Laissez-moi sécher mes larmes, car ce qui aurait pu être un digne successeur de Firewatch n'est autre qu'une œuvre inachevée, le portrait d'un studio Québécois qui a vu trop gros et n'a pas pu finir dans les temps et avec les moyens accordés. Pourtant, Kona avait tout d'un grand, mais celui-ci s'effondra, étouffé par sa propre ambition.
À mon arrivée dans cette bourgade du nord du Canada, mon p'tit me vois tu que je tirais ma bûche bien au chaud dans ma Chevrolet. C'est beau, ça chante avec l'accent québécois à la radio et l'ambiance visuelle possède à première vue une identité forte intéressante et originale.
Kona commence donc comme cela, le drapeau québécois flottant au vent et au volant de votre Chévi, vous êtes engagé pour jouer les détectives dans ce qui semble être un petit village reculé. Au départ, le jeu s’offre à nous sous la forme d’un semi-monde ouvert où l'on se balade de maison en maison au cours de nos pérégrinations, à pied comme en voiture. Mais attention dehors c’est frette en tabarnak, le rude hiver rôde, hors de question de rester à l'extérieur trop longtemps, d’autant que en bon touriste que nous sommes, on est venu légèrement habillé.
La mécanique essentielle du début sera donc de jouer avec des points de chaleur, allumer une cheminée par ci, un feu de camp par là. Une fois réchauffé, on avance petit à petit, mais rien de bien compliqué, on a quand même le temps de progresser. La force de Kona reposant sur son atmosphère, pesante presque oppressante par moment tout en étant très intrigante, proche de ce que j’ai vécu sur Firewatch.
On est rapidement happé par le récit, d’autant qu’un événement fondamental pour la suite de l’aventure se produira peu de temps après notre arrivée au centre de la bourgade. À partir de là, j'ai eu bien du mal à poser la manette (oublier le combo clavier souris sur ce jeu, un enfer), la mise en place des recherches à entreprendre pour l'enquête et la manière dont le gameplay déroule sa richesse m’a littéralement captivé.
On devient rapidement addict à la poursuite des indices, tout en fouinant à droite et à gauche via la multitude d'interactions possibles avec le décor. Armés de notre lampe torche, on ouvre les tiroirs, soulève les tapis, résout des énigmes pour accéder à un garage ou une cabane, bref en somme dès le départ Kona nous offre une multitude de choses à faire, et notre carnet de bord superbement détaillé et complété avec les notes que l’on ramassera vient agréablement renforcer le sentiment d’avoir une implication réelle sur le récit, on peut même prendre des photos au choix d'éléments que l'on juge clés pour l'enquête.
J’ai comme eu la sensation d'être dans un épisode de X Files, à jouer Fox Mulder, ma lampe torche dans la main droite pour lire ma carte au milieu du blizzard canadien, tout en entendant les loups hurler au loin, pensez à garder un morceau de viande sur vous, cela peut toujours être utile, même si bien pire semble errer dans les bois.
Durant les trois ou quatre premières heures, le titre évolue sur une pente ascendante, complétant avec brio son récit, étoffant le mystère de la disparition de certains habitants et en apportant quelques moments de tension judicieusement orchestrés. Je ne me suis jamais ennuyé à visiter en long en large et en travers les quelques maisons du sud de la carte et au regard de tout ce que je pouvais voir au nord de celle-ci, je me dis qu'une aventure épique m’attend, enfin c’est ce que je croyais…
Après de longues fouilles, je me décide à partir au nord, en voiture, sauf qu'intervint un événement, je ne peux plus progresser au volant de celle-ci, et l'on me demande gentiment de continuer à pied, la carte et encore large au nord, comment cela va se dérouler sans moyen de locomotion ?
Me voilà arrivé face à un mur de glace, il semble que ma longue et attentive exploration ait porté ses fruits, car j’ai accès tout de suite à l’autre côté du mur, grâce à tous les éléments rassemblés en amont.
Mes Chers Lecteurs, cette critique touche à sa fin, le jeu s'arrête ici. Ah ! Mais je ne vous ai pas dit ? Excusez-moi, Kona est un projet avorté, amputé d’une bonne moitié de son récit et de son contenu, tout ce qu’ils avaient brillamment essayé d’installer durant cette première partie ne servira simplement à rien d’autre que nous donner l’espoir de quelque chose de plus grand, mais les développeurs se gardent bien de nous le dire, ce qu’on appellera la fin sera expédiée en une quinzaine de minutes, montre en main.
Avec Kona j’ai vécu l'une de mes plus grandes désillusions vidéoludiques récentes. Chaque pans et aspect du titre est balayé, éjecté bien loin pour ne laisser place qu'à une vulgaire mise en scène, se terminant avec une fuite en avant. Tout ce que l'on aura pris de temps de rassembler au cours de notre enquête, notre inventaire pour survivre en milieu hostile ou même notre arsenal de fortune pour se défendre, littéralement rien de tout cela ne vous servira. Ce que vous aperceviez au nord de la carte, y compris la maison d’une des victimes, cela sera uniquement pour vos beaux petits yeux. N’allons pas quatre chemins, Kona c’est quatre heures intenses, parfaitement maîtrisées, une ambiance folle et un récit qui semble s’épaissir, le tout agrémenté d’une tonne de bonnes idées, seulement tout ceci est suivi d’une dernière demi-heure tout au plus qui en guise de conclusion nous offre une fin qui n’a de fin que le nom, histoire de caler un générique et remercier les “backers”.
Frustré je suis, volé de mon argent non, mais je ne peux pas décemment conseiller Kona au vu du résultat. Un 5 sur 10 généreux pour ne pas éluder tous les points positifs, mais à quoi bon développer ceux-ci et en discuter plus longuement, tout cela ne mène de tout manière à rien, un beau gâchis, faut que je me calme le pompon, mais peut être que tout cela aura servi à financer Kona 2, je l'espère car celui-ci est en cours de chantier.