Décors de cinéma en carton et mandales pour de rire

Quand Microsoft lance sa première console, la Xbox, il sait qu’il faut veiller à proposer une ludothèque suffisante face à des concurrents expérimentés. La console doit offrir des jeux de qualité mais aussi variés. La compagnie n’a pas ignoré ce problème lors de la conception puis du lancement de sa console. Certains titres sortis sont alors apparus comme des réponses à d’autres incontournables des concurrents.

Pour avoir son jeu de tir, Microsoft a édité Halo. Pour avoir son Mario Party, Microsoft a édité Fuzion Frenzy. Pour avoir son Wipeout, Microsoft a édité Quantum Redshift. Pour avoir son jeu de combat, Microsoft a édité Dead Or Alive 3. Pour avoir son Mario Kart, Microsoft a édité Mad Dash Racing. Certains de ces titres -et il en manque- n’ont pas eu la notoriété d’autres représentants du même genre, la faute à une qualité en dessous des standards. Ou d’autres, tel Kung Fu Chaos parce qu’ils n’ont pas su trouver leur public. Et pour ce dernier, c’est bien dommage ma petite dame.

Si je devais insérer le titre dans la liste du précédent paragraphe, l’usage commun voudrait que je le considère comme le « Smash Bros » de la Boîte X. Dévoilé au grand public en mars 2002, trois mois après le raz de marée Super Smash Bros Melee au Japo, il est évident qu‘il s‘agit alors pour Microsoft d‘avoir « son » jeu de combat multijoueurs. Mais en réalité il puise davantage plus du côté des formidablissimes Power Stone. Les combattent s’affrontent dans des arènes évolutives vues du dessus, en s’aidant du décor et des possibilités offertes.

Si Kung-fu Chaos en reprend les grandes lignes, il s’en démarque néanmoins. Le système de combat est ainsi plus technique. Il y a quelques subtilités à apprendre dans les combos, les projections et les contres qui font la différence lors des combats. Surtout, il faut user et abuser des provocations, ici joliment nommées par persiflages. Dès qu’un ennemi est à terre, le joueur peut persifler. S’il réussit, c’est une étoile et au bout de trois, une attaque spéciale, propre à chacun, est possible. Difficilement évitable, elle tue en un coup. Mais attention, l’adversaire peut voler une étoile tout simplement en persiflant à son tour. Le système de jeu autorise quelques finesses bienvenues. Ce n’est pas la même courbe d’apprentissage de Super Smash Bros Melee, puisque chaque personnage se joue ici à peu près de la même façon mais c’est déjà ça. Par contre, ces finesses seront plus difficiles à appliquer à mesure que le nombre de joueurs est grandissant dans les arènes, c’est parfois un beau foutoir.

Une des grandes qualités du jeu réside dans l’enchaînement des situations. Certains terrains d’affrontements se passent sur de nombreux plans, souvent plus d’une dizaine. Ceux-ci sont marqués par une certaine inventivité et autant d’humour. Entre ces niveaux, il y a aussi des courts mini-jeux afin de changer la donne. La variété des niveaux et des évènements s’y déroulant est excellente et permet d’atténuer le sentiment de répétitivité propre au genre.

Mais surtout, ce qui aide à différencier KFC de Power Stone et même du reste de la production vidéo ludique, c’est son humour. L’histoire du jeu est délirante. Dans la notice, elle est détaillée sur deux pages, tout simplement à mourir de rire. Et le pire, c’est qu’elle est résumable en une phrase: on incarne un personnage choisi par le réalisateur Shan Tzu pour jouer dans son dernier film. Tout le jeu est donc sensé se passer dans des décors de cinéma et c’est pourquoi on voit ici et là des cameramen et une multitude de détails parsèment le jeu. C’est ainsi que lors d’un niveau, l’arrière-fond est défilé par un technicien et sa manivelle. Ou bien lors de sauts entre des buildings, on aperçoit des fils noirs dans leurs dos, comme dans les plus mauvais films d’action.

Et contrairement à ce que le titre pourrait faire penser, le jeu de Just Add Monsters ne se contente pas de pasticher les films d’arts martiaux des années 1970 de bien belle manière. Dans le panel de persos de base, on retrouve ainsi un clin d’œil à la Blackexploitation américaine. Mais il y a aussi un terrain parodiant le film Titanic, un autre Jurassic Park et plusieurs reprenant l’univers des films de Science-Fiction des années 1950. Absolument chaque détail du jeu est propice au rire, tout comme les différentes répliques des personnages. Merci aussi à une traduction française excellente, ce qui devait être dit.

Kung Fu Chaos remplit son contrat: il est le jeu de baston multi joueurs de la Xbox, on s'y tatane avec un grand plaisir. Alors, certes, il peut finir par devenir répétitif et par moment, c’est parfois confus, comme ses petits camarades. Mais surtout le jeu dispose pour lui d’une ambiance à se fendre les mâchoires en deux grâce à son aspect parodique. La meilleure arme pour attirer vos amis dans le salon.

Malheureusement Kung Fu Chaos, sorti le 11 avril 2003 en Europe, n’a pas connu le même succès que Super Smash Bros Melee ou même Power Stone. Contrairement aux studios derrière ces jeux, les développeurs de Just Add Monsters ne bénéficiaient pas du même capital sympathie. Alors qu'un autre jeu dans le même univers était en développement, la compagnie décida de changer de nom et de s'orienter vers des jeux plus matures. Just Add Monsters est devenu Ninja Theory et sortira Heavenly Sword sur PS3 en septembre 2007, ainsi que de nombreux autres de qualité, dont Hellblade: Senua's Sacrifice en 2017.