L'étrange Noël de Monsieur Jack fait partie de ces films aujourd'hui cultes mais sortis assez discrètement à leur époque. Le film de Disney s'est bien rattrapé, les produits dérivés se sont multipliés dans les années 2000, et les figurines, T-shirts, mugs, et j'en passe se ramassent à la pelle. L'étrange Noël de Monsieur Jack, c'est sombre pour en rire, l'idéal pour tous les petits et les grands et les gothiques du dimanche.
Le jeu-vidéo ne pouvait pas ne pas récupérer cette licence maintenant si juteuse. C'est la série des Kingdom Hearts de Square-Enix qui a ouvert le bal, dès son deuxième épisode en 2005. Cet action-RPG, pot-pourri des licences les plus emblématiques de Disney, ne pouvait pas faire l'impasse dessus. Mais c'est Capcom qui va vraiment donner une vie vidéoludique à l'univers de Tim Burton, par le biais de deux jeux. L'un sur GBA, l'autre sur PS2 et Xbox, eux aussi sortis en 2005.
Tim Burton L'étrange Noël de Monsieur Jack : La revanche d'Oogie peut se vanter de détenir l'un des noms de jeux les plus longs que nous raccourcirons pour les besoins de l'article. Il ne refait pas le film original mais en poursuit l'histoire. Jack, éternel insatisfait, veut toujours en faire plus pour la fête d'Halloween, ce rendez-vous incontournable qu'il organise pour Halloween Town, la ville où il fait bon se faire peur. Il décide donc de partir rechercher de nouvelles idées. Mais, en son absence, Oogie Boogie et ses sous-fifres, Am, Stram et Gram en profitent pour prendre possession de la ville. Jack, une fois revenu, ne va évidemment pas apprécier.
La fidélité au film est remarquable, beaucoup d'efforts ont été faits pour caresser le fan dans le sens de la bobine. Tout l'esprit de l’œuvre originale se retrouve dans ce produit dérivé. Les décors ont l’appellation « burtonienne » certifiée, cette touche d'horreur mais pas trop, où les architectures déformées se fichent des règles géométriques de notre monde. La psychologie et la gestuelle des personnages sont respectées, et ce cher Jack est incroyablement mis en valeur, ne serait-ce que pour la qualité de ses animations. Il saute, tourbillonne même, court avec une élégance que peu de squelettes peuvent prétendre. On y trouve aussi une bande originale remarquable, qui n'a pas à rougir face à celle de John Williams. Il est cependant dommage que, lors des mémorables affrontements contre les boss, les chansons utilisées le soient avec des paroles nouvelles mais sur des airs connus. Quand on voit les quelques chansons originales qui sont très réussies, on aurait aimé que tous les thèmes de boss osent la nouveauté.
Cette fidélité a aussi un prix. Car le jeu a du mal à se construire sa propre mythologie. Il reprend plus qu'il ne poursuit, peut-être à cause de la frilosité des fans ou de Capcom, peut-être à cause des ayants-droits. Si le jeu se démarque en donnant un monde structuré au film, accordant au fan le fantasme tant rêvé de parcourir l'univers du film, tout en se permettant quelques environnements nouveaux, il reste très conservateur sur tout ce qui est nouveaux personnages, nouvelles chansons ou même l'histoire en générale, très proche de celle du film. Ce n'est pas avec ce jeu que l'on découvrira ce qui se cache derrière les autres portes des fêtes, et la résolution d'une quête en lien avec celles-ci est même décevante. Mais le jeu ne se limite pas qu'à sa fidélité à l’œuvre de Tim Burton et Henry Sellick.
Pour se défaire des usurpateurs et de leurs troupes, Jack Skellington, peut se déguiser en trois différents costumes, qui se débloquent progressivement. De base, il est aidé de la « Soul Rubber », sorte de matière gluante fixée à son bras droit et qui n'est pas sans rappeler celle d'Earthworm Jim 2. Agissant comme un fouet qui viendra caresser l'échine des ennemis, elle peut aussi être utilisée comme un grappin. En Roi des citrouilles, Jack maîtrise l'art de la pyrokinésie, et c'est par le feu qu'il chatouillera ceux qui s'opposeront à lui ou pour débloquer certains passages. Enfin, en Jack Père-Noël, il distribue plusieurs cadeaux, mais ceux-ci ne sont pas pour les enfants sages.
Même si les deux derniers costumes ne sont pas assez exploités, la variété des actions et des mouvements de Jack est impressionnante. Il va devoir les mettre à profit dans le monde d'Halloween, avec quelques excursions dans d'autres endroits. Si le jeu s'inspire des Zelda, en offrant un monde cohérent, qui se découvre peu à peu, il utilise un découpage en chapitres plus classique, mais en proposant le pire de ces deux modèles de jeu.
Car la principale tare de ce jeu réside dans sa progression. Le découpage en chapitres, utilisé habituellement pour mieux mettre en avant l'avancée narrative du jeu, dessert un jeu qui s'inspire des Zelda, où les grands moments (affrontement contre un boss, rencontre d'un nouveau personnage, etc.) côtoient des passages plus banals. Il arrive ici que certains chapitres se terminent brutalement, sans qu'on ait l'impression d'avoir fait quoi que ce soit d'important ou même d'intéressant.
Il est ainsi curieux d'avoir voulu découpé en chapitres un jeu qui se déroule dans un monde ouvert. Mais même celui-ci est décevant. Par rapport à l'ampleur d'un Zelda, on se retrouve avec une portion réduite, et, surtout, quasiment vide de toute vie. La ville d'Halloween Town manque d'habitants. Et le compte entre ceux que l'on aperçoit dans le film et ceux dans le jeu de Capcom n'est pas à la faveur de ce dernier. Chaque habitant fait surtout office de décoration, posé là pour « égayer » une partie de niveau. Ce n'est pas suffisant pour donner à ce dernier plus d'intérêt.
Le level-design est globalement décevant, n'exploitant que peu les capacités de Jack, hormis celles de base. Le jeu mise plus sur les affrontements, certes très spectaculaires, mais dont l'utilisation des autres costumes est ici quasiment inutile, au même titre que leur utilisation pour progresser est anecdotique. Capcom voulant attirer au jeu pas seulement les fans du film mais aussi les siens, le jeu adopte un système de score, avec une appréciation globale par chapitre. Ce qui laisse penser que ce chapitrage ait été ajouté après, pour étayer une durée de vie plutôt médiocre.
Le jeu est correctement réalisé, on ne remarque pas de textures grossières, de modélisations ridicules ou de bugs particuliers. Mais voilà, c'est au détriment d'un fond. Si on laisse de côté le facteur « affinité ou pas avec le film », le jeu est prometteur mais manque d'ampleur, d'envergure. Le jeu se finit en une dizaine d'heures, et il ne s'agit pas de critiquer un jeu globalement facile, mais que le monde traversé soit aussi limité.
En tant qu’œuvre dérivée, cette déclinaison respecte à merveille le matériel de base, certainement même trop. Mais en tant que jeu, il ne fait pas assez bien dans de nombreux domaines. C'est un service minimum, de qualité, mais qui aurait pu développer quelque chose de plus ambitieux, et ce n'est pas comme si Capcom n'en était pas capable. C'est un régal de se replonger dans cet univers, le jeu n'est pas mauvais mais il aurait pu aller plus loin.