On pourrait dire tellement de choses d’un jeu comme Kirby power paintbrush; penser à Mondrian ou Klimt, se dire qu’il a fallu un siècle pour que de l’invention de la forme en tant que forme, la couleur en tant que couleur, il soit permis à tous de les épouser, de tracer des lignes, éphémères et évanescentes dans des mondes tableaux, selon une certaine fantaisie concave ou convexe, naïve et légère, défiant la rigidité des obstacles.
On pourrait penser au Point et Ligne sur Plan de Kandinsky, se dire que la DS figure à sa manière un passage du point à la ligne, selon les modalités très concrètes du jeu vidéo. Qu’à la ponctualité de la manette succède la donnée d’un espace géométrique, prête à faire diverger le réel selon le jeu. C’est dire à quel point Kirby power paintbrush, un jeu a priori gamin et sans prétentions est important. On reviendra sans doute sur tout cela. Mais pour le moment, on l’oubliera, on pensera à un rien, un presque rien du jeu et qui nous importe tout autant. Un à-côté, déconnecté du reste: appelé le "défi pinceau", c’est un mini jeu qui apparaît, parmi d’autres, à la fin d’un niveau, où il s’agit de relier frénétiquement entre eux des points formant alors le dessin d’une maison, d’une étoile ou d’un papillon…
Comme lorsque enfant, on reliait, avec méticulosité et dans l’inconscience du temps qui passe des points numérotés, faisant apparaître un dessin un peu maladroit, nous voila, bien plus tard, sur DS, à relier ces points de nouveau, sans s’arrêter, et que se réactualise à toute vitesse des plaisirs passés et oubliés. Les formes prennent vie sous nos yeux, nos joies d’enfant éclatent comme un essaim de petites bulles, jaillissent comme dans un lancer de billes nacrées. Le dessin prend des couleurs, se remplit d’une signification que l’on avait même pas songé à saisir, dans la frénésie du jeu et du défi imposé. A ce moment, nous sourions, et nous apparaît cette profonde vérité bergsonienne que dans nos joies et nos peines, rien ne naît vieux, tout à une histoire, qu’un rien nous suffit, comme ce petit instant de Kirby, ce petit moment de bouffonnerie et de bonheur qui descend dans la vie et qu’on attrape au vol, pour enfin l’accrocher sur le dos de notre si sérieuse réalité.