Last Day Of June
6.5
Last Day Of June

Jeu de Ovosonico et 505 Games (2017PlayStation 4)

Temps de jeu : 10 heures
Reçu dans le Humble Monthly Bundle de Mars 2018
Test rédigé pour Nintendo-Difference [#9]

Déjà paru sur PC et PS4 le 31 août 2017, Last Day of June n’attendra pas le dernier jour d’août – ou de juin – pour atterrir sur le Nintendo eShop de la Switch. Disponible depuis le 16 mars dernier, ce jeu d’aventure essentiellement narratif a été développé par Ovosonico (connu pour Murasaki Baby) et édité par 505 Games. Le joueur y suit l’histoire malheureuse de Carl et June, victimes d’un accident de la route. Saupoudré d’un tantinet de mysticisme, le titre entreprend une réflexion autour de la mort, du deuil et du désespoir. Et autant le dire tout de suite, qu’il s’agisse du ton de l’intrigue ou de ses qualités ludiques, l’ambiance n’est pas à la fête.

Un jour sans freins

Carl et June sont amoureux. Les yeux rivés sur l’horizon crépusculaire, bercés par le bruit des vagues d’un océan écarlate, l’un comme l’autre s’apprivoisent comme ils le peuvent. Parfois avec justesse, souvent avec maladresse, mais toujours avec innocence. On s’offre une fleur ou un croquis, on se sourit naïvement. L’Été touchait à sa fin, mais leur histoire commune ne faisait que débuter. Le temps passe, mais la passion ne s’estompe pas. Pris d’un élan nostalgique, Carl et June s’offrent un après-midi près du large. Même lieu, même saison, même amour. Une vie simple et heureuse, presque idyllique, si elle n’était pas soumise aux mêmes règles que toutes choses en ce monde ; l’humide Automne remplaça le voile estival, le ciel dégagé laissa sa place aux nuages orageux et leur amour éternel s’en retrouva brisé, la faute à un horrible accident de voiture. Carl y a perdu ses jambes, June la vie. Last Day of June n’est à aucun moment une histoire heureuse. Ni au début, ni au milieu, ni à la fin.

Dépité, morcelé, anéanti. Carl se morfond dans son fauteuil roulant, cauchemardant nuit après nuit cette terrible tragédie. Jusqu’à l’appel mystique d’un des tableaux peints par June. À travers ces toiles, Carl peut remonter le temps, modifier le cours des événements et sauver sa dulcinée. S’il incarne bel et bien le héros à lunettes, le joueur pourra aussi se fondre dans la peau d’un des quatre autres protagonistes, tous spectateurs de l’accident. Chacun apporte son point de vue sur le déroulement de l’action à travers des phases d’énigmes, lesquelles se révèlent relativement simples et peu palpitantes. Lorsqu’une d’entre elles est résolue, le jeu offre un nouveau regard sur l’accident en question, apportant avec lui un nouvel embranchement scénaristique. Il faudra alors naviguer d’un personnage à un autre afin d’influencer les actions de chacun, jusqu’au dénouement de l’intrigue et le sauvetage potentiel de June. Si voyager dans le temps et revivre la même journée de différentes manières se montre alléchant sur le papier, il en est tout autre dans les faits.

Celui qui conduit, c’est celui qui ne voit pas

En effet, le déroulement des événements est aussi répétitif qu’il en a l’air. Le joueur recommence encore et encore les mêmes actions pour chacun des protagonistes, la palme revenant au premier d’entre eux, à savoir le petit garçon. Il lui faudra alterner sans cesse entre jouer au ballon avec le chien ou au cerf-volant avec le vieillard, après avoir effectué les mêmes actions ad nauseam. Pire encore, les cinématiques – certes raccourcies une fois le premier visionnage effectué – ne peuvent être passées via une commande dédiée ; un choix frustrant qui demandera de faire attention à la moindre interaction entreprise. On pourrait penser que toutes ces redites ne servent qu’à gonfler artificiellement la durée de vie du titre, si celle-ci n’atteignait pas difficilement les trois heures en tout et pour tout. Il y a bien une complétion possible avec cinq pièces par personnage dispersées dans le village, quoiqu’un peu anecdotique, puisque tout se récupère naturellement au fur et à mesure que l’histoire progresse. Finalement, le gameplay, inexistant en dehors de ces pauvres énigmes, entrave plus qu’il ne sert la narration.

À ce sujet, il eut été préférable que Last Day of June ne soit qu’un court-métrage. Il faut dire que le titre possède pas mal de qualités artistiques, tant dans son style visuel que sonore. À la musique, on retrouve Steven Wilson, un multi-instrumentiste britannique réputé dans le domaine du progressif (il a notamment contribué sur trois albums d’Opeth, un groupe suédois de death metal). Si les sonorités uniques du monsieur sont de haute qualité, force est de reconnaître qu’elles détonnent un peu avec l’ambiance funèbre du jeu. Il est d’ailleurs amusant de noter que le chara design et l’histoire de Carl et June sont inspirés du clip de Drive Home, un titre de… Steven Wilson. La boucle est bouclée. Les bruitages sont bien fichus, et même s’ils ne parlent pas, les personnages possèdent des doublages sympathiques, quoiqu’un peu niais. Les inspirations picturales du titre d’Ovosonico dépassent évidemment les tableaux de June (et d’autres œuvres réelles, comme Le Cri d’Edvard Munch, entre autres), se retrouvant jusque dans sa direction artistique, absolument sublime.

Joint de couillasse

Doté de couleurs et de lumières plaisantes, Last Day of June charme dès sa séquence d’introduction. À tel point que le joueur sera difficilement marqué par une scène autre que celle-ci, baignée dans la chaleur d’un soleil couchant. S’il y a bien quelques maladresses dignes d’un projet étudiant dans la narration du récit, le jeu réussit le tour de force de rendre ses personnages attachants, et ce malgré l’absence de dialogues. Même les personnages secondaires se révèlent plaisants, qu’il s’agisse du vieillard bourreau malgré lui, de la meilleure amie désespérément amoureuse ou surtout du petit garçon en manque d’affection. En revanche, là où le titre se prend les pieds dans le tapis, c’est lorsqu’il aborde son final. Pas inintéressant ou franchement raté, il manque toutefois son objectif de base : faire larmoyer le joueur. Difficile pour ce dernier d’éprouver une quelconque tristesse pour le couple après le huitième décès de la dame. La séquence tragique revient trop souvent, la rendant de facto banale à visionner.

Verdict : Peut-être ?

Très joli à regarder (tant dans son mode portable que sur télé), mais aussi à écouter, Last Day of June s’apparente plus au film qu’au jeu vidéo. Pourri par ses énigmes d’un niveau zéro, nul doute que le titre aurait plus gagné à être un court-métrage. Quand bien même on ne s’y ennuie jamais vraiment, le récit tire en longueur à cause des phases de jeu, ces dernières étant elles-mêmes alourdies par la répétition du scénario et de ses cinématiques impossibles à ignorer. Touchante, mais jamais vraiment poignante, agréable, mais trop souvent maladroite, l’oeuvre intimiste de Ovosonico pêche aussi de par son aspect technique ; le framerate chute légèrement, notamment quand le joueur tourne la caméra. Loin d’être inoubliable, Last Day of June est avant tout victime de son prix affreusement élevé. À vingt euros les trois heures, mieux vaut y réfléchir à deux fois.

Créée

le 3 juil. 2022

Critique lue 352 fois

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Kalimari

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