Un jeu culte au statut usurpé

Critique garantie sans spoilers. Jeu terminé en ~25h.

Précision importante : jeu découvert en 2018 dans sa version "Final Mix" grâce au HD Remaster sur PS4.

Il est de ces œuvres qui ont acquis le statut de jeu "culte" au fil des années, et dans la catégorie RPG, Kingdom Hearts en fait indéniablement partie. Il n'est d'ailleurs pas rare de le voir dans les listes des meilleurs jeux de la console, voire carrément des meilleurs RPG. Pourtant, ce n'est pas nouveau, le statut intouchable de ce genre de jeux est très souvent lié à la nostalgie qu'y attachent les joueurs. Seulement voila, quand on découvre le jeu sans ce côté Madeleine de Proust, l'avis tranche immanquablement.

Kingdom Hearts est le fruit d'une promesse folle : mêler l'univers et les personnages de Disney aux mécaniques de la saga Final Fantasy, le tout sous la direction du studio Squaresoft, dont les qualités ne sont déjà plus à prouver. Avec un tel pari, impossible de ne pas toucher la corde sensible de toute une génération, que les uns soient fans de l'univers de Mickey ou les autres de celui de Squall ou de Séphiroth. Le problème, c'est qu'un univers ne fait pas tout, et Kingdom Hearts a tôt fait d'oublier de créer un lien entre les deux mondes. S'il est plaisant de visiter les lieux emblématiques des films de Disney, impossible de ne pas voir à quel point l'univers de Final Fantasy, et plus particulièrement le héros de cet opus Sora, est mal intégré au reste et donne l'impression d'être tombé là comme un cheveu sur la soupe. Du reste, le scénario tarde vraiment à se mettre en place et aura tendance à laisser le joueur sans aucune indication sur sa prochaine action, donnant alors lieu à des allers-retours sans queue ni tête. Côté mayonnaise, ça ne prend vraiment pas.

Confié à un studio qui n'est pas nouveau dans le domaine du RPG, cette (alors) nouvelle saga se devait donc d'avoir un gameplay à la fois original et surtout sans reproche. Sauf que là, c'est le gros hic. Déjà parce que Kingdom Hearts a le cul entre deux chaises, oscillant entre un action-RPG avec un système de combat en temps réel et de nombreuses phases de plateforme qui n'ont, pour ainsi dire, rien à voir. Le risque de vouloir faire deux choses en même temps, c'est de mal faire et Kingdom Hearts ne fait pas exception à la règle. Les phases de plate-forme héritent en effet d'une caméra folle qui fera tout pour vous faire rater vos sauts, et le level-design du jeu étant parfois assez vertical, une seule erreur pourra alors vous faire recommencer un tronçon entier de niveau... combats compris. Combats qui, outre le fait d'être BEAUCOUP trop nombreux (les vagues d'ennemis se comptent parfois par dizaines !), ne bénéficient pas toujours du système en temps réel qui est censé assurer le dynamisme de l'ensemble. Il s'avère alors en effet très compliqué (voir fatal) de parcourir le menu des objets pour trouver une potion alors qu'un boss en face est en train de vous mettre une raclée. Quant à vos compagnons, impossible de compter dessus avec une IA souvent aux fraises et qui se révèle parfois même plutôt handicapante qu'autre chose. Rajoutez à cela un système de lock clairement pas abouti et vous obtenez des affrontements souvent brouillons, interminables et d'une difficulté inégale tout au long de l'aventure. Sans compter certains boss aux actions punitives qu'il faudra parfois retenter une demi-douzaine de fois avant seulement de comprendre leur fonctionnement.

Doté d'une durée de vie finalement assez courte si on ne prend en compte que son scénario principal (le jeu peut être fini en 15 heures, en se pressant), Kingdom Hearts a eu l'idée (plus ou moins bonne...) de varier les styles de jeu et de proposer également suffisamment de mini-jeux et de quêtes annexes pour contenter les plus acharnés. Malheureusement une fois encore, à trop vouloir en faire, la qualité en pâtit et si certaines choses peuvent se révéler amusantes (la quête des Dalmatiens, le jeu de surf dans la jungle...), d'autres sont clairement d'un niveau catastrophique (les phases en vaisseau, les combats facultatifs...) et auront tôt fait de dégoutter un joueur lambda de la quête du 100% tant convoité.

Alors oui, la critique paraîtra dure voire même injustifiée auprès des fans purs et durs de la saga, mais s'il s'agit d'être objectif, Kingdom Hearts ne mérite pas cette aura de gloire dans laquelle il baigne depuis des années. Doté d'un scénario au rabais et d'un gameplay qui peine à prouver son efficacité, ce premier épisode ne fait que poser les bases d'une saga qui, certes, s'améliore sans doute au fil des épisodes, mais reste encore, si on se base sur ce seul opus, pétrie de défauts dont il est difficile de faire abstraction.