personnage lâche et égoïste, qui trahit tout le monde pour obtenir ce dont il a besoin. Il prévoit tout le long du jeu des plans que ni Lynch, ni les joueurs ne sont au courant. Cela renforce l'aspect spectateur, et au final je me suis plus attaché à Lynch qui semblait découvrir l'histoire avec moi.
Les situations sont peu crédibles, comme lorsque Kane kidnappe la fille du chef de Yakuza pour un chantage, et demande à Lynch de la surveiller, alors qu'il sait très bien à ce moment du jeu qu'il a des problèmes pour se contrôler. Résultat, Lynch tue la fille comme on le sentait venir de 10km.
On a droit à 2 fins, mais elles sont toutes les 2 bâclées, mal mises en scène et frustrantes. Dans tous les cas, l'histoire se termine mal. Le jeu se termine en 5 à 6 heures.
Signalons aussi que le jeu est truffé de bugs en tout genre, comme des cadavres qui restent debout en forme de T ou qui s'envolent 50m plus loin après une explosion, des ennemis qui continuent à crier après la mort, des voitures qui se rentrent dedans lors des courses poursuites...
Les bruitages sont corrects, et la musique composée par Jesper Kyd est de bonne qualité comme d'habitude, même si on sent qu'il est un peu moins inspiré. J'ai cru même entendre une réutilisation d'un morceau de Hitman : Contracts.
Bref, IO Interactive loupe complètement son jeu. Les sujets déjà mal maîtrisés dans la série Hitman (réalisation, IA, cinématique, gun fight...) se voit ici encore plus accentués, et l'ensemble du jeu a été bâclé pour une sortie hâtive. Il n'atteint jamais le niveau de ses références cinématographiques, et au final on a droit à une ébauche maladroite d'un jeu hollywoodien qui aurait pu être très sympa, mais qui ne l'est jamais vraiment. Dommage.